Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ABDESSEMED ADEL (1971- )

L'œuvre photographique qui a servi de manifeste à l'exposition du Centre Georges-Pompidou à Paris, du 3 octobre 2012 au 7 janvier 2013, montre l'artiste debout devant la porte de son atelier parisien. Adel Abdessemed, l'œil à demi fermé, croise les bras devant sa poitrine et s'offre au feu qui, depuis le sol, s'est propagé sur tout son corps, jusqu'au visage effleuré par une flamme en forme de vague. Cette image est emblématique d'une œuvre qui interpelle le spectateur sans détours. Il n'y a pas de trucage, l'artiste brûle, mais il parvient à garder sa position frontale, dominant la peur. Le titre de la photographie et de l'exposition-manifeste, Adel Abdessemed Je suis innocent (2012), est formulé à la première personne.

Entre provocation et méditation

À quelle innocence se réfère cette singulière immolation par le feu ? Comme dans le rêve qui, d'après Freud, recompose en une image énigmatique l'empreinte mémorielle des souvenirs de la veille, les œuvres d'Adel Abdessemed sont souvent constituées d'images appartenant à l'actualité récente, mais elles entraînent avec elles des figures plus anciennes, voire archaïques. Dans l'art chrétien, le feu dévore les âmes du purgatoire, mais la flamme ne détruira pas l'artiste, puisqu'il est innocent. Cependant l'ambivalence de l'image dit aussi le contraire : l'homme en flammes est venu propager le feu qui a déjà commencé à s'étendre autour de lui sur le marchepied et sur la route. Il n'est pas du tout innocent, malgré ce qu'il dit : le titre et image se contredisent. Il faut se garder de résoudre l'ambiguïté complexe de cette œuvre. Le travail d'Abdessemed est situé sur une corde raide entre provocation immédiate et profonde méditation.

Adel Abdessemed est né en 1971 à Constantine, en Algérie, il étudie à l'école des Beaux-Arts d'Alger en 1990 avant de se rendre à Lyon où il fréquente l'école des Beaux-Arts de 1994 à 1998. Au début des années 2000, il travaille à New York et à Berlin, puis s'installe à Paris. Au milieu des années 2000, ses travaux acquièrent une notoriété internationale, entrant dans des nombreuses collections publiques et privées. Abdessemed utilise le dessin, la sculpture, la photographie et la vidéo, filmant parfois ses propres performances comme, par exemple, dans Chrysalide, ça tient à trois fils (1999), où il défait la burqa en laine noire qui couvre entièrement le corps d'une jeune femme. L'artiste court autour d'elle en tirant le fil de laine, il en dénoue le tissage, laissant progressivement apparaître le corps nu. La valeur libératoire d'un geste qui rejette les politiques répressives de l'islamisme radical est manifeste dans cette pièce, mais on peut également y voir une sorte de danse extatique, qui renvoie aux fêtes berbères et aux transes dont Abdessemed dit avoir gardé un vif souvenir. La course exténuante puise son énergie dans un rituel antique affrontant une autorité répressive, antagoniste depuis le temps de l'arabisation.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, Paris

Classification

Pour citer cet article

Giovanni CARERI. ABDESSEMED ADEL (1971- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SCULPTURE CONTEMPORAINE

    • Écrit par Paul-Louis RINUY
    • 8 011 mots
    • 4 médias
    ...George Segal et crée un malaise toujours renouvelé. Porteurs d’un esprit d’ironie ou de détournement parodique, Xavier Veilhan (Rhinoceros, 1999-2000) ou Adel Abdessemed, dont le Coup de tête (2012) renvoie au célèbre geste de Zidane lors de la Coupe du monde de football de 2006, expriment le caractère...

Voir aussi