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BROOK PETER (1925-2022)

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La « voie double »

À la même époque, à l’invitation de son directeur Peter Hall, Brook accepte de rejoindre la Royal Shakespeare Company, à condition de pouvoir se livrer à un travail de recherche sans impératif de présentation publique. Il imagine une structure autonome, intitulée LamdaTheatre, au sein de laquelle s’amorce une importante investigation sur le langage de l’acteur. Aventure de laboratoire qui débouchera sur une présentation célèbre de textes non théâtraux ou de fragments réunis sous l’intitulé « artaudien » Le Théâtre de la cruauté. Dans cet esprit, Brook monte, en 1964, Marat-Sade de Peter Weiss, où il s’attaque à la question des rapports entre politique et folie. Ce spectacle laisse entrevoir l’intérêt qu’il accordera plus tard aux problèmes de la maladie mentale.

Peter Brook, dans ces années d'effervescence, montre un vif intérêt pour le « théâtre documentaire » ; il met en scène, à Paris, Le Vicaire (1963), de Rolf Hochhuth, qui provoque un énorme scandale en dénonçant le silence du Vatican durant la Seconde Guerre mondiale, et organise une lecture de L’Instruction (1965) de Peter Weiss, une évocation des camps de concentration. Dans la même voie, le spectacle US (1966), qui condamne la guerre du Vietnam, est réalisé à partir d’entretiens avec les gens de la rue. Cependant, alors qu’il semble attacher sa réflexion au monde contemporain, à la surprise générale, le metteur en scène propose une pièce ancienne, oubliée, qui n’a probablement jamais été jouée, Œdipus rex (1968) de Sénèque, qu’il traite avec une sobriété tragique, austère et rituelle. En homme de contrastes, Peter Brook confirme ainsi son attrait pour « la voie double ».

Brook réalise deux films à partir de ses spectacles : Marat-Sade (1967) et Le Roi Lear(1971). Puis il publie L’Espace vide (1968), livre organisé en quatre parties – « Le théâtre mortel », « Le théâtre sacré », « Le théâtre brut » et « Le théâtre immédiat » – qui connaîtra un vif retentissement parmi les praticiens du théâtre. Par ailleurs, il subit l’influence du penseur russe Georges Gurdjieff (1866-1949) et son théâtre porte la marque de cet enseignement.

En 1968, à l’invitation de Jean-Louis Barrault, Peter Brook accepte de diriger, dans le cadre du Théâtre des nations, un stage multinational qui, en raison des événements parisiens, s’achèvera à Londres avec Les Exercices de la tempête. La séparation d’avec la Royal Shakespeare Company s’amorce mais, avant de rompre ses liens avec le célèbre théâtre, Brook signe un dernier spectacle, Le Songe d’une nuit d’été (1970). Il lance alors la mode du blanc sur la scène, intègre des numéros d’acrobatie et de prestidigitation empruntés à l’Opéra de Pékin et parvient à montrer l’équivalent physique des exploits magiques accomplis par les personnages surnaturels de la pièce.

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Georges BANU. BROOK PETER (1925-2022) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 09/03/2023

Médias

Peter Brook - crédits : Pierre GUILLAUD/ AFP

Peter Brook

<em>Titus Andronicus</em> de W. Shakespeare, mise en scène de Peter Brook - crédits : Pierre Vauthey/ Sygma/ Sygma/ Getty Images

Titus Andronicus de W. Shakespeare, mise en scène de Peter Brook

<em>Sa Majesté des mouches</em>, film de Peter Brook (1963) - crédits : Two Arts/ CD/ The Kobal Collection/ Picture Desk

Sa Majesté des mouches, film de Peter Brook (1963)

Autres références

  • BATTLEFIELD (mise en scène P. Brook et M.-H. Estienne)

    • Écrit par
    • 1 002 mots
    • 1 média

    Il est l’homme de l’espace vide. Du plateau nu, débarrassé de tout accessoire ou décor, à l'exception, parfois, d'un arbre, d'une chaise, d'un tapis. À 90 ans, Peter Brook demeure le grand maître d’un théâtre où le réel naît de l’imaginaire, où la vérité surgit de l’illusion....

  • HAMLET (mise en scène P. Brook)

    • Écrit par
    • 1 071 mots

    « Qui est là ? ». C'est la première réplique d'Hamlet. C'était aussi le titre du travail de recherche présenté, il y a trois ans, par Peter Brook. « Qui est là », sur cette scène ? Et qu'est-ce qui est là ? Du théâtre, des corps, un corps en mouvement surtout, des mots proférés,...

  • OUBLIER LE TEMPS (P. Brook)

    • Écrit par
    • 1 080 mots

    Dans Oublier le temps (Seuil, Paris, 2003), initialement publié en anglais sous le titre Threads of Time (1998), Peter Brook retrace le parcours qui l'a conduit à devenir un metteur en scène connu et admiré dans le monde entier. Pour lui, « succès et argent ne valent pas la peine d'être atteints »....

  • TEMPEST PROJECT (mise en scène P. Brook et M.-H. Estienne)

    • Écrit par
    • 1 065 mots

    En 1968, le Britannique Peter Brook (1925-2022) fut invité au théâtre des Nations par Jean-Louis Barrault, pouranimer un stage avec de jeunes acteurs de tous bords autour de Shakespeare. L'expérience tourna court en raison des événements qui agitaient Paris, etBrook présenta à la Roundhouse...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par , , , , , et
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...symptomatique : sa théorie et sa pratique y ont presque toujours été soit mal comprises, soit déformées, même par des hommes de théâtre aussi distingués que Peter Brook et Peter Hall, ou par Edward Bond, qui déclare que « ce qui se rapproche le plus d'une pièce de Brecht, c'est le mélodrame...
  • DIOP BIRAGO (1906-1989)

    • Écrit par
    • 301 mots

    Les morts ne sont pas sous la terre : / ils sont dans l'arbre qui frémit, / ils sont dans le bois qui gémit, / ils sont dans l'eau qui coule, / ils sont dans l'eau qui dort, / [...] les morts ne sont pas morts.

    Ces vers souvent récités, où se condense le vieil animisme africain,...

  • GIELGUD ARTHUR JOHN (1904-2000)

    • Écrit par
    • 731 mots

    Né le 14 avril 1904, fils de financier, annobli en 1953, sir Arthur John Gielgud grandit dans le quartier huppé de Kensington. Son père aurait aimé qu'il suive ses traces. Mais, en digne descendant, par sa mère, d'une lignée ininterrompue d'acteurs depuis le xviiie siècle et en...

  • KOUYATÉ SOTIGUI (1936-2010)

    • Écrit par
    • 369 mots

    Acteur et dramaturge d'origine malienne, Sotigui Kouyaté fut l'un des comédiens les plus respectés d'Afrique de l'Ouest. Il s'est fait connaître du public occidental pour avoir incarné le sage Bhishma dans l'adaptation du Mahabharata que donna Peter Brook, avec la...

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