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PÉNITENCE

La pénitence peut n'être qu'expiatoire et renvoyer aux religions qui apaisent la culpabilité à l'aide de rites piaculaires. Si l'on en croit René Girard (La Violence et le sacré, Paris, 1972), le premier sacrifice de la première victime surgit d'un état de violence qui n'est surmonté que lorsque les membres du groupe s'entendent pour désigner un coupable ; en mourant, celui-ci efface leurs torts, parce qu'il pourvoit, en vertu du choix commun, à la réconciliation commune. Ce genre d'explication universalise le trait rituel du bouc émissaire. Il éclaire assurément l'un des mécanismes psychosociologiques d'expulsion de la faute. Mais il n'élucide ni l'angoisse diffuse de culpabilité, ni le sentiment du péché, qui n'est pas simple infraction morale, ni le genre de regret qui anime la repentance et qui vise à contrebalancer l'irréversibilité des actes. Il élucide encore moins l'un des constituants de la pénitence, qui est la croyance au pardon, à la rentrée en grâce.

Une explication psychanalytique serait un complément opportun : elle interpréterait l'ambivalence des sujets en face du sacré, elle justifierait la confession comme technique de l'aveu, et elle rangerait dans les conduites de deuil soit la morosité du remords, soit la contre-exaltation de la coulpe heureuse, de la chute qui se change en voie de salut. Il est probable que les religions évoluées, celles qui n'en restent pas à un dolorisme pénitentiel, celles qui se recommandent du pur amour, ne peuvent arracher la conscience de péché ni aux complexes ni aux mythes.

C'est un fait, cependant, que la culpabilité n'est prise en charge par la religion que déjà graciée, comme le mal en général, comme la souffrance, comme les déficits de l'existence ne lui sont intégrés que déjà surmontés, comblés, retournés en espérance. Sous ce rapport, la religion s'invente elle-même comme affirmation que rien n'est jamais perdu, qu'il y a une issue, une ouverture possibles, en dépit de tout le négatif. C'est pourquoi la pénitence n'est religieuse, n'échappe à ses propres équivoques que si elle transforme le souvenir en avenir (ce qui n'est pas sans présenter quelque analogie avec la cure analytique).

— Henry DUMÉRY

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Écrit par

  • : professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Henry DUMÉRY. PÉNITENCE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALAIN DE LILLE (1128-1203)

    • Écrit par Jean-Pierre BORDIER
    • 1 036 mots

    Né à Lille, élève de Bernard Silvestre à Chartres, Alain étudie dans la mouvance de Gilbert de la Porrée ; il devient maître ès arts, puis maître en théologie à Paris, avant d'enseigner à Montpellier ; parvenu au sommet de la gloire, il suit l'exemple de son ami Thierry...

  • CARÊME

    • Écrit par Robert CABIÉ
    • 495 mots

    Temps qui, dans toutes les Églises chrétiennes, est réservé à la préparation de Pâques, et s'étend du mercredi des Cendres à la messe du soir du jeudi saint. Le carême (en latin populaire, quaresima ; en latin classique, quadragesima[dies], « le quarantième » [jour avant Pâques])...

  • FLAGELLANTS

    • Écrit par Raoul VANEIGEM
    • 1 026 mots

    Bien que la flagellation comptât parmi les pratiques de macération jadis admises par l'Église, il faut attribuer aux espérances millénaristes (fondées sur la valeur prophétique attribuée par Joachim de Flore à l'année 1260) l'extension collective du phénomène d'autopunition et ses...

  • INDULGENCES

    • Écrit par Jean PASSICOS
    • 360 mots

    Terme qui, à l'origine, désignait la remise d'une pénitence publique imposée par l'Église, pour une durée déterminée, après le pardon des péchés. À la suite d'une lente élaboration, la notion d'indulgence en est venue à signifier aujourd'hui une intercession particulière auprès de Dieu...

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