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SACRIFICE

Monument aux bourgeois de Calais, A. Rodin - crédits : Simon Bilbault

Monument aux bourgeois de Calais, A. Rodin

Le sacrifice comporte deux pôles : d'un côté, on offre et, de l'autre, on se prive de ce que l'on offre. L'histoire des religions et l'ethnologie se préoccupent surtout du premier aspect ; le sacrifice est étudié comme rite. Les moralistes envisagent surtout le second aspect, ou la vertu du renoncement dans la construction de l'homme authentique. Alfred Loisy définit ainsi le sacrifice comme rite : « Une action rituelle – la destruction d'un objet sensible, doué de vie ou qui est censé contenir de la vie – moyennant laquelle on a pensé influencer les forces invisibles, soit pour se dérober à leur atteinte [...] soit afin de [...] leur procurer satisfaction et hommage, d'entrer en communication et même en communion avec elles. » Le sacrifice n'est donc pas un type particulier de rite, mais un genre qui en contient beaucoup : sacrifices d'actions de grâce, sacrifices de demande, sacrifices expiatoires collectifs ou individuels, sacrifices de consécration (d'un lieu, d'un objet, etc.), sacrifices de communion. Selon que l'on considère comme plus primitif tel type ou tel autre, on proposera une théorie différente du sacrifice.

Les théories sur l'origine et l'évolution du sacrifice

E. B.  Tylor voit dans le sacrifice un don intéressé aux esprits : do ut des. Lorsque la croyance aux dieux succéda à celle des esprits, le don intéressé fit place à l'hommage sans espoir de retour. Plus tard enfin, au lieu de choses matérielles, on fit offrande à Dieu de ses sentiments : le sacrifice devint renoncement. Certes, dans le sacrifice, on donne et en même temps on reçoit, remarque G. Van der Leeuw, mais la formule do ut des ne fournit de cet échange de prestations qu'une caricature rationaliste. De plus, le sacrifice est toujours plus qu'un échange, car l'objet offert est détruit ; et c'est cette destruction, ou immolation, qui apparaît essentielle.

Avec W. R.  Smith, on passe de l'antériorité du sacrifice-don à celle du sacrifice- communion. Le sacrifice primitif ne peut pas être un don, parce que le don suppose le sentiment de propriété et celui d'obligation envers les dieux, deux sentiments qui ne pouvaient exister, selon Smith, chez nos ancêtres nomades, car ils supposent la fixation au sol et l'avènement d'un sentiment religieux débarrassé de toute magie. D'un autre côté, pour que le sacrifice pût devenir un don, il fallait que l'objet sacrifié n'eût pas un caractère religieux, que la victime animale fût seulement un animal, ce qui suppose une époque où les idées de tabou et de sacré avaient déjà perdu leur force. Le sacrifice n'est donc pas une offrande pieuse. C'est un repas. Les dieux hébraïques comme les dieux d'Homère se repaissent de la fumée des viandes ; les divinités souterraines boivent les libations qui s'enfoncent sous le sol. Mais, à côté de ces sacrifices où tout semble dévoré par les dieux, il y en a d'autres où ceux-ci ne mangent qu'une partie de la victime, le reste étant dévoré par les hommes. Ainsi se fondait la communion entre la divinité et les fidèles. Que ce soit là la forme primitive du rite, Smith prétend l'établir en montrant chez les Bédouins nomades l'existence du sacrifice communiel à caractère totémique d'un chameau blanc ; or le totémisme est la forme la plus primitive de toutes les religions. Le sacrifice-don ne serait venu que beaucoup plus tard, avec l'apparition des royautés, par imitation de la pratique de la dîme ou impôt royal. La théorie de Smith était fondée sur des données empruntées aux Sémites. Elle devait recevoir une confirmation éclatante un peu plus tard, car la communion totémique, pressentie plus que proprement observée par cet auteur, fut découverte en Australie : il s'agit de l' [...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-I

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