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ALMODÓVAR PEDRO (1949- )

Une mystique de la douleur

Pour aborder cette sensibilité nouvelle, le projet esthétique du cinéaste use d'une rigueur renouvelée. La palette des couleurs évolue (le noir y prend une place dominante, associé au rouge dans La Mauvaise Éducation, au blanc dans Volver), et la mise en scène devient un exercice très précis de contrôle des effets visuels comme de la narration. Personnages et péripéties peuvent proliférer, le récit n'en est pas moins tendu, épuré par l'usage des ellipses (Tout sur ma mère). Le « contrôle » des émotions importe aussi, puisque c'est la maîtrise de leur expression et de leur retentissement qu'Almodóvar vise en dernière instance. Il le faisait depuis ses débuts en tant que méticuleux directeur d'acteurs. Ici, c'est avec la caméra qu'il parachève ce travail. Il entraîne ainsi le mélodrame vers le tragique et lui confère une dimension empreinte de sacré. Ce qui s'exprime alors évoque une mystique de la douleur, où le cinéaste a souvent déclaré percevoir une religion universelle, parlant à chacun et permettant à tous de communiquer. L'extraordinaire écho public et critique reçu par Tout sur ma mère, Parle avec elle et Volver semble lui donner raison.

<em>Douleur et Gloire</em>, P. Almodóvar - crédits : Manolo Pavon/ El Deseo/ BBQ_DFY/ Aurimages

Douleur et Gloire, P. Almodóvar

Avec La piel que habito(2011), adaptation du roman de Thierry Jonquet Mygale, Pedro Almodóvar explore une voie nouvelle, proche du fantastique, tandis qu’avec Les Amants passagers (2013) il semble renouer avec les comédies volontiers délirantes de ses débuts. Simple intermède, peut-être, puisqu’avec Julieta (2016), magnifique portrait de femme brisée, il retrouve la forme du mélodrame flamboyant qui fait désormais son style. Douleur et gloire (2019) peut être considéré comme un auto-portrait, ou une manière d’auto-analyse : cinéaste reconnu mais en manque d’inspiration, Salvador (Antonio Banderas) revient sur son passé et retrouve peu à peu les chemins de la création.

— Frédéric STRAUSS

— Universalis

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Écrit par

  • : journaliste
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Frédéric STRAUSS. ALMODÓVAR PEDRO (1949- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>Douleur et Gloire</em>, P. Almodóvar - crédits : Manolo Pavon/ El Deseo/ BBQ_DFY/ Aurimages

Douleur et Gloire, P. Almodóvar

<em>Julieta</em>, P. Almodóvar - crédits : Canal+/Cine+/El Deseo/ Photoshot/ Aurimages

Julieta, P. Almodóvar

Autres références

  • DOULEUR ET GLOIRE (P. Almodóvar)

    • Écrit par René MARX
    • 987 mots
    • 1 média

    L’affiche de Huit et demi de Federico Fellini orne un mur du bureau de Mercedes, celle qui est à la fois l’agente, l’amie et la protectrice de Salvador, le cinéaste protagoniste de Douleur et Gloire. Comme le Guido de Fellini, Salvador est un cinéaste en panne. En panne d’inspiration, d’élan...

  • JULIETA (P. Almodóvar)

    • Écrit par Christian VIVIANI
    • 1 032 mots
    • 1 média

    Dans l’histoire du cinéma, il existe peu de parcours que l’on puisse comparer à celui de Pedro Almodóvar. En effet, soit les cinéastes liés à un mouvement d’idées ou de mode sombrent dans l’oubli, soit ils se figent en représentants d’une époque donnée. Lié au mouvement de la Movida au point...

  • PARLE AVEC ELLE (P. Almodóvar)

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 989 mots

    Le rideau se baissait à la dernière image de Tout sur ma mère (1999). Le rideau se lève à la première de Parle avec elle. D'un film à l'autre, Pedro Almodóvar suit sa ligne, limpide et intrigante comme les lignes de la main, faites de chair et de sang. Dans Tout sur ma mère, la ligne...

  • TALONS AIGUILLES, film de Pedro Almodóvar

    • Écrit par Laurent JULLIER
    • 877 mots

    Pedro Almodóvar commença par refléter le désir de changement de l'Espagne franquiste, avec une série de dix courts-métrages dont le premier avait pour titre, en 1974, Film político. Mais le décès du caudillo, l'année suivante, allait précipiter les choses, et la Movida, le renouveau...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    Pedro Almodóvar, né en 1949, est l'auteur phare du cinéma espagnol, affirmation que nul ne songerait à contester aujourd'hui, mais qui ne manque pas d'ironie rétrospective quand on songe aux débuts de l'auteur-acteur-chanteur au temps de la movida madrilène. Jusqu'à ...
  • CORRIDA

    • Écrit par Barnaby CONRAD
    • 10 675 mots
    • 7 médias
    ...Boetticher, suscita un véritable engouement pour cet art aux États-Unis. Torero amateur, Boetticher produisit plusieurs autres films sur ce thème. Le réalisateur Pedro Almodóvar tourna lui aussi des films évoquant la tauromachie, dont Matador (1986), largement critiqué en Espagne pour sa représentation...
  • CRUZ PENÉLOPE (1974- )

    • Écrit par Universalis
    • 503 mots

    Née le 28 avril 1974 à Madrid, Penélope Cruz Sánchez grandit en dehors de la capitale. Apprenant le ballet pendant neuf ans au Conservatoire national espagnol, la jeune fille suit également une formation intensive en danse classique et en modern jazz avant d'aller étudier l'art dramatique à New York....

  • ESPAGNOL CINÉMA

    • Écrit par Jean-Louis COMOLLI
    • 1 301 mots

    On peut faire remonter à 1896 les premières manifestations cinématographiques en Espagne. Le 15 mai, un représentant des frères Lumière organise la première projection à Madrid et, à la fin de l'année, un Espagnol filme La Sortie de la messe de midi à l'église du Pilar de Saragosse...

Voir aussi