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DOULEUR ET GLOIRE (P. Almodóvar)

<em>Douleur et Gloire</em>, P. Almodóvar - crédits : Manolo Pavon/ El Deseo/ BBQ_DFY/ Aurimages

Douleur et Gloire, P. Almodóvar

L’affiche de Huit et demi de Federico Fellini orne un mur du bureau de Mercedes, celle qui est à la fois l’agente, l’amie et la protectrice de Salvador, le cinéaste protagoniste de Douleur et Gloire. Comme le Guido de Fellini, Salvador est un cinéaste en panne. En panne d’inspiration, d’élan vital, en panne de sentiments. Sans énergie ni amour, il oscille entre regrets et mauvaise santé. Dès qu’il ferme un œil, son enfance resurgit, et avec elle sa mère, jeune et bien-aimée (Penélope Cruz), et le souvenir de leur complicité. Salvador revient sans cesse à cet enfant précoce et clairvoyant qu’il fut. Clairvoyant, il ne l’est plus du tout. Le petit extra-lucide est devenu un vieil aveugle. La difficulté avec laquelle il s’extrait du taxi qui le ramène vers un ami perdu de vue dit tout des chagrins et des courbatures du personnage. Le succès passé lui a permis de se créer un cocon précieux, un appartement où chaque objet est une œuvre d’art. Mais il s’y trouve enfermé, et ne crée plus rien. Cet appartement, un décor, est largement inspiré de la résidence réelle de Pedro Almodóvar. Quant à Antonio Banderas, qui a reçu à Cannes le prix d’interprétation pour son incarnation de Salvador, il joue volontairement de sa ressemblance physique et vestimentaire avec le cinéaste.

Du mélodrame à l’autobiographie

L’ironie, la mise à distance, le recul ont longtemps représenté les moyens d’expression privilégiés d’Almodóvar, même s’ils ne l’empêchaient jamais d’exprimer ses sentiments, son sentimentalisme parfois, ni de proposer une morale, ou du moins une réflexion sur la morale. Peu de cinéastes ont su ainsi trouver la vérité au fond du mensonge et l’élégie sous le couvert du grotesque. Sa recherche constante de la beauté formelle, son travail sur les couleurs, les costumes, les décors, la tristesse et l’humour, la place du théâtre et la mise à distance du récit, la fascination pour le kitsch, la manipulation des formes établies en art et des clichés modernes ou anciens de l’imagerie nationale, voilà ce qui le distinguait. Le plaisir toujours renouvelé du spectacle almodóvarien était souvent dû à ces acrobaties narratives. Et le mélodrame était une constante de son travail, même s’il s’agissait d’en subvertir tous les ressorts.

Avec La Mauvaise Éducation (2004), le récit continue à être manipulé mais il est souvent, tout comme dans Douleur et Gloire, raconté sérieusement. Les ressorts du roman-feuilleton – avec substitution de personnages, retour du passé, objets perdus et retrouvés, hasards et coups de théâtre – demeurent parfois. Mais l’autobiographie assumée écarte désormais en partie l’ironie. La distance est moins grande avec son sujet et les films évoquent davantage, en dépit du grand plaisir qu’on prend au spectacle, la tristesse et le désenchantement. Dans Douleur et Gloire, des signes de mise à distance demeurent çà et là. Pour évoquer les troubles de santé de Salvador, Almodóvar fait appel au cinéma d’animation. Pour conclure son film, il reprend le clin d’œil théâtral qui concluait Le Dernier Métro de François Truffaut. Mais les ruses narratives ne dissimulent en rien le sérieux du propos.

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René MARX. DOULEUR ET GLOIRE (P. Almodóvar) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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<em>Douleur et Gloire</em>, P. Almodóvar - crédits : Manolo Pavon/ El Deseo/ BBQ_DFY/ Aurimages

Douleur et Gloire, P. Almodóvar

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