Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PÉDAGOGIE Les courants modernes

« L'école et la vie » selon Dewey et Makarenko

La conception des rapports entre l'école et la vie est au centre des préoccupations des pionniers de l 'éducation nouvelle. On connaît la célèbre formule d'Ovide Decroly (1871-1932) : « L'école par la vie et pour la vie. » Envisagée dans son acception la plus large, cette formule désigne les différentes formes de « décloisonnement » ou d'intégration des activités scolaires et extrascolaires : l'école va à la vie, ouvre ses portes à la vie et constitue un milieu vivant.

Les grands écrivains pédagogiques adoptent cependant des attitudes parfois divergentes lorsqu'il s'agit d'envisager concrètement les relations entre l'école et les exigences actuelles ou futures de la vie sociale.

Dans son « Credo pédagogique » (1897), le pédagogue américain John Dewey (1859-1952) expose en ces termes l'ambiguïté de la pédagogie : « Je crois que l'éducation est un processus de vie, et non une préparation à la vie. » Il entend par là refuser d'imposer à l'enfant des préoccupations d'adulte. Il préconise au contraire de développer chez lui le sens du présent, de favoriser la libération de sa spontanéité, la satisfaction de ses intérêts, bref de le laisser vivre.

Toutefois, comment préparer l'enfant aux exigences d'un monde caractérisé, selon Dewey, par les progrès de la science, la révolution industrielle et la démocratie ? Il s'agirait de concevoir un milieu pédagogique assez semblable au milieu adulte, mais moins complexe que lui. « Je crois que l'école, en tant qu'institution, doit simplifier la vie sociale existante, doit la réduire, pour ainsi dire, à une forme embryonnaire. » Les expériences réalisées dans un milieu éducatif approprié doivent permettre à l'enfant d'acquérir les qualités fondamentales dont il aura besoin pour s'adapter à la vie sociale et professionnelle.

En soulignant, à la fois, les particularités des besoins de l'enfant et la nécessaire continuité des expériences propres aux différents âges, Dewey défend plus ou moins explicitement les principes d'une pédagogie progressive, génétique, et d'une éducation permanente.

Mais les expériences de l'adulte ne sont-elles pas qualitativement différentes de celles de l'enfant ? Le comportement de celui-ci n'est-il pas, en outre, déterminé, au moins en partie, par l'idée qu'il se fait de l'avenir, que celui-ci soit perçu comme chargé de menaces ou de promesses ? L'efficacité de toute pédagogie ne se trouve-t-elle pas alors étroitement liée aux perspectives du développement de la société ?

À ce propos, le pédagogue soviétique Anton Semionovitch Makarenko (1888-1939) tire d'une expérience vécue dans une colonie de jeunes délinquants les grands principes d'une méthode de rééducation d'adolescents marqués par la guerre et la révolution. Il insiste sur la nécessité d'organiser le travail collectif et d'associer l'activité de la colonie aux tâches les plus urgentes de la société. Les jeunes délinquants participent, par exemple, à des expéditions punitives contre les distillateurs clandestins. À la faveur de ces tâches, une conversion profonde s'opère chez les individus, la loi de la jungle et de la violence est bannie, l'intérêt individuel s'identifie de plus en plus à l'intérêt collectif, tandis que des aspirations nouvelles se manifestent dans les activités professionnelles et les comportements de loisir.

Deux thèmes pédagogiques retiennent l'attention de Makarenko. Tout d'abord, l'organisation de cette colonie. Il s'agit d'une collectivité « qui a ses traditions, son histoire, ses mérites, sa gloire ». Sans doute, « les nouvelles et généreuses impulsions d'ordre collectif ne naissent-elles[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Antoine LÉON. PÉDAGOGIE - Les courants modernes [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean-Jacques Rousseau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jean-Jacques Rousseau

Autres références

  • ÉDUCATION / INSTRUCTION, notion d'

    • Écrit par Daniel HAMELINE
    • 1 299 mots

    On pourrait penser, dans un premier temps, que les rapports entre « éduquer » et « instruire » sont simples à établir. Si l'on se réfère à la définition qu' Emmanuel Kant donne de l'éducation, à la fin du xviiie siècle, l'instruction apparaît, à côté « des soins, de...

  • ARNOLD THOMAS (1795-1842)

    • Écrit par Universalis
    • 366 mots

    Éducateur britannique, headmaster (directeur) de la célèbre public school de Rugby, Thomas Arnold exerça une forte influence sur l'éducation privée en Angleterre. Il était le père du poète et critique Matthew Arnold.

    Né le 13 juin 1795 à East Cowes, sur l'île de Wight, Thomas Arnold fait...

  • ASCHAM ROGER (1515-1568)

    • Écrit par Henri FLUCHÈRE
    • 386 mots

    Humaniste anglais du meilleur ton, qui gaspillait parfois son temps à jouer aux dés et qui assistait à des combats de coqs, Ascham était cependant un grave personnage et un grand érudit. Fort en langues classiques dès son admission à St. John's College (Cambridge), il y devint bientôt professeur...

  • ASHTON-WARNER SYLVIA (1908-1984)

    • Écrit par Universalis
    • 269 mots

    La pédagogue et écrivain néo-zélandaise Sylvia Ashton-Warner se fit connaître par son travail innovant consistant à adapter les méthodes traditionnelles d'enseignement de l'anglais aux besoins spécifiques des enfants maoris. Elle visait ainsi à promouvoir la paix et la communication entre deux cultures...

  • Afficher les 67 références

Voir aussi