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KHROUCHTCHEV NIKITA SERGUEÏEVITCH (1894-1971)

La pente descendante

Urho Kekkonen et Nikita Khrouchtchev, 1963 - crédits : Vassily Yegorov/ ITAR-TASS/ Getty Images

Urho Kekkonen et Nikita Khrouchtchev, 1963

À l'extérieur, il perdait également du terrain. Il alla au-devant des crises de Berlin (1958) et de Cuba (1962) sans être assuré de ses arrières et dut battre en retraite. Certes, il chercha, et réussit dans une large mesure, à accroître le prestige de l'U.R.S.S., notamment dans le Tiers Monde, établit les règles de la coexistence avec les États-Unis. Cependant, il assista au début de la désagrégation du camp socialiste, se brouilla avec la Chine, sans réussir à ramener la Yougoslavie dans son système ; sous son règne, la Roumanie prit goût à l'indépendance, et la plupart des P.C. d'Asie furent tentés par le maoïsme.

Khrouchtchev se rendait compte du malaise. Non sans raison, il pensait qu'à l'intérieur de l'U.R.S.S. ses contradicteurs s'inspiraient du néo-stalinisme, ce pourquoi d'ailleurs, en 1961 (XXIIe Congrès), il avait repris, et cette fois en public, le procès intenté à Staline. Cependant, si le premier secrétaire-chef du gouvernement avait été jusque vers 1960 sur une pente ascendante, désormais il avait de plus en plus de peine à maintenir son autorité. Il fut surpris par la révolte qui provoqua sa chute, le 13 octobre 1964. Le comité central fut convoqué pour destituer le premier secrétaire, alors que, sans se douter de rien, celui-ci passait des vacances sur la mer Noire. La presse soviétique annonça que la période des improvisations était terminée ; le pays était désormais placé sous l'autorité d'une direction collégiale « scientifique ». Cette nouvelle direction collective promit de conserver la politique adoptée par le XXe Congrès, de faire, en quelque sorte, ce que les Chinois ont appelé du khrouchtchévisme sans Khrouchtchev. Elle commença cependant par annuler toutes les réformes hâtives du chef destitué. Puis elle oublia progressivement les condamnations qui avaient été portées contre Staline et adopta des méthodes, un style de vie politique plus conformes au modèle inventé par l'ancien dictateur.

Khrouchtchev avait certainement voulu être l'homme de la déstalinisation. Plusieurs de ses amis étrangers, en particulier Togliatti, ont fait toutefois remarquer, dès 1956, qu'il prenait l'effet pour la cause, ne cherchant pas pourquoi la dictature d'un homme avait été possible. Khrouchtchev a certainement marqué de son style original les dix années qu'il a passées au pouvoir. En revanche, il a manqué son entrée dans l'Histoire parce qu'il a cru qu'il suffisait de mettre à nu les défauts d'une personnalité pour découvrir les vices du système et y porter remède. Victime de son penchant pour l'improvisation, il ne put réaliser les transformations profondes et durables auxquelles, parfois, il semblait aspirer.

— Bernard FÉRON

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Écrit par

  • : chef adjoint du service étranger du journal Le Monde

Classification

Pour citer cet article

Bernard FÉRON. KHROUCHTCHEV NIKITA SERGUEÏEVITCH (1894-1971) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Khrouchtchev aux Nations unies - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Khrouchtchev aux Nations unies

Nikita Khrouchtchev et Tito, 1963 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Nikita Khrouchtchev et Tito, 1963

L'arrestation d'un policier - crédits : Jack Esten/ Getty Images

L'arrestation d'un policier

Autres références

  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République démocratique allemande

    • Écrit par Georges CASTELLAN, Rita THALMANN
    • 19 516 mots
    • 6 médias
    Le XXe congrès du P.C. de l'U.R.S.S. (du 14 au 25 février 1956) et la condamnationpar Khrouchtchev des crimes de Staline furent assurément une surprise pour les dirigeants de la R.D.A. : le message de vœux envoyé par le S.E.D. au congrès le 14 février 1956 se terminait en effet par : « Vivent...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

    • Écrit par Alfred GROSSER, Henri MÉNUDIER
    • 16 391 mots
    • 10 médias
    ...faisait preuve de la même prudence et de la même continuité dans son attitude que les Occidentaux. Pendant plusieurs années, à partir de novembre 1958, Khrouchtchev avait bien brandi la menace d'un traité de paix séparé avec « son » Allemagne – la R.D.A. – et répété que le quadripartisme était mort. Mais,...
  • BOULGANINE NIKOLAÏ ALEXANDROVITCH (1895-1975)

    • Écrit par Georges HAUPT
    • 345 mots
    • 1 média

    Maréchal de l'U.R.S.S., Boulganine fut président du Conseil des ministres de l'Union soviétique de 1955 à 1958. Fils d'un employé de bureau de Nijni-Novgorod, Boulganine adhère au Parti bolchevik en 1917. De 1918 à 1922, il travaille dans la Tcheka, puis il est affecté jusqu'en 1927 au Conseil supérieur...

  • BREJNEV LEONID ILITCH (1906-1982)

    • Écrit par Georges HAUPT
    • 722 mots
    • 1 média

    Né en Ukraine dans une famille d'ouvriers, Leonid Brejnev entre au Komsomol en 1923 et au P.C.U.S. (Parti communiste de l'Union soviétique) en 1931. Après avoir obtenu en 1935 son diplôme d'ingénieur métallurgiste, il devient permanent du parti en 1937 et travaille en Ukraine sous la direction...

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Voir aussi