Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NIBELUNGEN

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par et

Genèse des légendes

On trouve ce récit dans un des plus anciens poèmes de l'Edda, le Chant d'Atli ( Atlakvida). Ce texte, composé sans doute au xe siècle, a conservé plus fidèlement que la Chanson des Nibelungen les données premières de la légende, et il est possible, en partant de lui, d'entrevoir comment des événements historiques du ve siècle ont pu donner naissance à celle-ci. En 437, les Burgondes établis dans la région de Worms sont défaits et en partie exterminés par les Huns ; leurs rois eux-mêmes périssent. Les survivants s'établissent alors en « Bourgogne », et un document du début du ve siècle, la loi Gombette, a conservé les noms de leurs anciens rois : ce sont, à peu de chose près, ceux qu'on trouve dans la Chanson des Nibelungen et dans les textes scandinaves. Quelques années plus tard, Attila meurt au cours d'une nuit passée auprès d'une concubine dont le nom, Hildico, semble indiquer une origine germanique. La légende a établi entre ces deux faits une relation de cause à effet : Hildico a tué Attila pour venger la mort de ses frères, les rois burgondes.

S'il est donc relativement aisé de déceler les origines de cette légende, il est plus difficile de dire comment se sont formées celles dont Siegfried est le héros. Était-il à l'origine un être mythique dont le destin symboliserait successivement la victoire de la lumière sur les ténèbres (combat avec le dragon), puis la revanche des forces du mal (mort de Siegfried) ? S'agit-il d'un personnage de contes populaires qui serait devenu héros de légende ? Ou bien ces récits – comme celui de la mort des rois burgondes – remontent-ils en dernière analyse à des événements historiques ? Faut-il y voir l'écho des démêlés sanglants entre Brunehaut (Brünhild), l'épouse du roi d'Austrasie Sigebert, et Frédégonde ? Siegfried est-il le chef chérusque Arminius, dont la victoire sur les légions romaines de Varus aurait été présentée sous la forme mythique d'un combat avec un dragon, alors que le récit de sa mort se serait maintenu sur le plan purement humain ? De toutes ces thèses, aucune n'a réussi à s'imposer.

Une seule chose paraît assurée : dans toutes les versions, Siegfried est présenté comme le beau-frère des rois burgondes ; sa légende n'a donc pu prendre sa forme définitive qu'à un moment où la légende de leur mort était déjà connue, soit au vie siècle, c'est-à-dire en pleine époque mérovingienne. Et n'est-ce pas une « atmosphère mérovingienne » que l'on respire dans ces récits où les trahisons, les meurtres au sein d'une famille royale jouent un si grand rôle ? Cependant, l'unité entre les deux légendes n'a été réalisée qu'à partir du moment (au viiie ou au xie siècle ?) où un poète allemand, par un trait de génie, présenta la mort des rois burgondes comme une conséquence directe de l'assassinat de Siegfried.

Après une période d'oubli relatif au xviie et au xviiie siècle, la légende des Nibelungen a retrouvé son prestige à l'époque romantique. Depuis lors, les éditions de textes, les traductions, les études se sont multipliées ; les poètes se sont emparés de ce beau sujet et se sont employés à faire revivre les vieilles légendes. La plupart de ces œuvres modernes ne présentent d'intérêt que pour le spécialiste. Deux d'entre elles seulement ont touché un public plus vaste. Suivant de près la Chanson des Nibelungen, Friedrich Hebbel a voulu « mettre le poème à la portée de la nation, sous une forme dramatique ». Mais c'est évidemment par la Tétralogie de Richard Wagner que le monde entier connaît maintenant la tragique histoire de Siegfried et des rois burgondes.

— Georges ZINK

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Lille-III
  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Pierre SERVANT et Georges ZINK. NIBELUNGEN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Médias

Brünnhilde - crédits : AKG-images

Brünnhilde

Festspielhaus de Bayreuth - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Festspielhaus de Bayreuth

Autres références

  • LA CHANSON DES NIBELUNGEN (anonyme) - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 770 mots
    • 1 média

    La Chanson des Nibelungen est sans doute la version la plus achevée de la légende homonyme : c'est un vaste poème de 3 379 strophes (de quatre vers chacune) qui s'est formé autour du personnage central de Siegfried et qui a été composé par un poète autrichien inconnu entre 1200 et 1210....

  • BRÜNHILD, BRÜNNHILDE ou BRYNHILDR

    • Écrit par
    • 300 mots

    Princesse guerrière à la grande beauté, héroïne de la littérature épique germanique du Moyen Âge et apparaissant dans d'anciennes sources noroises et nordiques (chants de l'Edda, saga islandaise des Völsungar) et, en allemand, dans le Nibelungenlied (début du xiiie siècle ; ...

  • BURGONDES

    • Écrit par
    • 3 318 mots
    • 5 médias

    Sans doute originaires de Scandinavie, si l'on en croit les données linguistiques et toponymiques, les Burgondes (du latin Burgundiones) apparaissent dans l'histoire au ier siècle de notre ère. Ils sont alors établis sur les rives polonaises de la mer Baltique où ils séjourneront jusqu'au...

  • EDDAS

    • Écrit par
    • 3 899 mots
    ...– l'iconographie et les inscriptions runiques en témoignent – le « genre » eddique a fleuri dans toute l'Europe du Nord, y compris la Grande-Bretagne. Au demeurant, cette querelle est vaine, et il convient de se rallier à la position de synthèse qui fait provenir ces œuvres du vieux fonds germanique ancien,...
  • GRIMM JAKOB (1785-1863) et WILHELM (1786-1859)

    • Écrit par
    • 1 730 mots
    • 5 médias
    ... Les deux frères s'intéressaient depuis longtemps à la littérature médiévale allemande. Ils avaient remarquablement commenté et édité la Chanson des Nibelungen(Nibelungenlied), Le Pauvre Henri (Der arme Heinrich, début du xiiie siècle) de Hartmann von Aue. Leur intérêt se porta peu à peu sur la...