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MUSIQUE

La consommation musicale

Processus historiques

Schématiquement, il est possible de décrire les transformations du monde musical en énumérant les étapes d'une chaîne de transmission qui, partant du compositeur, irait jusqu'à l'auditeur. Progressivement, ces étapes deviennent plus nombreuses, sollicitent des activités de plus en plus diversifiées et aboutissent non plus à des auditeurs, mais à des catégories d'auditeurs, peu à peu descriptibles et définissables, représentants de classes socioculturelles qui pourront ensuite être réparties non seulement en respectant une échelle de valeurs plus ou moins arbitraire, mais aussi en fonction d'un mode de consommation musicale. L'échelle des valeurs sera, approximativement, celle qui a été définie (empiriquement) par une certaine morale esthétique dite bourgeoise et dans laquelle, a priori, la Neuvième Symphonie de Beethoven sera réputée supérieure à une chansonnette de variété. Mais, pour essayer de corriger les incertitudes et les imperfections dues à l'usage immodéré de facteurs purement affectifs (qui font constater que la morale esthétique bourgeoise recouvre presque totalement la morale esthétique dite socialiste, comme le prouve le rapport Jdanov publié en U.R.S.S. en 1947), on essaiera, toujours arbitrairement, d'y substituer un facteur dit de complexité, lequel aura le mérite d'être plus objectif (la complexité est mesurable) et plus extensif (en matière esthétique, les exceptions sont parfois plus importantes que les règles). Le mode de consommation musicale sera déterminé par une simple description de la manière par laquelle un consommateur de musique prend contact avec l'art dans la compréhension duquel il décide de pénétrer. Par exemple, celui qui fréquente assidûment les salles de concert ne sera pas forcément un discophile. L'évolution des classes socioculturelles musicales ne peut donc être représentée sur un axe unique (vecteur des « valeurs » musicales ou échelle de complexité), mais elle pourra l'être dans un espace à trois dimensions identifiées à l'échelle de la complexité du message musical, à celle de la complexité du mode de consommation de la musique, à celle des temps. Cette dernière, que l'on aurait pu négliger au xixe siècle, se révèle être, de nos jours, extrêmement importante, étant donné l'accélération du développement des techniques de diffusion, d'enregistrement et, à la limite, de création du fait musical.

Chez les primitifs, les diverses fonctions de production, d'exécution et de consommation musicale sont sinon confondues, du moins largement recouvertes les unes par les autres. L'idée de l'homme qui joue seul d'une flûte de roseau qu'il a lui-même taillée est d'ailleurs restée dans les esprits. La notion de jeu, un jeu qui devient bientôt collectif (musique du village, du clan, de la tribu), est intimement liée à celle de production, d'exécution et de consommation musicales. La chaîne de diffusion est réduite à un cercle fermé : ce sont les mêmes hommes qui font la musique et qui l'écoutent. Très rapidement, une nouvelle fonction apparaît qui est celle de l'artisan spécialisé dans la fabrication des instruments de musique (le luthier). Parallèlement, une séparation tend à s'établir entre ceux qui font la musique et ceux qui l'écoutent mais, le plus souvent, le créateur (compositeur) et l'exécutant restent les mêmes personnages.

Une première révolution importante se produit lorsque sont mises au point les techniques de l'écriture musicale (la partition). Le compositeur devient alors capable de fixer, donc de transmettre, sans ambiguïté, sa pensée à une tierce personne qui sera chargée de la transformer en sons audibles. Une spécialisation progressive tend à séparer le créateur de ses exécutants. En[...]

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Pour citer cet article

Pierre BILLARD et Michel PHILIPPOT. MUSIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Technologie : évolution - crédits : Encyclopædia Universalis France

Technologie : évolution

Consommation musicale : histoire - crédits : Encyclopædia Universalis France

Consommation musicale : histoire

communication musicale - crédits : Encyclopædia Universalis France

communication musicale

Autres références

  • CERVEAU ET MUSIQUE

    • Écrit par Séverine SAMSON
    • 1 030 mots

    Identifier les zones du cerveau qui traitent la musique et préciser leur rôle respectif dans la perception, la mémoire, les émotions et la pratique musicale font l’objet de nombreux travaux en neuroscience de la musique. C’est à partir de l’observation des patients présentant des lésions cérébrales...

  • ACCOMPAGNEMENT MUSICAL

    • Écrit par PIERRE-PETIT
    • 1 920 mots

    La notion d'accompagnement est directement liée à l'état actuel de la musique, c'est-à-dire qu'elle n'est explicable que si l'on tient compte de l'évolution historique qui a amené cet art au point où il en est aujourd'hui. Pour nos contemporains, l'accompagnement, c'est l'office d'une personne...

  • AIR, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 3 278 mots

    Dans le langage commun, on a pris l'habitude de désigner par le mot « air » la musique destinée à être chantée. On oppose ainsi, dans la chanson, l'air aux paroles. Par extension, on en est arrivé à employer le mot « air » dans le cas de toute mélodie suffisamment connue...

  • AMUSIE

    • Écrit par Séverine SAMSON
    • 327 mots

    L’amusie est un trouble neurologique qui affecte à des degrés variables la perception et la production musicales. Celui-ci ne s’explique pas par une baisse de l’acuité auditive (surdité), une déficience intellectuelle ou motrice. Cette perte sélective de la fonction musicale contraste avec des...

  • ANTHROPOLOGIE DES CULTURES URBAINES

    • Écrit par Virginie MILLIOT
    • 4 429 mots
    • 3 médias
    ...tradition des cultural studies lui ont substitué, comme le note David Hesmondhalgh, (2005), la notion de « tribu » ou de « scène ». Les mouvements musicaux observés dans les années 1990 et 2000 apparaissent à la fois plus hétérogènes socialement, moins cohérents formellement, plus fluides...
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Voir aussi