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MIDI-PYRÉNÉES

Midi-Pyrénées : carte administrative avant réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

Midi-Pyrénées : carte administrative avant réforme

Midi-Pyrénées fut d'abord, en 1961, une circonscription administrative, la plus étendue de France, plus grande que la Belgique ou la Suisse avec ses 45 348 kilomètres – 8,3 p. 100 du territoire national –, et ses huit départements (Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn et Tarn-et-Garonne) regroupés autour de Toulouse. La réforme de 1964 lui donna un préfet de région, également préfet de Haute-Garonne, et ses premières institutions à compétence « régionale » mais aux attributions limitées. Elle ne prit officiellement le nom de « région » qu'en 1972, toujours sous l'autorité d'un préfet, mais dotée d'attributions nouvelles et de ressources propres. Il faut attendre les lois de décentralisation de 1982 pour voir la Région s'affirmer comme une grande collectivité territoriale, exerçant des compétences plus larges et disposant de moyens accrus, en partie transférés par l'État. Enfin, à partir du 1er janvier 2016, elle est regroupée avec Languedoc-Roussillon dans la grande région Occitanie.

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En raison de son étendue, de sa diversité, Midi-Pyrénées a pu apparaître comme une construction artificielle, une « fausse région », mais la réorganisation des grands services de l'État dans ce cadre territorial y a progressivement imposé des solidarités territoriales nouvelles dans tous les domaines de la vie économique et sociale. C'est en fait autour de Toulouse, métropole régionale incontestée, que se forge peu à peu l'unité de Midi-Pyrénées. Unité qui se dessinait depuis fort longtemps, guidée par la configuration en étoile, autour de cette grande agglomération, des réseaux routier et ferroviaire. Dès le milieu du xixe siècle, Toulouse avait en effet renforcé sa suprématie sur un vaste territoire qui préfigurait la région administrative du siècle suivant. Au sein même de celle-ci, les autres villes ne pouvaient vraiment rivaliser avec elle, mêmes les plus notables par leurs fonctions administratives, ou les plus dynamiques par l'essor de leurs activités industrielles.

Fragilité de l'économie dominée par une agriculture qui présentait de grands signes d'archaïsme, médiocrité de la vie industrielle, population vieillissante après des décennies de dénatalité et d'émigration..., au moment de sa création officielle, Midi-Pyrénées semblait marquée par de lourds handicaps. Le renouveau contemporain n'en est que plus spectaculaire, mais il est surtout le fait de sa métropole régionale dont l'aire urbaine regroupait en 2012 plus de 40 p. 100 des 2 926 000 habitants (recensement de 2012). Comment diffuser ce dynamisme dans le reste de la région ? Comment promouvoir un développement territorial plus équilibré ? Autant de défis à relever en ce début de siècle.

Une région marginalisée dans l'espace français : XIXe siècle-années 1950

Au milieu du xixe siècle, la population – qui vivait dans les limites de Midi-Pyrénées des années 1960 à 2015 –était presque aussi nombreuse que de nos jours : 2,6 millions d'habitants lors du recensement de 1846. Le déclin fut ensuite très fort. Pendant le siècle qui suivit, la région a perdu près du quart de sa population : en 1954, on y recensait 1 975 000 habitants. Tous les départements avaient été touchés, même la Haute-Garonne malgré la croissance soutenue de Toulouse, et l'hémorragie fut particulièrement accusée dans les plus ruraux d'entre eux : Aveyron, Ariège, Gers, Tarn-et-Garonne. Les facteurs démographiques de cette évolution sont bien connus, mais ils ont joué dans des proportions variables selon les lieux : une dénatalité précoce et une émigration importante vers d'autres régions, Paris et les contrées qui offraient des perspectives d'emplois grâce à leur industrialisation. C'est que l'exode rural, ni plus massif ni plus précoce qu'ailleurs, ne put ici se fixer dans des villes proches, trop peu dynamiques, et prit la forme d'un exode régional. Après la saignée de la Première Guerre mondiale, les campagnes finiront même par manquer de bras ; on y fera appel à une main-d'œuvre étrangère, recrutée en Italie et en Espagne.

Crise agricole et faiblesse de la vie industrielle

Dans le Midi toulousain, l'attrait des placements fonciers rémunérateurs, conférant un grand prestige social, n'a jamais favorisé les investissements dans l'industrie. Le blé destiné à la vente dans les régions méditerranéennes déficitaires, ravitaillées grâce au canal du Midi, assurait de beaux revenus aux propriétaires qui avaient à cœur d'étendre leurs domaines ruraux, où ils séjournaient une partie de l'année dans des châteaux ou des maisons de maître, l'exploitation étant assurée le plus souvent par des métayers. Le reste du temps, ils vivaient en ville, à Toulouse en particulier, où ils avaient fait construire des hôtels particuliers, témoignages de leur prospérité.

Ce système économique et social, que Roger Brunet a nommé « machine à blé », n'était guère propice à la naissance, au sein des bourgeoisies locales, de l'esprit d'entreprise nécessaire aux aventures industrielles. Si la Révolution française ne l'a guère ébranlé, il perdit de son efficacité économique à partir des années 1820. Concurrencé par les importations, le blé des pays toulousains ne se vendait plus aussi facilement, ou pâtissait de prix beaucoup moins rémunérateurs. L'inquiétude gagna les classes dirigeantes, qui eurent un moment l'espoir de trouver dans des mesures protectionnistes la solution pour retrouver un « âge d'or » de plus en plus improbable. Rares furent les tentatives des propriétaires ruraux pour moderniser l'agriculture, ou l'orienter vers de nouvelles productions. Plus rares encore les stratégies de reconversion dans l'industrie, qui apparaissait pourtant, dès le milieu du xixe siècle, comme le moteur de la croissance dans d'autres régions du pays.

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Il est vrai aussi que les potentialités de la région dans le domaine industriel n'incitaient guère à l'optimisme. Toutes les activités de ce type connaissaient alors de sérieuses difficultés. De nombreux petits foyers industriels s'étaient en effet développés, dans la première moitié du xixe siècle, à la périphérie du territoire régional, dans des contrées où les conditions naturelles ne permettaient pas une agriculture aussi rémunératrice que celle des plaines et des collines de la Gascogne, du Lauragais, de l'Albigeois et du Castrais. Profitant de ressources locales ou d'un savoir faire hérité des siècles passés, la métallurgie animait les bassins houillers d'Aubin-Decazeville et de Carmaux, exploitait à Pamiers les gisements de fer ariégeois. Ganterie à Millau, délainage à Mazamet, mégisserie à Graulhet, textile à Castres, Bagnères-de-Bigorre et dans le Pays d'Olmes, autour de Lavelanet..., dans ces petits centres industriels, on attendait beaucoup du désenclavement ferroviaire pour conquérir de nouveaux marchés et accroître la production.

Il fallut déchanter ; le chemin de fer eut souvent l'effet inverse : il exposa les producteurs locaux à la concurrence de produits manufacturés livrés par la grande industrie d'autres régions, et dont les prix étaient très inférieurs. Dans certains cas, l'industrie locale ne fut pas en mesure de résister ; dans d'autres cas, elle dut s'adapter pour maintenir son activité sur des créneaux de production particuliers et en abaissant ses coûts de production grâce à une main-d'œuvre peu exigeante, chassée des campagnes par l'exode rural, ou trouvant dans l'industrie un moyen de compléter les médiocres revenus qu'elle continuait à tirer de l'agriculture. Enfin, les secteurs les plus intéressants (charbonnages, sidérurgie et métallurgie), qui exigeaient des investissements plus lourds, échappèrent aux capitaux locaux et devinrent tributaires de stratégies extérieures à la région.

Des impulsions extérieures

Dans un contexte de déprise rurale et de désindustrialisation, les capitaux et l'esprit d'entreprise ont fait cruellement défaut, plongeant la région et ses villes dans une grande léthargie. Aux carences, longtemps niées, des bourgeoisies locales, s'ajoutaient aussi des handicaps beaucoup plus souvent invoqués pour expliquer les « malheurs » de cette partie du Sud-Ouest français, que l'on désignait sous des vocables divers : Midi toulousain, Aquitaine intérieure... Incontestablement, ces « pays » ne possédaient pas les richesses du sous-sol qui firent ailleurs les beaux jours de la grande industrie. Les réserves de charbon dans les gisements de Carmaux et Decazeville étaient d'ampleur limitée, mais ils n'ont pas suscité sur place une industrialisation à la mesure de leurs capacités de production ; et il a toujours fallu se préoccuper de leur trouver des débouchés hors de la région. Quant à l'hydroélectricité pyrénéenne, faute d'attirer de nombreux utilisateurs dans la montagne, comme ce fut le cas dans les vallées des Alpes, ses producteurs durent s'organiser pour l'acheminer vers des clients éloignés, en établissant dès les premières années du xxe siècle, par exemple, des lignes à haute tension vers Toulouse ou Carcassonne. La découverte des gisements de gaz naturel, en Haute-Garonne d'abord (Saint-Marcet, 1939), puis à Lacq (1951), dans l'Aquitaine voisine, révélèrent une situation semblable. Pour tirer profit sur place de ces sources d'énergie, ce sont les investissements industriels et les initiatives locales qui ont toujours manqué.

C'est de l'extérieur que vinrent souvent des impulsions, toutefois limitées. En ce domaine, la Première Guerre mondiale joua un rôle décisif, incitant à installer dans la région, loin du front et hors de portée des incursions ennemies, des industries travaillant pour la défense nationale. Restée longtemps à l'écart de la révolution industrielle, la région s'ouvrit ainsi à l'industrie, ce qui montre bien que ses potentialités n'étaient pas aussi faibles qu'on avait coutume de le dire. Dès le début de la guerre, l'arsenal de Tarbes développait ses activités et les ressources hydroélectriques de la montagne attiraient l'électrochimie et l'électrométallurgie dans les Hautes-Pyrénées. À Toulouse, ce furent aussi les débuts de la grande industrie, avec l'extension des installations de la poudrerie et l'installation des usines Latécoère, qui construisirent plusieurs centaines d'avions de reconnaissance pour l'armée.

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La paix revenue, ces greffons industriels connurent des succès inégaux, contraints de se reconvertir dans des productions civiles, mais souffrant de leur éloignement des grands marchés de consommation. Le mouvement n'en était pas moins lancé et il reprit dans les années 1930, quand la perspective d'un nouveau conflit avec l'Allemagne incita à des décentralisations stratégiques. Profitant du potentiel hydroélectrique des Pyrénées, plusieurs usines d'aluminium furent implantées en Ariège et à Lannemezan. À Toulouse, des installations de la poudrerie furent reconverties dans la fabrique d'engrais azotés, tandis que l'aéronautique, après une reconversion difficile vers des appareils destinés à l'aviation civile, recevait de nouvelles commandes militaires à partir de 1936-1937 et passait en partie sous le contrôle de l'État.

Le désenclavement

Ainsi, les handicaps, réels ou supposés, qui auraient laissé la région en marge de la vie économique dès le milieu du xixe siècle et engendré son déclin démographique, doivent être relativisés. Bien des potentialités n'ont pas été utilisées faute de capitaux et/ou d'esprit d'entreprise. Il en va de même de l'enclavement, souvent dénoncé comme un frein au développement économique. Avec quelque retard sans doute, Midi-Pyrénées a bénéficié d'une bonne intégration dans le réseau ferroviaire national, par la construction de lignes nombreuses. Dans la partie nord, ce fut l'œuvre de la compagnie du Paris-Orléans, reliant dès 1858 les mines d'Aubin-Decazeville à la vallée de la Garonne (Montauban) avant d'assurer la liaison avec Paris, par Capdenac d'abord, puis plus directement, en 1893 seulement, par Cahors, Brive et Limoges.

Mais l'équipement ferroviaire fut surtout l'affaire de la Compagnie des chemins de fer du Midi, la seule des grandes compagnies à ne pas disposer d'une tête de réseau dans la capitale : son artère maîtresse était la voie Bordeaux-Sète à laquelle se raccordaient, à Toulouse, les lignes du « réseau pyrénéen » ; celui-ci conduisait d'une part vers la vallée de l'Ariège, et desservait, d'autre part, différentes vallées de la montagne par des antennes connectées à la grande voie qui, par le piémont, conduisait de Toulouse à Bayonne, par Tarbes, Lourdes et Pau. Précocement électrifié, ce réseau a toutefois souffert d'un trafic insuffisant dans une région aussi peu active. La compagnie du Midi fut ainsi à l'origine de nombreuses initiatives pour tenter de stimuler l'activité régionale et d'élargir sa clientèle : encouragement aux cultures maraîchères et fruitières en Moyenne-Garonne, commandes de matériels aux usines de Tarbes et de Bagnères-de-Bigorre pour l'électrification de son réseau, aménagement de sites touristiques avec la construction de grands hôtels en altitude, à Superbagnères, près de Luchon, et à Font-Romeu.

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Le bilan de l'équipement ferroviaire est donc loin d'être aussi négatif qu'on l'a souvent écrit et on ne peut y trouver une cause majeure du faible développement économique local. Il n'en reste pas moins que les distances n'en furent pas pour autant abolies : à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la région Midi-Pyrénées (dans ses limites années 1960-2015) demeurait fort éloignée du centre de gravité de l'économie nationale qui s'était déplacé, à partir du milieu du xixe siècle, vers Paris et le quart nord-est du pays. Loin de la capitale, la région apparaissait bien comme une partie de ce « désert français » dénoncé par Jean-François Gravier en 1947 et dont les pouvoirs publics prendront conscience dans les années 1950. Elle appartenait aussi à cette France rurale, peu industrialisée, peu urbanisée, réservoir démographique alimentant de forts courants de l'émigration, à l'ouest d'une ligne, devenue mythique, tracée entre Marseille et Le Havre, révélatrice d'une fracture territoriale qui n'avait cessé de s'aggraver. De ce constat est née la volonté de mieux distribuer les hommes et les activités dans l'espace français, qui s'est incarnée dans une politique d'« aménagement du territoire » dont Midi-Pyrénées a largement bénéficié.

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Écrit par

  • : professeur des Universités à l'université de Toulouse-Le-Mirail

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Midi-Pyrénées : carte administrative avant réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

Midi-Pyrénées : carte administrative avant réforme

Autres références

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