MICROSCOPIE
La révolution qui consiste, à la fin du xvie siècle, à regarder « à la loupe » non plus directement un objet, mais son image agrandie est à l'origine de la microscopie. L'étymologie (du grec mikros, petit, et skopein, examiner) renvoie à l'examen d'objets ou de détails d'objets à peine perceptibles ou invisibles à l'œil nu. La microscopie s'est ensuite progressivement imposée comme une technique d'observation indispensable pour accéder aux propriétés de la matière, inanimée ou vivante.
En introduisant de nouveaux modes d'observation et grâce à une perception de plus en plus fine, jusqu'à l'échelle atomique, la microscopie a ainsi bouleversé notre culture scientifique. Dans le seul domaine de la biologie, les illustrations sont nombreuses : c'est un microscope que Pasteur utilise pour découvrir les micro-organismes de la fermentation et en suivre l'évolution. L'importance de la microscopie optique dans les sciences de la vie à la fin du xixe siècle s'est encore confirmée au cours du xxe siècle grâce à de nouveaux microscopes. Toujours dans ce domaine, c'est la microscopie électronique qui a permis de progresser rapidement dans l'étude des ultrastructures.
Le mode de production des images, leurs supports physiques, la nature et le traitement de l'information qu'elles contiennent ont conditionné l'évolution de la microscopie. L'image d'un objet résulte de la saisie d'informations caractéristiques de l'objet (forme, contour, couleur, etc.). Ces informations sont véhiculées par un rayonnement qui interagit avec l'objet. La production d'images par les microscopes traditionnels suppose donc :
– une source de rayonnement et un dispositif d'éclairage de l'objet ;
– une optique de transmission assurant la fonction d'agrandissement,
– un détecteur traduisant l'image sur un support (œil, plaque photographique, écran d'ordinateur pour des images numérisées) ;
L'image obtenue est généralement soumise à l'analyse et à l'interprétation du cerveau.
Par sa nature, le rayonnement détermine l'interaction avec l'objet. On distingue en particulier les objets d'amplitude et les objets de phase selon la caractéristique de l'interaction rayonnement-matière mise en jeu. L'interprétation de l'image fait donc appel à une connaissance précise des interactions rayonnement-matière.
Par sa longueur d'onde, le rayonnement détermine la limite théorique des détails perceptibles sur l'image. Cette limite est imposée par les phénomènes de diffraction (critère de Rayleigh). En outre, la résolution dépend aussi, de façon cruciale, de la construction de l'ensemble qui véhicule l'information depuis l'objet jusqu'au support d'image.
La classification des microscopes traditionnels repose sur la nature du rayonnement. On distingue la microscopie optique (ou photonique), qui utilise les radiations électromagnétiques du spectre visible ou encore les radiations infrarouges ou ultraviolettes proches du visible et même des rayons X, de la microscopie électronique, qui, elle, utilise les propriétés ondulatoires de faisceaux d'électrons accélérés (cf. ondes - Physique), auxquels peut être associée une courte longueur d'onde ; elle atteint ainsi des résolutions bien meilleures que la microscopie optique.
Dans ces microscopies traditionnelles, les distances séparant la source de rayonnement de l'objet et du détecteur sont grandes par rapport à la longueur d'onde du rayonnement ; on est en régime de propagation ou de champ lointain.
Beaucoup plus récente, la microscopie de champ proche s'est rapidement développée à partir des succès du microscope par effet tunnel dans les années 1980. Ici, l'information est saisie à la source même de sa production. La distance objet-détecteur (souvent quelques distances atomiques ou quelques nanomètres) est faible par rapport à la longueur d'onde du rayonnement, ou par rapport à la portée de l'interaction entre détecteur et objet. La propagation n'intervient donc pas, ce qui élimine les problèmes d'optique de transmission et les limitations de performance qu'ils entraînent. L'image possède donc une résolution exceptionnelle fixée par la taille utile du détecteur.
Enfin, il paraît indispensable de souligner l'importance des échanges continuels entre théorie et expérience afin de comprendre l'évolution historique des techniques de microscopie.
La caractérisation par microscopie est particulièrement adaptée aux sciences expérimentales telles que la physique, la chimie, la pétrologie et la biologie. La démarche du biologiste vise à identifier les relations entre structures et fonctions au sein des organismes vivants. Aux différentes échelles de résolution, la connaissance de la structure est une clé de compréhension des mécanismes qui concourent à une fonction. L'approche méthodologique du biologiste privilégie donc l'étude des composants élémentaires des organismes vivants et celle de leurs interactions. Le physicien cherche, lui, à établir des relations entre la structure et les propriétés physico-chimiques des matériaux. Les images de microscopie entrent ainsi pour beaucoup dans les représentations d'un monde invisible à nos yeux et dans notre compréhension des processus à l'échelle microscopique. Ces approches scientifiques sont de nos jours facilitées par les procédés d'analyse d'images et de reconnaissance de formes. Technique instrumentale au départ, la microscopie se développe sous des formes nouvelles en s'appuyant sur les avancées de la technologie et de la science. En jetant les bases de l'optique électronique, les physiciens ont en effet entièrement conçu le microscope électronique par analogie avec le microscope photonique classique. Les modes d'observation couramment pratiqués en microscopie optique dans le but d'améliorer la détection des détails (fond clair et fond noir) et les modes de correction des aberrations de l'optique (sphéricité, stigmatisme, chromatisme) ont directement inspiré la microscopie électronique. L'excellente résolution du microscope électronique a permis à son tour d'affiner notre connaissance de la matière à l'échelle atomique et d'accéder à des analyses quantitatives d'une extrême précision (micro-analyse). Par la suite, la facilité de construction de sources d'électrons peu étendues et brillantes, ainsi que le balayage de faisceaux d'électrons très focalisés ont permis la naissance de la microscopie électronique à balayage. Cette notion de balayage avec acquisition successive des points de l'image est maintenant transposée à la microscopie photonique, dite microscopie confocale à balayage laser. Cette innovation récente résulte de l'association de techniques de pointe en optique, en micromécanique et en micro-informatique. La microscopie confocale permet d'effectuer des prises de vue tridimensionnelles d'objets épais.
Enfin, à l'échelle atomique, la microscopie ionique de champ, qui a permis de « voir » les atomes pour la première fois, est une utilisation indirecte du phénomène quantique d'effet tunnel. C'est aussi l'effet tunnel que l'on retrouve à la base du fonctionnement d'un microscope à balayage. Son principe, ses performances et sa configuration favorisent le renouveau d'une notion familière à l'optique, celle de champ proche.
Microscopie photonique ou optique
C'est probablement la vision de l'univers lointain et la mise au point des premières lunettes d'astronomie qui ont permis l'invention des premiers microscopes : l'objectif donne une image agrandie de l'objet, et l'oculaire sert, lui, à examiner l'image intermédiaire.
Du point de vue de l'instrumentation, un des avantages de cette configuration est de dissocier les contraintes de fabrication. L'objectif possède une courte distance focale, donc une forte convergence, et un petit diamètre. L'oculaire possède quant à lui une moindre convergence.
Depuis l'invention du premier microscope optique (1690) attribuée au Hollandais Leeuwenhoek et par certains à son prédécesseur, Zacharias Jansen, la microscopie se développe continuellement ; les progrès les plus importants au cours du xxe siècle concernent l'application des phénomènes d'interférence et de contraste de phase, qui rendent possible l'examen d'objets parfaitement transparents, ne différant de leur milieu que par de très petites variations d'épaisseur ou d'indice de réfraction, et la microscopie de fluorescence qui permet de détecter la lumière de fluorescence émise par une préparation biologique convenablement illuminée. Les objets parfaitement transparents examinés en mode de fluorescence sont alors repérés par le rayonnement qu'ils émettent sous l'effet d'un rayonnement excitateur. Ce nouveau mode de contraste, développé au cours des années 1960, permet l'observation de la fluorescence intrinsèque à l'échantillon, ou encore d'anticorps couplés à une molécule fluorescente capable de reconnaître une structure cellulaire ou tissulaire spécifique et de s'y fixer. Il s'agit alors respectivement d'immunocytochimie et d'immunohistochimie.
En complément de la microscopie photonique classique, qui est une microscopie plein champ, c'est-à-dire où l'ensemble de la préparation est totalement éclairé, la microscopie confocale, d'origine très récente, procède au balayage d'un point lumineux focalisé pour couvrir la totalité du champ. Ce mode d'observation confocal offre l'avantage d'éliminer totalement la lumière qui ne provient pas du plan de mise au point optique. Les images correspondent alors à des coupes optiques de faible épaisseur (moins de 1 micromètre). Cela permet une reconstruction en trois dimensions d'objets marqués en fluorescence, technique désormais exploitée en science des matériaux et en biologie.
On examinera d'abord les caractéristiques optiques du microscope photonique, qui déterminent la dimension de l'image vis-à-vis de l'objet (grossissement, grandissement), sa luminosité (clarté), ainsi que la largeur et la profondeur de l'espace où l'objet est observable nettement. La qualité deux images sera déterminée par la qualité des optiques, les défauts usuels tels que les aberrations géométriques et chromatiques devant être soigneusement compensés afin d'éviter la distorsion des images ou le flou. On donnera ensuite quelques indications sur la construction des pièces optiques et mécaniques et sur les divers modes d'éclairage possibles (fond clair, fond noir, lumière ultraviolette, lumière polarisée, etc.).
Caractéristiques des microscopes optiques
Les améliorations successives du système de lentilles et de la partie mécanique du microscope à optique photonique ont fait de celui-ci un instrument de grande précision, robuste et facile à utiliser. Parallèlement à ces améliorations de l'appareil, les techniques de préparation des objets à observer se sont perfectionnées, et l'on a vu le microscope optique devenir un instrument indispensable dans de très nombreux laboratoires, où il est utilisé aussi bien pour des travaux de recherche fondamentale ou appliquée que pour des travaux de simple routine.
Mise au point
Considérons le « microscope réduit » de la figure. L' objectif et l' oculaire sont assimilés respectivement à des lentilles simples L1 et L2. L'objectif fournit d'un objet, tel que AB, une image agrandie A1B1 dont l'oculaire forme l'image (le plus souvent rejetée à l'infini), qui est perçue par l'œil. Elle est renversée, ce qui ne présente pas d'inconvénient.
Le diamètre de l'objectif L1 et sa longueur focale f1 sont très petits (de l'ordre de quelques millimètres) ; sa face d'entrée est parfois plongée, de même que l'objet, dans un liquide d' indice de réfraction n > 1 (immersion). L'oculaire a un diamètre et une longueur focale f2 de l'ordre de quelques centimètres. La distance du foyer image F′1 de l'objectif au foyer objet F2 de l'oculaire est de l'ordre de 20 cm. Pour que l'image intermédiaire A1B1 soit réelle et agrandie, l'objet doit être en deçà de F1 (par rapport au sens de propagation de la lumière). L'image A′B′ est à l'infini.
La mise au point s'effectue en faisant varier la distance séparant l'objet (préparation) du système objectif-oculaire. Dans le cas où l'image A′B′ est à l'infini, on dit que le fonctionnement du microscope est « normal » (l'observateur utilisant un verre correcteur, s'il en a besoin).
Si l'on veut obtenir une microphotographie, on place après l'oculaire un objectif photographique qui forme sur l'émulsion placée dans son plan focal une image réelle. Les divers organes sont portés par une monture mécanique ( statif du microscope) assurant la stabilité et pourvue des dispositifs permettant le réglage (crémaillère, micromètres). Divers objectifs et oculaires peuvent être utilisés sur le même statif.
On appelle distance frontale celle qui sépare l'objet de la face d'entrée de l'objectif. Elle est généralement petite ou très petite (entre 20 et 0,2 mm). Les objets examinés peuvent être inclus dans des préparations qu'on observe par transparence : coupes très minces de tissus animaux ou végétaux, moulages de surfaces solides (répliques) ou encore gouttes liquides étalées entre deux lames de verre dites porte-objet et couvre-objet. L'objet peut aussi être constitué par un corps opaque, observé par réflexion, ou un corps fluorescent observé grâce à des filtres appropriés.
Grandissement, grossissement
Soit y et y′ les dimensions transversales de l'objet AB et de son image. En microscopie photographique, une caractéristique essentielle du microscope est le grandissement (linéaire) g = y′/y.
En microscopie visuelle, ce qui importe est l'angle θ′ sous lequel on voit dans l'instrument l'image A′B′, qu'elle soit ou non située à l'infini. On le compare à l'angle θ, qui n'apparaît pas sur le schéma, sous lequel l'œil nu verrait AB à la distance conventionnelle ν = 250 mm, et l'on appelle grossissement le rapport :
Dans le cas du fonctionnement normal, on démontre que ce grossissement a une valeur de l'ordre de : G = 500.
L'image intermédiaire A1B1 permet de décomposer le grandissement G en deux termes :
Soient g1 le grandissement de l'objectif et G2 le grossissement de l'oculaire. Pour chaque combinaison, on calcule G d'après les valeurs de g1 et de G2 indiquées par les constructeurs.
À chaque objectif correspond, comme on le verra, un grossissement limite qu'il peut être désavantageux de dépasser.
Limite de résolution et ouverture numérique
Il existe toujours une valeur du grossissement au-delà de laquelle la perception des détails n'est plus améliorée. Celle-ci est limitée parce que l'image d'un point objet n'est jamais rigoureusement ponctuelle en raison des aberrations et des phénomènes de diffraction qui doivent être pris en considération pour des détails avoisinant la longueur d'onde de la lumière utilisée. De ce point de vue, la qualité des optiques dépend principalement de l' ouverture numérique On qui caractérise le demi-angle maximal α sous lequel l'objet immergé dans un milieu d'indice n peut être observé par l'objectif :
Suivant le critère de lord Rayleigh, on démontre que la distance transversale minimale s de deux points, dont l'objectif donne des images distinctes (limite de séparation) a pour valeur, du fait de la diffraction :
En lumière blanche, on peut prendre pour la valeur dominante 0,55 μm. D'où, si On = 0,5, s = 0,66 μm. Il convient donc d'augmenter On si l'on veut améliorer la résolution latérale intrinsèque du microscope. Cela nécessite un fort indice de réfraction n et un grand angle d'ouverture α.
L'œil n'étant lui-même apte à distinguer deux points voisins que si leur écart angulaire dépasse un certain minimum σ (limite de séparation oculaire), il ne profitera pleinement du pouvoir séparateur de l'objectif que si l'on associe à celui-ci un oculaire tel que le grossissement de l'ensemble atteigne la valeur Gs = 250 σ/s ; σ est exprimé en radians et s en millimètres. Pour de grandes valeurs de G, la clarté et la profondeur de champ diminuent. D'ailleurs, σ, qui dépend de l'observateur, décroît avec la luminance et le contraste de l'image. La perception des détails devient donc moins bonne au-delà d'une valeur dite optimale σ du grossissement G.
Le grossissement optimal doit donc être recherché expérimentalement à l'aide d'objets tests à structure fine ; il dépasse rarement 1 000 fois l'ouverture numérique (lumière visible). L'emploi des radiations ultraviolettes permettrait d'abaisser s à 0,1 μm, à condition de conserver la qualité optique du microscope.
La résolution verticale, plus couramment dénommée profondeur de champ est la plus grande distance d, comptée suivant l'axe optique, pour laquelle la netteté des détails perçus dans l'espace objet reste acceptable. De façon analogue à la définition de la résolution latérale, on ne perçoit nettement, dans un objet transparent, qu'une région dont l'épaisseur d est d'autant plus petite que l'ouverture numérique On est plus grande. Lorsque d est réduite à une fraction de micromètre, on dit alors que le microscope réalise une « coupe optique » dans l'objet, bien qu'un rayonnement lumineux défocalisé provenant des coupes adjacentes soit malgré tout transmis à l'observateur. La perception des détails en profondeur dépend beaucoup de la transparence et de la finesse de l'objet considéré.
La latitude de mise au point est naturellement égale à la profondeur de champ puisqu'on déplace le système optique du microscope par rapport à l'objet. Ce déplacement doit donc être réglé avec une très grande sensibilité (mouvement micrométrique) et maintenu ensuite constant. Si l'on vise successivement deux points A0 et A, le déplacement du microscope permet de mesurer la distance A0A avec une très grande précision.
Descriptif mécanique et optique
Partie mécanique
La partie mécanique d'un microscope ( statif et organes accessoires) doit constituer, d'après ce que l'on a indiqué, un ensemble très solide, et ses mouvements doivent avoir une grande précision. Elle comporte, sous sa forme « ancienne », un tube métallique, généralement vertical. Les objectifs sont fixés à la partie inférieure, les oculaires se posent à la partie supérieure.
Au-dessous du tube, une platine percée d'un trou pour les observations par transmission reçoit la préparation qui peut être déplacée latéralement. Pour la mise au point, la distance entre l'objectif et l'objet est réglable par un mouvement rapide de grande amplitude et un mouvement lent (micrométrique) de faible amplitude commandés respectivement par deux boutons concentriques. L'ensemble du microscope est fixé sur un pied assez lourd et peut parfois être incliné par rotation autour d'un axe horizontal.
Beaucoup d'instruments modernes ont un statif d'aspect assez différent de ce qui vient d'être indiqué. Celui que représente schématiquement la figure (microscope optique actuel) comporte deux sources de lumière incorporées, de nombreux modes de contraste, un tube binoculaire et un boîtier de photographie. La substitution d'un objectif à un autre s'obtient par l'emploi d'une tourelle à revolver. Ce type de microscope permet l'observation visuelle binoculaire et la microphotographie, ainsi que, par remplacement de certaines pièces optiques et mécaniques, l'utilisation des divers éclairages par transmission ou par réflexion. Dans l'éclairage par transmission, la lumière est concentrée sur la préparation par un dispositif optique, appelé condenseur, muni d'un diaphragme à iris. La seconde source permet l'éclairage par réflexion et l'éclairage de fluorescence qui seront considérés plus loin.
Objectifs et oculaires
Les objectifs doivent, en utilisant un faisceau généralement très ouvert de lumière blanche ou éventuellement colorée, former une bonne image du foyer objet du microscope et des points qui l'entourent (situés dans le plan objet). Ils satisfont ainsi à la condition d'aplanétisme d'Abbe. Les objectifs doivent en outre être achromatiques, c'est-à-dire former sensiblement les mêmes images pour toutes les longueurs d'onde du spectre visible. Les objectifs, composés de plusieurs lentilles, sont conçus après des calculs informatiques très complexes et doivent être construits avec grand soin pour que les aberrations des images qu'ils donnent (écarts avec les images idéales) soient réduites au minimum.
Si l'objet doit être couvert par une lamelle qui introduit une certaine aberration, l'objectif est calculé pour compenser cette dernière ; l'épaisseur de la lamelle qui convient à l'objectif est par suite imposée (0,17 mm en général). Ainsi, des objectifs de grandissement et d' ouverture numérique différents sont utilisés. Pour les objectifs travaillant « à sec », la face d'entrée est dans l'air (n = 1). Pour les objectifs à immersion, l'objet est relié optiquement à l'objectif par une goutte d'huile (n = 1,515), et l'ouverture numérique est plus grande, jusqu'à 1,4.
On utilise quelquefois des objectifs à miroirs ; ils donnent une même image pour toutes les longueurs d'onde et ont, en outre, l'avantage d'une grande distance frontale, mais leur construction est particulièrement difficile en raison du centrage délicat. La présence d'un orifice central diminue la qualité de l'image, ce qui limite l'emploi de ce type d'optique.
Les oculaires sont du type Huygens pour les microscopes simples. Ils comportent deux lentilles plan-convexes de même verre entre lesquelles se situe leur foyer objet. À fort grossissement ou pour des champs étendus, on a recours à des combinaisons plus complexes, spécialement adaptées à chaque type donné d'objectif, dont ils réduisent les aberrations résiduelles. On peut remarquer sur le schéma de la figure que les oculaires sont traversés par des faisceaux assez fortement inclinés sur l'axe, mais peu ouverts ; ils travaillent donc dans des conditions très différentes des objectifs.
On introduit assez souvent entre l'objectif et l'oculaire des systèmes dits véhiculaires, transportant l'image intermédiaire et permettant notamment une variation par paliers ou même continue (zoom) du grandissement.
Microscopes binoculaires
La majorité des microscopes classiques est équipée d'une « tête binoculaire ». Le faisceau qui sort de l'objectif est divisé en deux par un miroir semi-transparent. On rend ainsi les observations moins fatigantes, mais, les deux images observées étant identiques, la sensation du relief est purement subjective.
En revanche, les microscopes stéréoscopiques, qui comportent deux microscopes identiques jumelés dont les axes convergent sous un angle faible vers un même point de la préparation, permettent, par fusionnement des images perçues par les deux yeux, d'obtenir une véritable observation stéréoscopique.
L'écartement des axes au niveau des yeux doit être celui de leurs pupilles (de l'ordre de 65 mm, il est réglable selon l'observateur). Les contraintes de réalisation de deux axes optiques proches limitent l'ouverture numérique à 0,1 environ, le grossissement utile ne dépasse alors guère 100. L'image visuelle doit apparaître non inversée, faute de quoi la stéréoscopie est faussée. À cet effet, on introduit les inverseurs à prismes sur chaque faisceau. Ces microscopes stéréoscopiques sont utilisés lors d'opérations de microchirurgie.
Modes d'éclairage simples et utilisations
Au microscope optique classique sont venus s'adjoindre plusieurs dispositifs tels que la polarisation, le contraste de phase, le contraste interférentiel, la fluorescence, etc., qui ont considérablement élargi le champ d'utilisation de cet instrument. Ces modes d'éclairage diffèrent suivant que les objets sont transparents ou opaques ; les premiers peuvent être observés par transmission, les seconds en lumière réfléchie seulement.
Éclairage par transmission (fond clair)
Dans sa version la plus simple, le microscope optique à fond clair est utilisé dans de nombreuses branches de la biologie dont les principales sont l'histologie, la cytologie, la parasitologie, la microbiologie et la numération d'éléments figurés microscopiques. On envoie sur la préparation à travers le condenseur un faisceau lumineux centré suivant le principe de l'éclairage de Köhler. Les rayons pénètrent dans l'objectif après avoir subi l'influence de l'objet qui, en général, diffracte la lumière qui le traverse. L'objectif recueille cette lumière diffractée.
L'éclairage de Köhler, très couramment utilisé, est un mode opératoire dans lequel, au lieu de former sur la préparation une image de la source Q, on projette celle-ci à l'aide d'un collecteur sur la pupille d'entrée (FC) du condenseur LC, l'objet se trouvant ainsi éclairé d'une manière uniforme, indépendamment de la structure de la source (filament). Un diaphragme (iris) positionné en D1 limite la pupille du condenseur, tandis que l'image D2 du diaphragme de champ fixé sur la lampe est projetée par le condenseur sur l'objet en D′2. Cela permet de limiter la surface éclairée du diaphragme de champ et a pour effet d'éliminer la lumière parasite. Suivant ce schéma général de l'éclairage de Köhler, on distingue plusieurs réalisations de condenseurs en fonction de l'ouverture du faisceau d'éclairage.
L'éclairage monochromatique en fond clair (ou plus simplement à spectre partiellement filtré) peut faire apparaître sur une préparation des détails qui absorbent sélectivement cette lumière, alors que le contraste en lumière blanche reste faible. À titre d'exemple, l' hémoglobine absorbe spécifiquement et intensément dans la bande de Soret (λ = 415 nm) que l'on extrait d'une lumière blanche à travers des filtres en verre dits interférentiels. Dans une préparation observée avec un microscope optique classique éclairé avec une lumière dont la longueur d'onde varie entre 400 et 420 nm, les pigments hémoglobiniques apparaîtront en gris ou en noir selon leur concentration.
Applications de l'éclairage par transmission en fond clair
La plupart des tissus vivants observés tels quels au microscope optique classique ne présentent que très peu de contraste et peu de détails. On a donc été amené en histologie à fixer les tissus vivants et à les inclure dans des matières assez dures de façon à effectuer des coupes fines, de l'ordre de quelques micromètres d'épaisseur. Ces coupes sont traitées par des mélanges de colorants histologiques qui colorent différemment les diverses structures. Certaines colorations sont utilisées pour déterminer la nature chimique des éléments colorés (histochimie). L'examen des coupes histologiques permet d'étudier la structure des tissus et des cellules et de suivre les modifications physiologiques, expérimentales ou pathologiques de ces structures (cf. tissus - Histologie).
En cytologie, lorsque les tissus étudiés sont formés de cellules en suspension (par exemple, le sang) ou de cellules mobiles (par exemple, les ganglions lymphatiques, la rate), on peut pratiquer la technique des frottis (étalements ou empreintes d'organes) dont le but est d'obtenir des cellules étalées dans un plan en couche monocellulaire sur une lame de verre. Les techniques de fixation et de coloration sont très rapides. Toute la cellule aplatie sur la lame de verre est visible en même temps. La préparation est très mince, et on peut observer de nombreux détails. En contrepartie, les cellules subissent une importante déformation, et seuls quelques tissus se prêtent à la technique des frottis.
Le microscope optique classique est aussi très utilisé en parasitologie et en microbiologie. Les prélèvements sont étalés sur une lame de verre, fixés puis colorés. En se fondant sur leur morphologie et sur leur capacité de fixer certains colorants, on peut généralement identifier les micro-organismes contenus dans une préparation (cf. microbiologie, parasitologie).
Il est possible de déterminer la concentration d'éléments figurés microscopiques en suspension dans un liquide : par exemple, le nombre d'hématies dans 1 mm3 de sang. Une dilution de cette suspension est déposée dans une petite cavité creusée dans une lame spéciale (cellule à numération), dont le fond est divisé en petits carrés par gravure sur verre ; les éléments figurés se déposent à peu près uniformément sur le fond de la cavité. À partir du nombre moyen d'éléments figurés déposés sur un carré et déterminés par un examen microscopique, il est possible par un calcul simple de trouver la concentration initiale dans la suspension.
Les applications médicales du microscope optique classique sont multiples ; en effet, le diagnostic de nombreuses maladies est fait à partir de l'observation des coupes histologiques de tissus pathologiques ou de frottis de sang, d'épanchements séreux ou de sécrétions contenant des cellules desquamées.
Éclairage par transmission en fond noir ou ultramicroscopie
Les objets dont toutes les dimensions sont inférieures à la limite de résolution ne se voient pratiquement pas en éclairage à fond clair. Mais l'existence de ces objets « ultramicroscopiques » peut être perçue en mettant à profit la diffraction.
Dans le microscope à fond noir, ou ultramicroscope, seul le condenseur est différent de celui du microscope optique classique. Ce condenseur assure un éclairage très oblique de la préparation de telle façon que le faisceau de lumière incident ne pénètre pas dans l'objectif. Seuls les rayons diffractés par l'objet peuvent pénétrer dans l'objectif. Dans ces conditions, l'objet apparaît brillant sur un fond noir, mais sa forme ne peut être analysée par ce procédé. Cette technique, très utilisée autrefois pour visualiser de très petites particules en suspension dans un liquide, permet de voir des objets dont la taille est inférieure au pouvoir de résolution du microscope, d'où le nom d'ultramicroscope donné à cet appareil.
Les applications actuelles du microscope à fond noir sont restreintes, puisque cet appareil a été remplacé avantageusement par les microscopes à contraste de phase ou de contraste interférentiel. On utilise encore quelquefois le microscope à fond noir pour observer de très petits objets ayant peu de contraste : tréponèmes, flagelles bactériens, etc.
Éclairages spéciaux pour l'observation d'objets transparents
La microscopie à contraste de phase, à contraste interférentiel et l'utilisation de la lumière polarisée permettent de renforcer les contrastes observés ou même d'en faire apparaître de nouveaux, en noir ou en couleurs, dans le cas de certains objets transparents ou opaques-réfléchissants. Il en est résulté, depuis 1950, une véritable révolution en microscopie.
Microscopie à contraste de phase
Parmi les divers perfectionnements du microscope photonique classique, le dispositif qui utilise le contraste de phase est certainement celui qui a fait le plus progresser les connaissances sur la physiologie cellulaire. La matière vivante observée au microscope optique à fond clair ne présente que très peu de contraste, puisque seuls apparaissent les contours des objets et quelques organites plus denses qui absorbent une partie de la lumière. La plupart des structures cellulaires qui n'absorbent pas la lumière sont invisibles bien qu'elles modifient l'onde lumineuse qui les traverse en créant un retard de phase par rapport aux rayons lumineux qui ne traversent pas ces structures. Le microscope à contraste de phase transforme ce retard de phase invisible à l'œil, en différence d'intensité lumineuse que l'œil perçoit très bien.
Représentons un microscope à contraste de phase. La lumière traverse d'abord l'ouverture annulaire D d'un diaphragme situé dans le plan focal du condenseur, le faisceau en cône creux traverse la préparation et est intercepté par la lame de phase annulaire L, qui doit coïncider avec l'image du plan D formée par l'ensemble condenseur-objectif, mais il existe aussi de la lumière à l'intérieur du cône creux : c'est de la lumière diffractée par les détails de l'objet et qui passe par toute l'ouverture de l'objectif (en majorité en dehors de l'anneau de phase). Suivant la théorie de Frederik Zernike (1932), on obtient ainsi des images très contrastées des objets dits « de phase » complètement invisibles en éclairage à fond clair.
L'une des applications du microscope à contraste de phase est l'observation des cellules vivantes. Il est nécessaire que les préparations ne soient pas très épaisses afin que les structures ne se superposent pas, ce qui rendrait l'image difficile à interpréter. De très bonnes conditions d'observation sont réalisées avec des cellules en suspension, mises entre deux lames de verre distantes de quelques micromètres. De nombreuses cellules peuvent survivre ainsi pendant une heure environ, et il est possible de suivre leur évolution. Ce type de préparation convient pour les cellules libres, telles que les cellules sanguines ou les cellules d'organes à structure lâche (ganglions lymphatiques, rate, moelle osseuse hématopoïétique). Pour les observations de plus longue durée, il faut avoir recours aux techniques de culture de tissus ; les cellules s'étalent sur le support de la culture et peuvent ainsi être observées dans de bonnes conditions en microscopie en contraste de phase.
Microscopie à contraste interférentiel
Dans ces microscopes, le contraste de l'image est obtenu par interférence entre deux faisceaux lumineux issus d'une même source. Ces deux faisceaux interagissent différemment avec l'objet avant d'être superposés et d'interférer au nivaux de l'image agrandie.
Ce type d'appareil présente un double avantage : d'une part, il augmente le contraste des objets qui, en fond clair, sont très peu contrastés ; d'autre part, il permet de réaliser des mesures précises de l'épaisseur des objets et de leur indice de réfraction.
Les principes généraux de la microscopie interférentielle sont exposés dans l'article interférences lumineuses. Il faut distinguer trois types principaux de microscopes interférentiels :
– ceux qui utilisent le schéma classique des interféromètres à deux ondes complètement séparées véhiculées par deux microscopes couplés ;
– ceux qui mettent en œuvre l'interférence entre deux ondes qui traversent l'objet (ou se réfléchissent sur lui), décalées latéralement d'une distance de l'ordre de 1/20 à 1/3 du diamètre du champ objet. Ces micro-interféromètres sont plus faciles à construire et à régler que les précédents, mais leurs images sont parfois plus difficiles à interpréter à cause de leur chevauchement (cf. interférences lumineuses) ;
– ceux qui donnent le profil optique différentiel de l'objet (proportionnel à la première dérivée du profil normal). Ces microscopes utilisent deux éléments biréfringents (prismes) associés au condenseur et à l'objectif. Dans le cas d'objets réfléchissants, il n'y a qu'un prisme derrière l'objectif. Ce type de microscope à contraste « interférentiel différentiel » permet un examen qualitatif, de grande sensibilité, dans presque tous les cas d'objets de phase. Même des objets colorés (objets d'amplitude) sont observables en contraste interférentiel de ce type avec comme avantage une nette amélioration de la résolution. La microscopie à contraste interférentiel différentiel fournit ainsi des images d'excellente qualité, comparables à celles des microscopes à contraste de phase. Les mêmes structures d'objets biologiques sont retrouvées, mais avec des aspects différents. Le contraste interférentiel donne en général des images plus précises de différents plans de coupes à travers les échantillons cellulaires que le microscope à contraste de phase. En outre, il permet une observation convenable de structures très réfringentes et d'objets relativement épais, ce qui n'est pas possible avec le contraste de phase en raison des halos clairs qui entourent toutes les structures et dont la superposition dans les préparations assez épaisses masque de nombreux détails. Les deux techniques – contraste de phase et contraste interférentiel différentiel – se complètent fort utilement.
Éclairages par réflexion de type métallographique
L' éclairage des objets opaques étudiés en science des matériaux est généralement réalisé en faisant traverser l'objectif par la lumière incidente. L'objectif sert donc en même temps de condenseur. On utilise à cet effet une lame semi-transparente ou un prisme à réflexion totale. Les modes d'éclairage par réflexion en fond clair et fond noir sont aussi disponibles. De très nombreuses applications se développent dans le domaine de l'inspection et le contrôle de qualité des semiconducteurs assemblés sur les puces électroniques. Ces circuits électroniques intégrés sont généralement observés par ces modes d'éclairage par réflexion en fond clair et en fond noir à l'aide d' objectif spéciaux à immersion à eau (d'indice n = 1,33) afin d'améliorer la résolution sans endommager irréversiblement l'objet.
La surface de l'échantillon métallique, par exemple, peut être polie comme un miroir, puis légèrement attaquée par un réactif convenable, tel l'acide picrique, qui, agissant plus ou moins sur les différents éléments, produit des effets de corrosion visibles au microscope métallographique.
Microscopes polarisants
L'emploi de lumière polarisée apporte souvent en microscopie des compléments d'information très précieux. L'examen en microscopie d'échantillons entre polariseur et analyseur peut, grâce aux phénomènes d'interférences dits « relatifs », permettre d'identifier des microcristaux biréfringents uniaxes ou biaxes.
Très utilisé en cristallographie et aussi en pétrographie, le microscope polarisant peut aussi rendre de grands services en biologie, car il fournit des renseignements importants sur l'état physique de la matière vivante.
Un microscope polarisant comporte, avant le condenseur, soit un prisme de calcite, soit une lame polarisante. L'analyseur constitué d'une façon analogue, est placé entre l'objectif et l'oculaire. Les orientations du polariseur, de l'analyseur et de la préparation sont en général réglables et repérables. Ces composants optiques à faces parallèles supplémentaires doivent être placés sur des trajets de lumière non focalisée, ce qui nécessite l'adjonction de lentilles supplémentaires et, en particulier, d'une lentille de tube qui reforme une image intermédiaire dans le microscope.
L'observation au microscope polarisant peut se faire aussi bien sur des préparations fixées que sur des préparations fraîches ou des cellules vivantes. Dans ce dernier cas, on peut étudier les variations de la biréfringence au cours de l'évolution de la cellule, par exemple dans la mitose (apparition du fuseau achromatique biréfringent).
Emploi des radiations invisibles
L'emploi de radiations invisibles (« lumières invisibles ») peut être avantageux pour l'étude de préparations présentant, en fonction de la longueur d'onde, une absorption très différente de celle qui a lieu en lumière visible. On utilise alors des systèmes optiques comportant des lentilles en silice, fluorine et/ou des miroirs. Les images sont photographiées dans le cas de l' ultraviolet ; elles sont transformées en images visibles par un convertisseur électronique dans le cas de l' infrarouge. Par ailleurs, en plus de l'amélioration du contraste dans certaines préparations biologiques, le pouvoir séparateur du microscope est nettement amélioré grâce à l'emploi de lumières de courte longueur d'onde.
Microscopie par fluorescence
L'observation en fluorescence, originellement effectuée en lumière transmise grâce à un mode de fond noir, se pratique maintenant à l'aide d'un microscope de type classique dont la source lumineuse utilisée en mode de réflexion (épifluorescence) émet une quantité importante de radiations dans le vert, le bleu et le proche ultraviolet. Dans ce mode d'observation, l'échantillon fluorescent émet une lumière qui possède des propriétés spectrales différentes de la source d'excitation. La séparation optique de la lumière excitatrice de forte intensité et de la fluorescence émise de très faible intensité est assurée par des miroirs séparateurs (miroirs dichroïques) et des filtres qui séparent la lumière suivant sa longueur d'onde.
Dans la configuration dite d'épifluorescence, l'objectif est donc utilisé à la fois comme condenseur vis-à-vis de la source de lumière excitatrice et comme collecteur de lumière de fluorescence. Ce mode d'épifluorescence nécessite donc un puissant éclairage par réflexion associé à plusieurs combinaisons interchangeables de filtres de fluorescence permettant de renvoyer sélectivement la lumière d'excitation vers la préparation et de capter sélectivement la lumière de fluorescence émise par chaque type de composé fluorescent. On utilise généralement des lampes à vapeur de mercure sous pression ; des filtres spéciaux placés à la sortie de la source lumineuse ne laissent pénétrer dans le microscope que les radiations dont la longueur d'onde varie entre 300 et 600 nm. Les substances fluorescentes généralement employées, telle que la rhodamine, la fluorescéine et les coumarines éclairées par cette lumière, émettent un rayonnement dont la longueur d'onde est supérieure à celle des rayons incidents (excitation de la fluorescence). Il suffit alors d'arrêter la lumière incidente avec un filtre, placé entre le miroir séparateur dichroïque et les oculaires, pour percevoir la lumière émise par l'échantillon fluorescent, qui devient source lumineuse.
Ce type d'observation, d'une grande sensibilité, est assimilable aux observations de fond noir et procure des images d'excellent contraste. La fluorescence de plusieurs marqueurs d'une même préparation peut être successivement et parfois simultanément observée en épifluorescence grâce à un changement de filtres ou grâce à des filtres à double excitation.
Il existe dans les préparations biologiques quelques substances, telles les porphyrines, la chlorophylle, qui sont spontanément fluorescentes (fluorescence primaire). D'autres substances deviennent fluorescentes après certains traitements (cyclisation par les vapeurs d'aldéhyde formique). Mais le microscope à fluorescence est surtout utilisé pour mettre en évidence des colorants fluorescents (fluorochromes), qui se fixent sélectivement sur certaines structures tissulaires ou cellulaires (fluorescence secondaire).
Le principal intérêt de cette technique est le marquage de protéines avec des corps fluorescents. Ainsi, on peut marquer un anticorps avec un fluorochrome et traiter avec cet anticorps une préparation qui contient l' antigène protéique correspondant ; dans ce cas, il se forme un complexe antigène-anticorps marqué. L'examen de la préparation au microscope à fluorescence permet de localiser l'anticorps marqué avec un fluorochrome, donc l'antigène correspondant qui a capté cet anticorps. Cette technique d'épifluorescence est très utilisée pour décrire l'architecture intracellulaire et tissulaire sur de très nombreuses préparations à des fins de recherches ou afin d'établir le diagnostic de nombreuses maladies bactériennes et surtout virales. Les résultats sont rapides et très sûrs. La microscopie de fluorescence est d'un grand intérêt pour la localisation d'un ou de plusieurs gènes sur des chromosomes par hybridation in situ de sondes d'acides nucléiques fluorescentes. La grande sensibilité, la possibilité d'utiliser des caméras ou des systèmes d'acquisition ultrasensibles (caméra C.C.D. refroidies) et la facilité d'opérer des mesures quantitatives rendent cette technique très attractive.
Microscopie confocale
La localisation fine de molécules dans les cellules et les tissus fait exclusivement appel aux méthodes d'immunocytochimie, ou, pour les acides nucléiques, à l'hybridation in situ. En microscopie de fluorescence classique, décrite ci-après, les techniques de marquage avec des fluorochromes sont parmi les plus intéressantes car elles combinent un haut rendement et une grande simplicité d'utilisation. De plus, la mise à disposition de fluorochromes spécifiquement sensibles à différents éléments du milieu intra-cellulaire (pH, concentration en Ca++, Na+, etc.) a étendu l'utilisation de la microscopie en fluorescence à l'étude de la physiologie cellulaire. L'inconvénient majeur des sondes fluorescentes est une perte de résolution due à l'émission de fluorescence défocalisée qui se superpose à l'image du plan focal. Lorsqu'une haute résolution est nécessaire, la seule solution était alors de tenter de reproduire le marquage en microscopie électronique sur des cellules fixées ou coupées par cryo-ultramicrotomie.
La microscopie de fluorescence en mode confocale a permis de pallier ces inconvénients puisque son principe est de pratiquer des « coupes optiques virtuelles » dans l'objet observé et de n'enregistrer que l'image de la fluorescence émise dans un plan. De plus, le traitement informatique associé permet d'afficher des images provenant du signal enregistré par un détecteur ultrasensible, et de reconstituer la distribution tridimensionnelle de la fluorescence dans le visible. On obtient couramment dans ces conditions une résolution latérale de 0,3 μm et résolution verticale de 0,5 μm, y compris sur des objets de grande épaisseur (de 50 μm et plus). Il est donc possible d'individualiser de très petites structures marquées – par exemple, des vésicules d'endocytose – et cela dans des cellules entières, des cultures organotypiques ou des couches épaisses de tissu.
Principe optique
Alors que le microscope photonique classique capte simultanément tous les points de l'objet, le microscope à balayage utilise une configuration optique dans laquelle la source est fortement focalisée sur un point qui peut être balayé. Dans le mode de détection confocale, mis au point par Marvin Minsky en 1957, le détecteur est simultanément focalisé sur ce même point. Le principe de cette nouvelle application repose sur la confocalisation extrême sur l'échantillon d'un faisceau laser d'excitation et du champ de l'objet perçu par le détecteur généralement constitué d'un photomultiplicateur de haute sensibilité, l'échantillon étant éclairé et interrogé point par point, et cela de façon successive grâce au mécanisme de balayage. Ce point joue le rôle de foyer excité et renvoie une lumière, réfléchie ou de fluorescence, selon le mode d'observation choisie, laquelle est d'abord captée, puis filtrée afin de s'assurer de sa nature (lumière de réflexion ou de fluorescence) avant d'être de nouveau focalisée sur un autre foyer situé devant le détecteur. On obtient ainsi une amélioration du contraste et une meilleure résolution avec une très faible profondeur de champ. L'association de la microscopie confocale au mode d'épifluorescence permet de mesurer point à point la quantité de fluorescence émise par une préparation et ainsi de réaliser une véritable imagerie microscopique à trois dimensions.
La résolution des images avoisine la taille minimale d'une tache de diffraction à trois dimensions, c'est-à-dire de l'ordre de 0,2 à 0,5 micromètre dans les plans perpendiculaires et axial du microscope dans le visible grâce à des objectifs à immersion de forte ouverture numérique.
Applications
Le microscope confocal permet de réaliser des coupes optiques verticales ou obliques, ce qui bouleverse les traditions et permet d'observer des échantillons beaucoup plus épais qu'auparavant. Les applications biomédicales sont nombreuses : étude de la morphogenèse de tissus ou d'embryons ou de la localisation de gènes multiples sur des fragments de chromosomes par hybridation in situ et étude immunocytochimique de multifluorescence sur des tissus ou sur des cellules isolées.
La microscopie confocale représente le développement le plus important de la microscopie optique à balayage laser au cours des dix dernières années. L'image de coupes optiques y est réalisée point par point, ce qui permet des projections tridimensionnelles d'objets biologiques marqués en fluorescence tels que des organismes en développement. Il s'agit d'une véritable technique de microtomographie tissulaire et cellulaire qui permet d'atteindre une résolution submicrométrique à trois dimensions. Les applications en science des matériaux sont, elles aussi, en pleine expansion. Citons l'inspection des surfaces non planes avec mesure de rugosité, de fracture des matériaux, l'examen de circuits intégrés, le contrôle de qualité de l'état de surface de tous types de matériaux.
Les avantages de la microscopie confocale sont donc :
– d' améliorer considérablement le pouvoir de résolution des marquages par fluorochromes, sur cellules ou tissu fixé et coupé. La résolution obtenue permet d'aborder certaines questions qui nécessitaient l'utilisation de la microscopie électronique. Cette dernière méthode, plus longue et de réalisation plus difficile, reste irremplaçable dès que l'on veut effectuer des observations ultrastructurales ;
– d'abaisser le seuil de détection, puisqu'il devient possible de voir quelques molécules de fluorochrome ;
– d'offrir de nouvelles possibilités d'investigation, en science des matériaux et en biologie. On peut en effet travailler sur des cellules vivantes, des tranches de tissu frais et suivre facilement l'évolution de marqueurs ou de flux ioniques avec une résolution subcellulaire.
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Écrit par
- Christian COLLIEX : directeur de recherche au C.N.R.S., responsable du groupe microscopie électronique, analytique et quantitative du laboratoire de physique des solides, Orsay
- Jean DAVOUST : directeur de recherche deuxième classe au C.N.R.S., responsable de l'équipe transport membranaire et fonctions lymphocytaires
- Étienne DELAIN : directeur de recherche au C.N.R.S., responsable du laboratoire de microscopie cellulaire et moléculaire de l'Institut Gustave-Roussy, Villejuif
- Pierre FLEURY : directeur honoraire de l'Institut d'optique théorique et appliquée de Paris, professeur honoraire au Conservatoire national des arts et métiers
- Georges NOMARSKI : directeur de recherche au C.N.R.S., Institut d'optique d'Orsay, professeur à l'Institut d'optique, responsable du laboratoire de microscopie, université de Paris-XI, Orsay.
- Frank SALVAN : professeur à la faculté des sciences de Luminy, université d'Aix-Marseille, directeur du laboratoire de physique des états condensés
- Jean-Paul THIÉRY : maître de recherche au C.N.R.S.
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