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LEIRIS MICHEL (1901-1990)

Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

Comment rendre nécessaire le désordre d'une vie ? Comment doter de sens ce qui est le fruit du hasard ? Ces questions marquent le dilemme de l'entreprise autobiographique, et singulièrement de celle conduite par Michel Leiris. En effet, là où l'œuvre d'art vise à l'accomplissement et à la justification suprême qu'énonce Proust dans Le Temps retrouvé, le sujet autobiographique se sait voué à l'inachèvement et à la déception : il n'en finit jamais de renouer les fils de sa propre vie. Toute l'œuvre de Michel Leiris témoigne du savoir paradoxal qui naît de ce défaut de maîtrise.

L'itinéraire

Né à Paris en 1901, Michel Leiris participe dès 1924 au mouvement surréaliste. L'importance donnée par celui-ci à une approche du réel capable de renouer avec le merveilleux par le biais de l'usage renouvelé des mots et du récit de rêve ne pouvait que séduire Leiris qui, son Journal (1992) en témoigne, se veut initialement poète. C'est la progressive mise en question de cette « volonté » qui le conduira à l'autobiographie. En 1926, Michel Leiris se marie avec Louise Godon, belle-fille de l'épouse du marchand d'art Daniel Henry Kahnweiler. En 1927, il voyage en Égypte et en Grèce où il rédige son unique roman, Aurora (1946). 1929 est une année cruciale, marquée à la fois par sa rupture avec le surréalisme, sa collaboration à la revue Documents fondée par Georges Henri Rivière, Carl Einstein et Georges Bataille, et par le début d'une psychanalyse avec Adrien Borel. De 1931 à 1933, Leiris participe comme secrétaire-archiviste à la Mission ethnographique et linguistique Dakar-Djibouti conduite par Marcel Griaule. À son retour, il publie L'Afrique fantôme (1934), journal de voyage alliant commentaire scientifique et incursions poétiques, livre important dans la mesure où il entame le processus autobiographique qui le mènera à L'Âge d'homme puis à La Règle du jeu. Il semble que ces deux événements si proches dans le temps – participation au surréalisme et découverte de l'ethnographie – aient été décisifs. En réaction à l'image de l'individu que proposaient les sociétés occidentales, l'un comme l'autre tendaient à redécouvrir une expérience du sacré qui situait l'homme face au monde dans une relation qui n'était plus de contingence mais de nécessité. Désireux d'approfondir son premier contact avec l'Afrique, Michel Leiris suit les cours de Marcel Mauss et devient ethnographe. Il partagera désormais son temps entre ses travaux scientifiques (sur la possession et les parlers rituels notamment) et la littérature. Il effectue en 1945 un deuxième voyage en Afrique noire, puis deux séjours dans les Antilles (il s'est également rendu en Chine populaire en 1955 et à Cuba en 1967 et 1968).

Michel Leiris s'est toujours attaché à discerner à travers rites et cultures des éléments primordiaux susceptibles d'étayer l'approche autobiographique qu'il allait tenter. Cette curiosité, il l'a également montrée pour des peintres et des écrivains auxquels il doit une plus juste évaluation de ses capacités artistiques. Ainsi en va-t-il de Raymond Roussel, dont la conception de la littérature comme procédé l'influença profondément, de Max Jacob qui fut son initiateur en poésie, de Georges Bataille avec qui il collabora lors de la fondation, en 1936, du Collège de sociologie et à qui est dédié L'Âge d'homme, de Robert Desnos et de Georges Limbour, également. Soulignons enfin les affinités, exprimées dans maints textes avec des peintres comme Masson, Miró, Picasso, Giacometti, Bacon.

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Pour citer cet article

Gilles QUINSAT. LEIRIS MICHEL (1901-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

Autres références

  • LEIRIS & CO (exposition)

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 1 136 mots

    L’exposition qui s’est tenue au Centre Pompidou-Metz entre le 3 avril et le 14 septembre 2015, est à plus d’un titre historique. Il s’agit de la première exposition de cette ampleur consacrée à l’auteur, poète, ethnographe, écrivain d’art, actif militant antiraciste et anticolonialiste....

  • RÉCIT DE VOYAGE

    • Écrit par Jean ROUDAUT
    • 7 128 mots
    • 1 média
    ...naissance mais par un départ, et ne se dénoue pas arbitrairement mais doit s'achever par un retour. Les récits de voyage peuvent prendre la forme de journaux ( Leiris), de lettres (Hugo), ou de mémoires comme ceux de Jean de Léry, ou encore ceux d'un « touriste » (Stendhal). Il est rare qu'ils soient constitués...
  • INTELLECTUEL

    • Écrit par Jean Marie GOULEMOT
    • 9 442 mots
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    ...Foucault et Pierre Vidal-Naquet, il fonde le Groupe d'information sur les prisons. On pratiqua des occupations, comme celle du C.N.P.F. avec Clavel, Genet et Michel Leiris (1970). Quand les directeurs de La Cause du peuple sont emprisonnés, Simone de Beauvoir et Michel Leiris assument la présidence...
  • JAMIN JEAN (1945-2022)

    • Écrit par Giordana CHARUTY
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    Né le 26 avril 1945 à Charleville-Mézières, Jean Jamin a fait des études de philosophie, de sociologie et d’ethnologie à la Sorbonne et à la VIe section de l'École pratique des hautes études, sous la direction de Georges Balandier, de Denise Paulme et Marc Augé. Il effectue ses premières...

  • L'ÂGE D'HOMME, Michel Leiris - Fiche de lecture

    • Écrit par Aliette ARMEL
    • 1 128 mots
    • 1 média

    Michel Leiris date avec précision l'écriture de L'Âge d'homme : de décembre 1930 – moment où il remet à son ami Georges Bataille le manuscrit de Lucrèce, Judith et Holopherne – à novembre 1935, où il achève la rédaction du livre et le dépose sur le bureau d'...

Voir aussi