Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CÉRULAIRE MICHEL (1000-1058) patriarche de Constantinople (1043-1058)

Issu d'une famille de la classe sénatoriale, Cérulaire est attiré par la politique. On lui prête même des visées impériales. À la suite de l'échec d'un complot contre Michel IV (1040), il se fait moine. En 1043, par la faveur de Constantin IX Monomaque, il est élu patriarche, tenant ainsi la revanche de ses premières ambitions. Porté par une suite d'événements propices, il se conduira en seul maître de son Église et il il rêvera d'être le premier dans l'Empire.

Les possessions byzantines d'Italie sont en péril. L'empereur trouverait son intérêt à rallier la coalition antinormande soutenue par le pape Léon IX. Cérulaire pressent que cette collusion passera par un compromis religieux dont son prestige ne pourra que souffrir. Il mine le projet (1052-1053) : à Constantinople, en fermant les lieux de culte des Latins ; en Italie, en faisant adresser par l'archevêque d'Ochrida, Léon, à l'évêque romano-byzantin de Trani, Jean, un réquisitoire contre les déviations disciplinaires et liturgiques de Rome. Le patriarche, dans ses calculs, a supposé que la lettre arriverait au pape ; il ne s'est pas trompé. L'entourage de Léon IX rédige une réponse cinglante, qui ne partira pas. La situation a empiré en Italie ; Monomaque, appuyé par une lettre assez modérée de son patriarche, presse Léon IX de négocier. Au début de 1054, une ambassade romaine s'embarque, conduite par l'irascible cardinal Humbert. Les légats commettent la maladresse de traiter avec le Basileus par-dessus la tête de Michel. Celui-ci décide de les ignorer et conteste même la validité de leur mandat, le pape étant mort dans l'intervalle (19 avr. 1054). Excédés, les légats déposent une bulle d'excommunication contre lui sur l'autel de Sainte-Sophie (16 juill. 1054), et quittent la ville. L'empereur les supplie de revenir, mais le patriarche leur a préparé, pour les accueillir, un tel climat d'émeute qu'ils s'enfuient. Cérulaire pousse à fond son avantage : huit jours après, le synode patriarcal flétrit la conduite des légats et fulmine contre eux l'excommunication. Les patriarches d'Orient sont dûment informés du scandale et de la vanité de toute tentative nouvelle d'union. Ainsi fut consommé ce qu'on a appelé depuis le « schisme de Cérulaire ». Dénomination abusive : ces altercations de sourds ne changeaient rien à un état d'allergie mutuelle depuis longtemps consacré entre les deux Églises.

Cérulaire est plus que jamais sûr de lui. Dans l'église Sainte-Sophie elle-même, il proclame la déchéance de Michel VI (1057) et l'avènement d'Isaac Ier Comnène, dont il assume quelque temps l'intérim. En récompense, il obtient l'autonomie administrative et financière de Sainte-Sophie. Cette délimitation des sphères d'influence ne lui suffit pas ; il ambitionne la suprématie de sa sphère et, à l'imitation des papes, se réclame des privilèges censés accordés par Constantin le Grand au pape Silvestre (en vertu de l'apocryphe Donatio constantini). On racontait qu'il prétendait chausser des mules de pourpre comme le Basileus et qu'il s'apprêtait même à renverser Isaac Ier. En tout cas, celui-ci ne lui en laissa pas le temps. Il lui enjoignit d'abdiquer ; Cérulaire refusa. Il se résolut à le faire déposer par un synode, mais le prélat mourut, au moment même de comparaître, à Madytos, où le vent avait jeté son embarcation.

Amis de Cérulaire et ennemis d'Isaac crièrent aussitôt au martyre. Isaac dut tolérer que la dépouille fût ramenée en triomphe dans la capitale. Bien mieux, son successeur Constantin X, qui avait épousé une nièce de Cérulaire, Eudocie Macrembolitissa, allait instituer une fête annuelle en son honneur. Psellos, qui avait accablé Michel dans une Accusation[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section)

Classification

Pour citer cet article

Jean GOUILLARD. CÉRULAIRE MICHEL (1000-1058) patriarche de Constantinople (1043-1058) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE L'OCCIDENT ET BYZANCE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Pascal BURESI
    • 320 mots

    992 En échange du prêt de sa flotte pour transporter des troupes byzantines vers l'Italie, Venise reçoit, par un chrysobulle, un privilège : Basile II abaisse à 2 sous d'or les droits de passage payés par les Vénitiens à la douane d'Abydos.

    1054 Schisme de Michel Cérulaire...

  • ISAAC Ier COMNÈNE (1005 env.-1061) empereur d'Orient (1057-1059)

    • Écrit par Universalis
    • 432 mots

    Empereur byzantin (1057-1059), né vers 1005, mort en 1061 au monastère du Stoudion, à Constantinople (auj. Istanbul, Turquie).

    Isaac est le fils de Manuel Comnène, officier de l'empereur byzantin Basile II le Bulgaroctone (957 env.-1025, empereur 960-1025). Sur son lit de mort, Manuel demande à l'empereur...

  • LÉON IX saint, BRUNON ou BRUNO D'EGISHEIM-DAGSBURG (1002-1054) pape (1049-1054)

    • Écrit par Jacques DUBOIS
    • 344 mots

    Né en Alsace, Brunon (ou Bruno), fils du comte d'Eguisheim, étudie à Toul, dont il devient évêque en 1026. Il soutient les monastères de son vaste diocèse et celui de Sainte-Odile en Alsace. Tenu pour l'un des meilleurs évêques, il se voit offrir la papauté par l'empereur Henri...

  • ORTHODOXE ÉGLISE

    • Écrit par Olivier CLÉMENT, Bernard DUPUY, Jean GOUILLARD
    • 23 362 mots
    • 1 média
    ...fallut une conjonction insolite de caractères et d'ambitions contraires sur un fond d'intérêts politiques pour dramatiser la situation. Le patriarche Michel Cérulaire rêvait d'une sorte de papauté byzantine dans le style d'un Grégoire VII avant la lettre. Il ne pouvait supporter que son empereur,...

Voir aussi