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FERRARI LUC (1929-2005)

Le Français Luc Ferrari se situait aux antipodes des compositeurs de « musique nouvelle » de sa génération : Pierre Boulez, Luciano Berio, Karlheinz Stockhausen... Pour les uns, il représentait le compositeur du futur, pour d'autres, un simple créateur à la mode.

Luc Ferrari, né le 5 février 1929 à Paris, apprend très jeune le piano. La tuberculose le contraint malheureusement à délaisser un temps l'instrument. Il décide alors de devenir compositeur. De 1948 à 1950, il suit, à l'École normale de musique, des cours de piano auprès d'Alfred Cortot et des cours de composition avec Arthur Honegger. Après un passage dans la classe d'analyse musicale d'Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris (1953-1954), il participe en 1958 avec Pierre Schaeffer à la fondation du Groupe de recherches musicales (G.R.M), dont il assurera brièvement la direction en 1959 et 1960.

Parallèlement à sa carrière de compositeur, Ferrari exerce des activités de pédagogue et d'organisateur. Il est notamment le premier, en 1964 à la Rheinische Musikschule de Cologne, à dispenser des cours de composition spécialisés dans les techniques et procédés électroacoustiques. Dès 1965, il co-réalise avec Gérard Patris une série de documentaires sur la musique contemporaine pour la télévision française ; ouvertes à toutes les tendances, ces émissions présentent des œuvres d'Edgar Varèse, de Messiaen, de Stockhausen mais aussi des pièces de free jazz.

Ferrari s'est toujours opposé à ce que ses œuvres fourmillent de codes culturels complexes qui les rendraient inaccessibles au grand public et il restera sa vie durant proche de l'expression populaire. Pour lui, l'œuvre musicale doit être envisagée comme un exercice de communication quotidienne et il ira plus loin que beaucoup d'autres compositeurs de musique électroacoustique, son goût pour le son naturel le menant à recueillir un vaste corpus de sources sonores : bruits, cris, voix, rumeurs, clameurs... Hétérozygote, pour bande magnétique (1963-1964), illustre parfaitement cette démarche, avec son utilisation de sons bruts (bêlements de moutons, bribes de conversation en plusieurs langues, bruits d'avions, de vagues, de vent), sans aucune coupure, dont le montage est effectué de manière à préserver le réalisme ; l'emploi de quatre pistes permet une spatialisation des sons parfaitement appropriée à la représentation du réel.

Même si elle se rapproche de la musique électronique ou de la musique concrète, la musique de Ferrari s'en différencie par le rejet de toute abstraction. Ferrari a affirmé toute sa vie qu'il ne savait pas vraiment comment lui venaient les idées de ce qu'il nomma la « musique anecdotique » : d'un rêve, de réminiscences du passé, d'une conversation ? Il est, par cette attitude, proche de John Cage et des idées sur le hasard de l'école américaine. Opposé à toute sophistication du travail sur bande magnétique, il prône un retour à la simplicité, voire au minimalisme de l'enregistrement brut (Promenade symphonique dans un paysage musical, 1976-1978).

Plaidoyer pour une musique naturelle rejoignant la notion de paysage sonore, abandon progressif de l'idée selon laquelle les bruits réels constituent une matière première à transformer : tel fut le parcours de Ferrari, qui a toujours conçu cette matière à la fois comme source d'inspiration et comme citation brute. Il n'hésita cependant pas à combiner des sons abstraits à ces matériaux prosaïques : dans sa Petite Symphonie intuitive pour un paysage de printemps (1989), il mêle ainsi plusieurs sons de flûte, l'un continu, les autres apparaissant et disparaissant comme des échos de voix de bergers parlant à leur troupeau.

L'assemblage des sons, processus qui gouverne l'essentiel de l'œuvre de Ferrari, ne doit pas oblitérer[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. FERRARI LUC (1929-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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