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ASSYRO-BABYLONIENNE LITTÉRATURE

Mythes et épopées

La porte royale par laquelle il faut entrer dans la littérature épique, c'est, parmi les grands mythes, l' Épopée de Gilgamesh. En elle se résument vraiment l'histoire de la littérature babylonienne dans ses rapports avec la pensée sumérienne, les diverses étapes de son évolution et son rayonnement à l'extérieur.

Le thème en est les exploits d'un très ancien roi d'Ourouk, à demi légendaire. Autour du personnage dut se créer très tôt une tradition poétique qui, plus tard, donna naissance à toute une série de poèmes sumériens. De ces poèmes disparates, les poètes akkadiens tirèrent une épopée, à laquelle ils donnèrent l'unité qui manquait aux sources sumériennes. La première partie de l'œuvre en est la partie héroïque. Gilgamesh et son ami Enkidou, après s'être affrontés, vont ensemble de victoire en victoire. Ils triomphent du géant Houm-baba, gardien de la Forêt des Cèdres ; ils terrassent le Taureau céleste qu'Ishtar, dans son courroux, avait envoyé contre eux. Grisés de gloire, ils succombent à l'orgueil. Le Destin va les punir de leur démesure. Il frappe d'abord Enkidou, qui meurt dans les bras de son ami. Hanté désormais par la peur de la mort, Gilgamesh tente de percer le secret de la Vie éternelle. Il croira le trouver auprès du survivant du Déluge, auquel les dieux avaient jadis accordé l'immortalité. Mais il le perdra sur la route du retour, et, dans Ourouk, il n'aura plus désormais qu'à attendre, résigné, l'heure de descendre à son tour aux Enfers : l'âme d'Enkidou, évoquée, lui laisse entrevoir l'existence qu'y mènent les défunts.

Cette épopée ne s'est pas créée d'un seul jet. Elle a connu des élaborations successives. Du temps de Hammourabi nous en sont parvenues quelques tablettes, que marquent la spontanéité et la force des ouvrages de cette époque. Et c'est sans doute de la seconde moitié du deuxième millénaire que date une mouture plus récente, en douze chants, et parfois laborieusement remodelée.

La renommée de l'œuvre déborda largement les frontières de la Mésopotamie. Des passages en ont été retrouvés en Cappadoce copiés ou traduits par les scribes hittites et hourrites de Boghaz-Köi, vers le milieu du deuxième millénaire ; et d'autres tablettes, trouvées à Jéricho ou à Ugarit, attestent sa diffusion largement vers l'ouest.

De ce rayonnement culturel témoignent aussi d'autres œuvres épiques. Les poèmes d'Anzou et d'Etana étaient connus et copiés à Suse, en Élam, de même que l'étaient jusqu'en Égypte, à Amarna, le mythe du sage Adapa et celui des amours infernales de Nergal et d'Ereshkigal.

Le Mythe d'Anzou raconte, en trois longues tablettes, comment l'oiseau des tempêtes Anzou réussit à s'emparer de la toute-puissance que détenait son maître, le dieu Enlil. Il en emporta le symbole dans une montagne inaccessible, où plusieurs champions divins ne pourront même pas l'approcher. Finalement, le dieu guerrier Ninourta parviendra à le vaincre et à rétablir dans l'univers la légitime hiérarchie des pouvoirs.

C'est, au contraire, dans le monde infernal que nous transporte un poème de 440 vers dont l'héroïne est la déesse des morts Ereshkigal. Solitaire et triste en son obscur royaume, elle fut, un jour, humiliée par un dieu du ciel, son frère, le jeune et beau Nergal. Celui-ci n'échappa à la punition fatale qu'en séduisant sa sœur. Mais de s'être une fois trop longuement attardé dans ses bras l'obligea à rester à jamais dans les Enfers et à régner sur les morts avec Ereshkigal.

Le Poème d'Era, le dieu de la peste, a une tout autre inspiration. Il a pour toile de fond la tragique période où les invasions soutéennes apportèrent malheur et désolation dans[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur au Collège de France, directeur à l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

René LABAT. ASSYRO-BABYLONIENNE LITTÉRATURE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANZU MYTHE D'

    • Écrit par Daniel ARNAUD
    • 591 mots

    La pensée assyro-babylonienne a hérité de la tradition sumérienne l'idée qu'existaient encore dans le cosmos des forces de mal ou, du moins, de trouble qui en bouleversaient pendant un temps l'ordonnance, avant qu'un champion ne rétablisse l'état de choses précédent : le mythe d'Anzu raconte ainsi...

  • ASSYRIE

    • Écrit par Guillaume CARDASCIA, Gilbert LAFFORGUE
    • 9 694 mots
    • 6 médias
    ...glyptique(art des sceaux) donne des œuvres originales et d'une qualité supérieure à ce que l'on fait alors dans le reste de l'Orient. Les scribes assyriens, qui n'avaient jusqu'au xive siècle rédigé que des textes économiques et de courtes inscriptions royales, se mettent à...
  • ATRA-HASIS POÈME D'

    • Écrit par Daniel ARNAUD
    • 335 mots

    Œuvre rédigée en langue akkadienne, qui comptait quelque 1 250 vers à l'origine et qui présente un réel effort de réflexion sur la création et sur le destin de l'homme (cf. traduction in R. Labat, Les Religions du Proche-Orient, Paris, 1970). Elle fut rédigée en Babylonie,...

  • BABYLONE

    • Écrit par Guillaume CARDASCIA, Gilbert LAFFORGUE
    • 7 328 mots
    • 14 médias
    Cette revanche éclatante – l'Élam tombe alors dans une anarchie qui durera quatre siècles – vaut au vainqueur une réputation de héros. Les scribes exaltent également Mardouk qui, après ce retour triomphal, achève d'éclipser les divinités protectrices des autres cités de basse Mésopotamie et...
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Voir aussi