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KRONECKER LEOPOLD (1823-1891)

Corps de classes absolu

Kronecker ne publia jamais de démonstration complète des trois propriétés fondamentales du corps de classes sur Q(√− D) énoncées ci-dessus. Vers la fin de sa vie, il avait entrepris de rédiger une longue série de mémoires sur les fonctions elliptiques qui devaient aboutir à ces démonstrations, mais il n'eut pas le temps de les achever ; du moins avait-il donné en substance la démonstration de la congruence fondamentale :

(p idéal premier de K, N p étant sa norme dans Q, t classe d'idéaux de K), sur laquelle reposent encore aujourd'hui les démonstrations de ces propriétés. C'est à la suite de ces travaux et de leur continuation par ceux de Weber que Hilbert, vers 1900, devait, par une induction hardie, parvenir à la conception générale du « corps de classes absolu » comme extension abélienne maximale non ramifiée d'un corps de nombres algébriques K quelconque, et formuler pour ce corps Ω les propriétés analogues à (b) et à (c), ainsi que les propriétés de décomposition dans Ω des idéaux premiers de K. Mais Hilbert ne démontra ces propriétés que lorsque K est un corps quadratique (réel ou imaginaire) ; cependant, elles furent établies quelques années plus tard en toute généralité par Furtwängler, puis généralisées, en 1920, par Takagi, en une théorie du « corps de classes relatif » qui englobe toutes les extensions abéliennes (ramifiées ou non) des corps de nombres algébriques.

Il est peu vraisemblable que Kronecker ait pu avoir l'idée d'une telle généralisation (même pour les corps K = Q(√ D)), mais il s'était cependant préoccupé de la question des extensions abéliennes quelconques de Q(√− D) et avait formulé à ce propos ce qu'il appelait lui-même son « rêve de jeunesse », une généralisation remarquable de son théorème sur les extensions abéliennes de Q. Sans préciser exactement l'énoncé du théorème qu'il avait en vue, il avait, dans sa lettre à Dedekind, affirmé que l'extension abélienne maximale de Q(√− D) devait être engendrée par les valeurs de certaines fonctions elliptiques pour des combinaisons rationnelles de leurs périodes. Ce théorème a, depuis lors, été établi sous la forme précise suivante : Si ω1, ω2 est la base d'un idéal de Q(√− D), soit :

la fonction elliptique de Weierstrass de périodes ω1, ω2 ; g2 et g3, les invariants définis dans (1) ; alors, si D n'est pas égal à 1 ni à 3, on pose :
et l'extension abélienne maximale de Q(√− D) s'obtient en adjoignant au corps de classes Ω = K(j) les nombres :
a, b sont des entiers positifs ou négatifs, n un entier positif. On a des résultats analogues pour D = 1 ou D = 3.

— Jean DIEUDONNÉ

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Pour citer cet article

Jean DIEUDONNÉ. KRONECKER LEOPOLD (1823-1891) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Leopold Kronecker - crédits : Courtesy of Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz BPK, Berlin

Leopold Kronecker

Autres références

  • ALGÈBRE

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 7 143 mots
    ...reprenant une idée de Cauchy qui définissait les nombres complexes comme classes résiduelles de polynômes à coefficients réels modulo le polynôme x2 +1, Kronecker donne, en 1882, les premiers exemples de corps (non triviaux) définis abstraitement en montrant que, avec les notations ci-dessus, le corps ...
  • CANTOR GEORG (1845-1918)

    • Écrit par Hourya BENIS-SINACEUR
    • 2 886 mots
    • 1 média
    ...l’analyse moderne, d’Ernst Kummer (1810-1893), récipiendaire du grand prix de l’Académie des sciences de Paris pour ses travaux en théorie des nombres, et de Leopold Kronecker (1823-1891), grand partisan de constructions effectives fondées sur les nombres entiers, ce qui explique son hostilité aux inventions...
  • CANTOR : THÉORIE DES ENSEMBLES

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 713 mots

    Georg Cantor (1845-1918), professeur de mathématiques à l'université de Halle (Saxe, Allemagne), publie en 1874 dans le Journal de Crelle l'article fondateur de la théorie des ensembles.

    Né à Saint-Pétersbourg (Russie) d'un père danois et d'une mère autrichienne, Cantor réside avec...

  • CORPS, mathématiques

    • Écrit par Universalis, Robert GERGONDEY
    • 6 190 mots
    ...valeur R(x) en x et, comme deux polynômes congrus modulo P(X) ont même valeur en x, cela définit un homomorphisme :
    qui est l'isomorphisme annoncé. La dernière définition des corps de nombres algébriques, qui est, au langage près, celle deKronecker, est ainsi reliée à celle de Dedekind.
  • Afficher les 10 références

Voir aussi