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JINISME ou JAÏNISME

Expansion et rayonnement

Parti du Magadha et de la plaine gangétique, le jinisme, selon une inscription de Śravaṇa Beḷgoḷa, au Maisūr, aurait atteint Ujjainī, au temps de Bhadrabāhu. De là, il aurait gagné le Karṇāṭak, puis les territoires āndhra et drāviḍa. Au iie siècle avant J.-C., sa présence en Orissā est attestée par l'inscription du roi du Kalinga, sur les parois de la grotte Hāthīgumphā, près de Bhubaneśvar. Après la scission de 79 après J.-C., alors que les śvetāmbara se maintiennent dans le Nord, les digambara, rayonnant autour de leur centre spirituel de Śravaṇa Beḷgoḷa, bénéficient, dans le Dekkan et le sud de l'Inde, de la faveur des princes dont ils réussissent à obtenir la conversion ou tout au moins la protection. Au viie siècle, le pèlerin chinois Hiuan-tsang les visita à Kāncī, capitale des Pallava, et s'émerveilla de leur prospérité matérielle. Au ixe siècle, le roi Amoghavarṣa composa un traité jaina, et l'un de ses descendants jeûna jusqu'à la mort (982). Les temples et les monuments consacrés au jinisme restent les témoignages de ces faveurs royales, qui encourageaient aussi les lettrés jaina. À partir du xiie siècle s'affirme le déclin des digambara par suite de l'effacement des anciennes dynasties protectrices, des conversions princières obtenues par Rāmānuja, l'apôtre du vishnouisme, et des persécutions sanglantes qui accompagnèrent la propagande des Vīraśaiva, sous la dynastie des Cola.

Les témoignages relatifs aux Jaina du Nord, mêlés de merveilleux et discontinus, sont, dans l'ensemble, assez obscurs jusqu'au viie siècle. Cependant, les fouilles de Mathurā, qui fut le siège d'un concile śvetāmbara, à la fin du ve siècle, ont mis au jour de nombreuses inscriptions qui révèlent l'expansion du jinisme vers l'ouest et aussi la division, dès le iie siècle, des śvetāmbara en plusieurs groupes subdivisés en familles et branches spirituelles. Au pays Mālvā, autour d'Ujjainī, la capitale des empereurs Gupta, qui avaient marqué leur bienveillance au jinisme, les śvetāmbara poursuivront les conversions princières. Ils auraient obtenu, entre autres, celle du roi hephtalite Toramāna, au vie siècle, dont le fils devait pourtant les persécuter. Et, bien après, au xvie siècle, ils devaient s'assurer la sympathie d'Akbar. De grands sanctuaires, à Khajurāho, à Gvālior, à Jaisalmer, au mont Ābū, attestent l'importance de leur rayonnement.

Plus à l'ouest, au Gujarāt, dans la seconde moitié du ve siècle, deux conciles se réunirent à Valabhī, dans la presqu'île du Kāthiāvār, en vue de fixer le texte des traités qui, désormais, allaient constituer le canon śvetāmbara : l'œuvre de ces diascévastes eut, évidemment, une importance considérable. Entre le vie et le viiie siècle, le jinisme bénéficia de la protection des princes de Valabhī et de la générosité des fidèles laïcs, qui lui élevèrent de nombreux temples. Mais c'est avec le roi du Gujarāt Kumārapāla (1144-1173) qu'il atteignit son apogée. Converti par le savant Hemacandra, le souverain s'employa à transformer son royaume en un État jaina, incitant ses sujets à pratiquer la non-violence, la compassion et la charité. C'est l' ahiṃsā qu'enseignera plus tard Gandhi. À cet effet, il fit interdire les combats d'animaux, la consommation de la viande et de l'alcool, les jeux de dés et les paris ; et il renonça à la confiscation par l'État des biens des marchands morts sans enfants. Cette dernière mesure, dont bénéficiaient les veuves, était favorable au jinisme. Si le roi ne manqua pas de faire bâtir des temples, son esprit de tolérance le porta à maintenir son appui aux śaiva, qui, après son règne, reprirent le pouvoir. Il mourut, à la manière de son maître spirituel,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
  • : membre de l'École française d'Extrême-Orient, diplômée de l'École pratique des hautes études

Classification

Pour citer cet article

Colette CAILLAT et Marie-Simone RENOU. JINISME ou JAÏNISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AHIṂSĀ

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 465 mots

    Le mot sanskrit ahiṃsā, qui désigne, dans les religions de l'Inde, la non-violence (ou la non-nuisance) et même l'absence de toute intention de nuire, est composé du préfixe privatif a et de HIṂS, forme désidérative abrégée de la racine HAN (« frapper », « blesser », « tuer »)....

  • ASCÈSE & ASCÉTISME

    • Écrit par Michel HULIN
    • 4 668 mots
    • 1 média
    ...Parallèlement à ce riche déploiement des techniques de maîtrise du corps et de l'esprit dans l'hindouisme, les deux grands mouvements « hérétiques » que sont le jaïnisme et le bouddhisme ont développé leur propre conception de l'ascèse. L'un et l'autre se fondent sur la distinction des moines, qui prononcent des...
  • BHUBANEÇWAR

    • Écrit par Odette VIENNOT
    • 1 934 mots
    • 1 média
    Si le jaïnisme fut au Kaliṅga, dans les premiers siècles qui précédèrent et qui suivirent notre ère, la religion d'État, le bouddhisme, dont on ne retrouve plus de témoignage à Bhubaneçwar même, est cependant abondamment représenté un peu au nord. À Lalitagiri, Ratnagiri et Udayagiri, qui composaient...
  • DĪVĀLĪ ou FÊTE DES LUMIÈRES

    • Écrit par Universalis
    • 462 mots
    • 1 média

    La fête des lumières, Dīvalī (du sanskrit dīpavali, « rangée de lumières »), est l’une des plus importantes dans la religion hindoue. Les jaïna et les sikhs l’ont aussi reprise à leur propre compte. La fête dure cinq jours, du treizième jour de la quinzaine sombre du mois d’āśvina...

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Voir aussi