SIKHS

Dans une foule indienne, les Sikhs orthodoxes sont facilement reconnaissables à leur turban et à leur barbe. Toutefois, bien que la crise qui secoue le Panjāb depuis 1980 ait contribué à attirer l'attention sur eux, leur histoire et leur religion restent toujours mal connues. Les Sikhs ne forment que 2 p. 100 de la population indienne, soit environ 23 millions d'individus en 2006. 80 p. 100 d'entre eux vivent dans le Panjāb, où ils sont légèrement plus nombreux que les Hindous. Ils ont largement contribué à en faire le grenier de l'Inde et son État le plus prospère : avec près de cinquante millions de tonnes de céréales par an, le Panjāb assure plus du quart de la production indienne. Les événements récents et leur relation par les médias ont pu donner des Sikhs l'image de fanatiques. Pour l'immense majorité d'entre eux, il n'en est rien. Ils sont intégrés, souvent à un très haut niveau, dans tous les secteurs de la vie indienne : agriculture, industrie, transports, arts, éducation, armée, politique, etc. Leur religion est empreinte d'un idéal d'égalité, de tolérance et de service, et ils entendent rester fidèles à leur devise : kirt kamāo, vaṇḍ chako, nām jāpo (« accomplis ton travail, partages-en le fruit et médite sur le Nom »). Hors de l'Inde, d'importants groupes d'immigrés sikhs se rencontrent au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Kenya, en Malaisie, en Thaïlande, à Singapour et à Hong Kong.

L'histoire des Sikhs est liée à celle du Panjāb, la grande plaine de l'Indus et de ses affluents de rive gauche, aujourd'hui partagée entre l'Inde et le Pakistan. Sa richesse, sa situation stratégique entre la Khaybar Pass et Delhi, au carrefour d'importantes routes commerciales, ont valu au Panjāb une histoire tourmentée. Les Sikhs, depuis cinq siècles, en ont été partie prenante, et l'évolution de leur religion est liée aux vicissitudes de leur passé. Celui-ci constitue pour eux un vaste réservoir de références et de symboles, selon lesquels ils traduisent tous les changements politiques et sociaux au Panjāb.

L'époque des gurū

L'histoire des Sikhs les rattache aux disciples de Nānak, prédicateur mystique qui vécut dans le Panjāb de 1469 à 1539. Nānak, né dans la caste commerçante des khatrī, avait entrepris de longues pérégrinations à la suite d'une illumination mystique puis avait créé le village de Kartārpur au bord de la Rāvī. Là, il rassembla autour de lui un groupe de « disciples » (sikhs), qui formaient le Nānak Panth (la « Voie de Nānak »).

Il ne créa pas proprement une religion nouvelle ; mais il élabora l'expression la plus claire et la plus achevée de la doctrine des sant, mystiques errants de la « tradition du Dieu sans attributs » (sanskr. : nirguṇa saṃpradāya) qui prêchaient la dévotion au Dieu suprême et la méditation sur son nom, et n'avaient pour rituel que le chant d'hymnes de louanges. Leur tradition était proche de la bhakti vishnouïte, mais avait été fortement influencée par le yoga tantrique des nāth, bien implantés au Panjāb. Dans la religion de ces derniers se mêlaient enseignement shivaïte et pratiques héritées du bouddhisme tantrique. Au cœur de l'enseignement de Nānak se trouve la foi en un Dieu unique, révélé par sa création : le vrai Gurū (satigurū). Ce Dieu est tout-puissant (samarathu), infini (apāru), éternel (akālu), sans forme ni attributs (nirạnkāru, niraguṇu), inconnaissable et ineffable (agāhu, akathu), omniprésent (bharapūri). À la fois extérieur à l'homme et présent en lui, il peut lui manifester sa grâce (karamu, nadari) et le faire accéder ainsi à la vérité (saccu).

Sans cette grâce, l'homme poursuit sa quête du salut sous la direction de mauvais maîtres et en se livrant à des[...]

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Écrit par

  • E.U. : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
  • Denis MATRINGE : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du Journal asiatique

Classification

Pour citer cet article

E.U., Denis MATRINGE, « SIKHS », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

Le Lion du Pendjab

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Le souverain sikh Ranjit Singh (1780-1839) qui prit, en 1800, le titre de Maharaja. On le surnommait…

Temple d'or d'Amritsar, Inde

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Le Temple d'or d'Amritsar, au Pendjab, centre culturel et religieux des sikhs.

Indépendance de l'Inde et du Pakistan, 1947

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Le 15 août 1947, les Indes britanniques cessent d'exister. L'Indian Independance Bill, votée par le…

Autres références

  • AKBAR (1542-1605)

    • Écrit par Marie-Simone RENOU
    • 8 256 mots
    [...]avec leurs représentants et à recevoir à sa cour des jésuites portugais. Il voyait dans l'absence de sectarisme, dans la pureté de foi monothéiste des Sikhs le germe d'un lien possible entre l'hindouisme et l'islam. Il leur donna Amritsar pour capitale religieuse. À l'imitation de [...]
  • AMRITSAR

    • Écrit par François DURAND-DASTÈS
    • 2 821 mots
    • 3 médias

    Ville de l'Inde, située au Pendjab, sur les grands cônes de piémont irrigués, tout près de la frontière indo-pakistanaise. La principale originalité d'Amritsar est son rôle de capitale religieuse pour la communauté des sikhs. Le nom d'Amritsar provient d'Amrita Saras (étang[...]

  • DĪVĀLĪ ou FÊTE DES LUMIÈRES

    • Écrit par E.U.
    • 2 535 mots
    • 1 média

    La fête des lumières, Dīvalī (du sanskrit dīp a vali, « rangée de lumières »), est l’une des plus importantes dans la religion hindoue. Les jaïna et les sikhs l’ont aussi reprise à leur propre compte. La fête dure cinq jours, du treizième jour de la quinzaine sombre du mois d’[...]

  • GANDHI RAJIV (1944-1991)

    • Écrit par Christiane HURTIG
    • 6 228 mots
    • 1 média

    En soufflant prématurément la vie de Rajiv Gandhi le 21 mai 1991, la « bombe humaine » disposée par les Tigres tamouls (de Sri Lanka) à Sriperumbudur, sur le parcours de sa campagne électorale dans le Sud, marqua à nouveau du signe de la tragédie une carrière étalée sur moins de dix ans. Le dernier[...]

  • HARYANA ou HARIANA

    • Écrit par François DURAND-DASTÈS
    • 2 001 mots
    • 1 média

    Situé juste à l'ouest de Delhi, dans ce qu'on appelle le seuil indo-gangétique, le Haryana est l'un des plus petits et des plus récents États de la république de l'Inde. Il ne groupait, en effet, selon le recensement de 2001, que 21 144 564 habitants sur 44 212 kilomètres carrés et avait[...]

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Voir aussi