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JEU, genre dramatique

Le jeu de la feuillée

Le Jeu de la feuillée a été composé et représenté à Arras en 1276 ou 1277. Le titre de cette pièce fait sans doute allusion à la loge de feuillage sous laquelle la châsse de Notre-Dame était exposée le jour de la Pentecôte à Arras ; en effet, à la fin de la pièce, les acteurs quittent la scène pour aller « baiser la châsse de Notre-Dame et allumer un cierge devant elle ». On a suggéré aussi qu'il s'agissait non de « feuillée » mais de « folie » ; cette hypothèse, justifiée par l'importance du rôle du fou, par les éléments de féerie, par la liberté de la satire, privilège traditionnel des fous, est plus intéressante que vraisemblable.

La pièce est une sorte de revue, dont le prétexte est la décision de l'auteur lui-même, Adam, d'aller étudier à Paris (épisode réel de sa vie confirmé par son Congé) ; ce projet est accueilli avec scepticisme par ses amis et combattu par sa femme, Maroie, dont Adam raconte à cette occasion comment il l'a aimée et comment il s'en est lassé. L'arrivée de divers personnages est l'occasion de satires des avares, des femmes, des fous, de personnages arrageois connus des spectateurs. Un moine quêteur avec ses reliques, un fou et son père tiennent une place importante et sont les héros de la scène de traverse finale au cours de laquelle le moine, dupé par l'aubergiste, doit laisser ses reliques en gage.

Mais auparavant se place une longue scène de féerie ; comme chaque année en cette nuit, trois fées viennent visiter la ville, accordent des dons à certains de ses habitants et révèlent de dures vérités touchant certains autres. Les personnages attendent et préparent la venue des fées, mais semblent y assister en songe et n'interviennent pas en leur présence, à l'exception d'une femme, sans doute un peu sorcière. Adam traite avec poésie et humour les thèmes du folklore (Maisnie Hellequin) et les caractères traditionnels des personnages féeriques (gracieuse insouciance du petit « courrier » Croquesot, susceptibilité des fées). Cette pièce d'une extrême richesse allie avec une légèreté et un naturel séduisants le comique tiré de la vie quotidienne, le merveilleux et la satire parfois teintée d'une ombre d'émotion.

— Daniel POIRION

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel POIRION. JEU, genre dramatique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADAM DE LA HALLE (1235 env.-env. 1285)

    • Écrit par Paul ZUMTHOR
    • 1 072 mots
    Dans les mêmes circonstances, sans doute, Adam composa, pour une confrérie locale, un Jeu de la Feuillée dramatique qui pourrait être l'ancêtre des « sotties » du xve siècle. On l'a comparé à nos « revues » modernes : ce n'est là que l'un de ses aspects. Trois éléments thématiques s'y nouent...
  • COMÉDIE

    • Écrit par Robert ABIRACHED
    • 5 412 mots
    • 1 média
    ...d'intermèdes dans les miracles et les mystères, ou suscités par des confréries littéraires ou joyeuses, les premiers spectacles de cet ordre (comme le Jeu de la feuillée ou le Jeu de Robin et de Marion) apparaissent au xiiie siècle sur les tréteaux. Au xve siècle, ils sont essentiellement le fait...
  • DÉBAT, genre littéraire

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 347 mots

    Le terme générique « débat » correspond à une série de genres poétiques dialogués que les trouvères et les troubadours cultivaient depuis le début du xiie siècle : d'abord en latin, sous le nom de disputatio, puis en langue vulgaire ; il est appelé tenson ou jocpartit en...

  • GOLIARDS

    • Écrit par Daniel POIRION
    • 384 mots

    Mot d'étymologie incertaine (Goliath, l'adversaire de David ?) désignant un prétendu groupe social qui, issu des milieux cléricaux, se serait signalé, au Moyen Âge, et plus particulièrement au xiiie siècle, par son attitude subversive. Et il est exact qu'à plusieurs reprises,...

Voir aussi