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GOLIARDS

Mot d'étymologie incertaine (Goliath, l'adversaire de David ?) désignant un prétendu groupe social qui, issu des milieux cléricaux, se serait signalé, au Moyen Âge, et plus particulièrement au xiiie siècle, par son attitude subversive. Et il est exact qu'à plusieurs reprises, notamment au concile de Trèves (1227) et au concile de Rouen (1241), l'Église fulmine contre l'inconduite de « clercs ribauds, surtout ceux qu'on dit de la famille de Golias ». En fait, rien ne prouve qu'on ait eu affaire à une organisation, ni même à un groupe cohérent. Ces censures répétées, donc inopérantes, pouvaient viser des comportements éphémères, des attitudes épisodiques : les jeunes intellectuels de l'époque, clercs et « escoliers » (les deux notions sont alors inséparables), se sont livrés sans doute aux plaisanteries, aux débauches et aux provocations que connaissent toujours de tels milieux, la révolte de l'adolescence se prolongeant et s'exacerbant sous l'effet de la littérature. Dès le xiie siècle, d'éminents auteurs comme l'Archipoeta de Cologne, Hugues d'Orléans, Gautier de Châtillon ont écrit des poèmes de caractère « goliardique ». Avant de spéculer sur le milieu humain, il faut étudier cette tradition littéraire, d'une grande violence satirique, mais aussi d'une belle puissance poétique. Le personnage du débauché qui se voue aux tavernes, aux jeux et aux filles n'est nullement lié à un domaine spécifique de la littérature. Véhiculé par les chansons légères, le thème inspirera des fabliaux et des pièces dramatiques comme le Jeu de saint Nicolas. La question du mariage des prêtres, qui semble avoir apporté un aliment de circonstance à cette fièvre satirique, trouve un écho dans le Jeu de la feuillée. Il va sans dire que Villon doit beaucoup à cet héritage. Il faudrait aussi mesurer avec sérénité l'influence réelle de ces écrits goliardiques. Les audaces verbales d'une littérature vantant l'ivresse et le plaisir sexuel ont rarement menacé le sort des États. Ancêtres des « sots » des xve et xvie siècles, les Goliards opposent aux censures et aux refoulements toute l'ambiguïté du rire.

— Daniel POIRION

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel POIRION. GOLIARDS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHANSON À BOIRE

    • Écrit par Daniel POIRION
    • 572 mots

    Les manuscrits du xiiie siècle contiennent, parmi toutes les pièces lyriques qui ne relèvent pas des grands genres courtois, un certain nombre de chansons à boire. Celles-ci sont dans une large mesure la transposition en langue vulgaire des chansons goliardiques. Elles développent cependant...

  • COURTOISIE

    • Écrit par Universalis, Paul ZUMTHOR
    • 5 066 mots
    • 1 média
    ...entre hommes d'Église et moniales (la célèbre liaison d'Abélard et Héloïse doit se situer dans les années 1118-1120) ; poésie latine des vagants ou goliards, où les thèmes érotiques apparaissent dès le xie siècle, sinon même plus tôt. La troisième hypothèse, qu'ont proposée avec vigueur dès l'époque...
  • ÉROTISME

    • Écrit par Frédérique DEVAUX, René MILHAU, Jean-Jacques PAUVERT, Mario PRAZ, Jean SÉMOLUÉ
    • 19 774 mots
    • 7 médias
    ...la littérature, leur seul refuge saisissable, nos relevés s'interrompent jusqu'aux environs du xe siècle. Cette époque voit émerger en Europe, particulièrement en Allemagne et en France, une catégorie nouvelle d'intellectuels errants qui nous intéresse particulièrement : les goliards.
  • MOYEN ÂGE - La littérature latine savante

    • Écrit par Alain MICHEL
    • 3 264 mots
    Nous atteignons ici le point extrême d'un vaste panorama qui a commencé avec les mystiques. Voici les goliards et les vagants : ce sont souvent des clercs, qui ont reçu leur formation littéraire dans les mêmes écoles que les futurs hommes d'Église. Restés laïcs, ils occupent des situations plus ou moins...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi