Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

DUBUFFET JEAN (1901-1985)

Trituration de matière et pratique de l'assemblage

Dans un contexte dominé par l'existentialisme, Dubuffet conçoit l'art comme un processus créatif dont le spectateur doit pouvoir revivre l'élaboration grâce aux traces laissées par l'artiste : grattage, incisions, empreintes. Les Hautes Pâtes, constituées de peinture à l'huile, de sable, de gravier, de ficelle, de verre, font scandale lors de l'exposition Mirobolus Macadam et Cie à la galerie Drouin en 1946. Mais Dubuffet persévère et, pendant sa période américaine (1951-1952), il expérimente des enduits épais (blanc de zinc, carbonate de chaux, huile polymérisée et sable) et des vernis produisant des effets de ramages et de craquelures (Tables paysagées, Paysages du mental, Pierres philosophiques). À New York, ses travaux étaient connus depuis 1947 grâce à la galerie de Pierre Matisse, et le Museum of Modern Art lui consacrera en 1962 une rétrospective annonçant l'importance de commandes monumentales.

De retour à Paris, en 1952, Jean Dubuffet poursuit son travail de subversion de la peinture avec la série des Pâtes battues (1953) et des Peintures laquées (1954). La même année, il entre au Collège de pataphysique et réalise sa première série de sculptures en mâchefer, éponge, souche de vigne, charbon de bois ou pierre volcanique (Petites Statues de la vie précaire). Puis, pendant la période de Vence (1955-1959), les personnages deviennent soit « peu corporels », inconsistants, soit des « monolithes » compacts et massifs. Dubuffet assemble des empreintes d'objets divers, dont les reliefs comportent des motifs géométriques comme un moule à gâteau, un porte-savon ou une serpillière à grosses mailles, et des empreintes de plantes (Assemblages d'empreintes, 1953-1954, et Tableaux d'assemblage, 1955-1956). En revanche, dans la série des Éléments botaniques (1959), il utilise directement des feuilles, des fleurs, des fruits, des calices, des pétales ou des écorces. Ainsi Frise moustache (1959) présente un personnage dont le buste est en agave, le bas du visage en feuille de bardane, la bouche en feuille de volubilis sauvage, les yeux en peau d'orange et pétales de dahlias, et la moustache en fruits de viorne.

Le stade ultime de cette peinture matiériste est atteint avec les séries des Texturologies (1957-1959), constituées de gouttelettes de peinture et de sable projetées sur la toile étendue à terre, selon une technique qui évoque le dripping de Pollock, et des Matériologies (1959-1960), en papier mâché recouvert de cirage noir ou en papier d'argent chiffonné.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Marianne JAKOBI. DUBUFFET JEAN (1901-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHAISSAC-DUBUFFET (expositions et livre)

    • Écrit par Maïten BOUISSET
    • 1 018 mots

    La publication en 2013 par les éditions Gallimard de l’intégralité de la correspondance croisée entre Gaston Chaissac et Jean Dubuffet fait figure d’événement. L’exposition Entre Plume et Pinceau, co-produite par L’Adresse-Musée de la Poste, à Paris (27 mai-28 septembre 2013), et par le...

  • PROSPECTUS ET TOUS ÉCRITS SUIVANTS, Jean Dubuffet - Fiche de lecture

    • Écrit par Marianne JAKOBI
    • 1 065 mots

    En 1946, moins de deux ans après sa première exposition à la galerie René Drouin, Jean Dubuffet (1901-1985) publie Prospectus aux amateurs de tout genre dans la collection Métamorphoses des éditions Gallimard. Entrée fracassante sur la scène littéraire d'un peintre qui rejoint des écrivains pratiquant...

  • ALOÏSE ALOÏSE CORBAZ dite (1886-1964)

    • Écrit par Hervé GAUVILLE
    • 977 mots

    Aloïse Corbaz est aujourd'hui connue sous son seul prénom, pour être devenue l'une des artistes majeures de la Collection de l'art brut fondée par Jean Dubuffet. Née le 28 juin 1886 à Lausanne, Aloïse Corbaz est la fille de François Corbaz, employé des Postes suisses et agriculteur,...

  • ART (Aspects culturels) - L'objet culturel

    • Écrit par Jean-Louis FERRIER
    • 6 295 mots
    • 6 médias
    ...sans réponse aussi longtemps qu'elle n'a pas été portée sur son véritable terrain, celui du caractère essentiellement temporel de la création artistique. Chez Dubuffet, notamment, si les taches involontaires, les hasards, les formes fausses, les couleurs mal venues sont recherchés et exploités par le peintre,...
  • ART BRUT

    • Écrit par Hubert DAMISCH, Hervé GAUVILLE
    • 2 837 mots
    • 1 média
    Dans l'acception que lui donne le peintre Jean Dubuffet, le concept d'« art brut » s'applique à « des productions de toute espèce – dessins, peintures, broderies, figures modelées ou sculptées – présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l'art coutumier...
  • ARTS DÉCORATIFS MUSÉE DES, Paris

    • Écrit par Universalis, Barthélémy JOBERT
    • 805 mots

    Le musée des Arts décoratifs s’est donné dès l’origine pour projet d’« entretenir en France la culture des arts qui poursuivent la réalisation du beau dans l’utile ». Il conserve l'une des plus importantes collections d'arts décoratifs au monde. Ses diverses collections – auxquelles sont venues s’ajouter...

  • Afficher les 13 références

Voir aussi