Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VILLON JACQUES (1875-1963)

Le cubisme et la Section d'Or : 1910-1914

Le petit groupe du Bateau-Lavoir, défendu par Kahnweiller, n'emportait pas les suffrages de tous les jeunes peintres parisiens qui y voyaient un goût étranger dont le statisme et les couleurs ternes leur semblaient compromettre les riches possibilités géométriques du cubisme. C'est dans cette réaction que naquit, baptisée par Jacques Villon, la Section d'or qui groupait, autour des frères Duchamp lors des « dimanches » de Puteaux, la pléiade d'artistes qui souhaitaient donner des assises théoriques au cubisme pour mieux l'exploiter : Albert Gleizes, Jean Metzinger, Roger de La Fresnaye, Fernand Léger, Robert Delaunay, Francis Picabia, avec des critiques, tels Guillaume Apollinaire et Walter Pach. Leur première exposition eut lieu en 1912 à la galerie La Boétie. Un nouveau cubisme naissait, cinq ans environ après les Demoiselles d'Avignon, moins spontané que l'autre, presque cartésien, préoccupé des proportions issues du fameux « nombre d'or » et des théories de Léonard de Vinci sur la vision, appliquées tant aux compositions qu'aux couleurs. Le but avoué était de faire éclater le cubisme en une explosion colorée et dynamique. Après le Portrait de Raymond (1911), c'est un dessin représentant des Soldats en marche qui marque l'« entrée en cubisme » de Villon. En même temps, Raymond Duchamp sculptait son Torse d'athlète aux volumes stylisés et rythmés. Mais l'œuvre majeure de l'hiver 1911-1912 devait être le Nu descendant un escalier que le plus jeune des frères Duchamp, Marcel, peignit après plusieurs études de composition « simultanées » sur le thème significatif des Joueurs d'échecs. Le Nu de Marcel Duchamp surclassait d'emblée non seulement le cubisme mais le futurisme, dont le manifeste avait été publié en France dès 1909 (la première exposition parisienne n'eut lieu toutefois qu'en 1912 chez Bernheim). Raymond mourut en 1918 d'une typhoïde après avoir produit plusieurs œuvres remarquables (Les Amants, 1913 ; Le Cheval majeur, 1914), et Marcel, après avoir défrayé la chronique de l'Armory Show de 1913, émigra aux États-Unis en 1915, abandonnant la peinture pour une création qu'on dirait aujourd'hui plus « conceptuelle ». C'est de technique formelle et « rétinienne », au contraire, que Villon, avec science et conscience, continua de nourrir son œuvre de peintre-graveur, en marge des mouvements de l'entre-deux-guerres, de plus en plus maître des lignes rythmées qu'il superpose aux plans de couleurs savamment élaborés. En gravure, il mit au point tout un système de tailles en réseaux serrés capables de nuancer les valeurs des volumes qu'il décompose et articule en multiples facettes. Il trouve dans la pointe-sèche un procédé dont la douceur du trait équilibre la rigueur des compositions. Grâce au marchand Louis Carré, qui, à partir de 1944, assura une diffusion internationale à son œuvre, il finit sa vie dans la gloire de nombreuses expositions rétrospectives et de commandes officielles (panneaux de l'école technique de Cachan, vitraux de la cathédrale de Metz), et mourut célèbre dans le même atelier de Puteaux qui avait connu ses débuts.

— Michel MELOT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur de la bibliothèque publique d'information, Centre Georges-Pompidou

Classification

Pour citer cet article

Michel MELOT. VILLON JACQUES (1875-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • POINTE-SÈCHE

    • Écrit par Michel MELOT
    • 609 mots

    Outil dont se servent les artistes pour graver une plaque de métal ; par extension, le terme désigne le procédé qui découle de l'utilisation de la pointe ou même l'épreuve imprimée qui en résulte. Les premiers graveurs en taille douce utilisaient un burin, qui demeura l'instrument de prédilection...

  • VITRAIL

    • Écrit par Catherine BRISAC, Louis GRODECKI
    • 5 914 mots
    • 6 médias
    ...Seconde Guerre mondiale, le service des Monuments historiques comprit l'avantage qu'il pouvait attendre de ces entreprises en commandant des œuvres à Jacques Villon (1957), puis à Chagall (1959) pour la cathédrale de Metz ; à Vieira da Silva pour Saint-Jacques de Reims (1973) ; au peintre américain...

Voir aussi