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LÉGER FERNAND (1881-1955)

La place de Fernand Léger dans son siècle s'est définie avec plus de lenteur que pour certains de ses grands contemporains. Lenteur sans doute à l'image du personnage et de sa légendaire silhouette de paysan normand, à l'image aussi de l'artiste au cheminement régulier et obstiné, qui construit son œuvre avec la certitude de l'objectif visé et la confiance en ses capacités à l'atteindre. Rien n'est moins laborieux, cependant, que cette façon de faire ; il y a même une certaine forme de brio chez Léger, qui a développé à chaque période un art magnifique de la variation et de la modification à partir des grands thèmes dont quelques œuvres monumentales font la synthèse, offrant aujourd'hui d'indispensables clés de lecture de l'art du xxe siècle. Fernand Léger a sans tarder déclaré l'ambition qui allait diriger l'ensemble de sa carrière d'artiste : créer l'art de son époque, créer en accord avec ce qu'elle peut offrir de plus neuf et de plus moderne. Il ne s'agissait pourtant ni d'apologie ni d'assentiment pur et simple, puisqu'il a également su dire l'irrémédiable violence du monde moderne, éprouvée dans les tranchées de la Grande Guerre, puis constatée dans l'âpreté des luttes économiques. En outre, Léger a développé très tôt la conscience d'être un classique, d'être le peintre d'un art fait pour durer, recherchant des points d'ancrage dans la plus grande tradition de la peinture. Son art présente alors ce point d'équilibre entre le nouveau visage de l'époque – la « mode », qui est, depuis Baudelaire, la moitié de l'art – et les lois éternelles et sublimes du beau, qui en constituent l'autre moitié et qui permettent à l'artiste de franchir son temps et de s'inscrire dans la durée. Enfin, les textes sur l'art et la correspondance privée de Fernand Léger – celle-ci progressivement révélée depuis la fin des années 1980, ceux-là connus depuis plus longtemps – montrent un observateur pointu, un analyste attentif à un très grand éventail de faits et d'événements, exprimant sa pensée, à la fois déliée et toujours en prise sur la réalité contemporaine, avec d'indéniables qualités littéraires et un sens frappant de la formule. Dans tous les domaines, l'activité de Léger constitue l'un des plus prodigieux coups de sonde dans le xxe siècle.

La bataille du cubisme

Fernand Léger est né le 4 février 1881 à Argentan, d'un éleveur de bœufs, décédé trois ans plus tard, et a grandi auprès d'une mère pieuse et effacée. Il s'est formé pendant deux années dans un bureau d'architecture à Caen, avant de gagner Paris en 1900, où il fréquenta comme élève libre les ateliers de deux peintres officiels, Jean Léon Gérome et Gabriel Ferrier. En même temps qu'il peint, il assure le quotidien en dessinant pour un architecte et en accomplissant des travaux de retouche photographique. Il fait entre 1907 et 1908 plusieurs séjours en Corse, pour raison de santé, d'où il rapporte des paysages lumineux et hauts en pâte qu'il expose au Salon d'automne. Jusque-là, sa peinture se situe dans le prolongement d'un impressionnisme sans audace ; mais « l'époque des impressionnistes avait été naturellement mélodieuse, alors que la mienne ne l'était plus », dira-t-il pour expliquer la violente réaction qui suit immédiatement cette prise de conscience : il détruit la plus grande partie de son œuvre de jeunesse en justifiant déjà sa première percée significative dans le monde des formes par la recherche de la plus grande proximité possible avec l'esprit de son temps.

Comme beaucoup d'artistes de sa génération, il connaît alors les effets de la redécouverte de Cézanne, complétés par l'exemple des tableaux[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université de Grenoble-II-Pierre-Mendès-France

Classification

Pour citer cet article

Arnauld PIERRE. LÉGER FERNAND (1881-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FERNAND LÉGER (exposition)

    • Écrit par Hervé VANEL
    • 1 229 mots

    Une « belle machine » comme le Centre Georges-Pompidou était sans doute le cadre idéal d'une exposition consacrée au peintre Fernand Léger (1881-1955). C'est, du moins, ce qu'il ressortait de la rétrospective de son œuvre qui s'y est tenue du 19 mai au 29 septembre 1997, dont la scénographie...

  • ART (Aspects culturels) - L'objet culturel

    • Écrit par Jean-Louis FERRIER
    • 6 295 mots
    • 6 médias
    ...casse-cou, mi-bricoleurs, mi-illuminés, qui effectuent de grands bonds dans leurs « drôles de machines », au risque de se tuer. De manière analogue, si Léger est le peintre de la civilisation technicienne, il s'en faut de beaucoup qu'il ait travaillé dans un univers d'acier et de béton. La France où il...
  • BAUQUIER GEORGES (1910-1997)

    • Écrit par Hélène LASSALLE
    • 660 mots

    Le nom de Georges Bauquier est associé à l'œuvre de Fernand Léger. Mais il ne faut méconnaître ni sa carrière de peintre ni son engagement politique. Né en 1910 à Aigues-Mortes, il entre dans l'atelier de Léger en 1936 et il en devient le massier (le trésorier), sensible, comme Léger et certains...

  • CUBISME

    • Écrit par Georges T. NOSZLOPY, Paul-Louis RINUY
    • 8 450 mots
    ...l'atelier de Picasso, au Bateau-Lavoir, jouèrent un grand rôle dans la diffusion des découvertes cubistes. En 1910, Metzinger, Robert Delaunay, Gleizes, Léger et Le Fauconnier fondèrent le premier groupe d'artistes cubistes ; en étroit rapport avec l'avant-garde littéraire, ils se réunissaient tous les...
  • ORPHISME, mouvement artistique

    • Écrit par Marc LE BOT
    • 696 mots
    • 1 média

    Le terme d'orphisme a été proposé par Guillaume Apollinaire, lors de la publication de ses Méditations esthétiques en 1912, pour caractériser certains aspects de la peinture d'avant-garde. À cette date, cinq ans après Les Demoiselles d'Avignon, le cubisme apparaît à Apollinaire...

  • Afficher les 8 références

Voir aussi