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ARMORY SHOW, exposition d'art

C'est à l'ancienne salle d'armes du 69e régiment d'infanterie des États-Unis, à New York, que la plus célèbre exposition de peinture du xxe siècle a dû son nom. Quand elle s'ouvre, le 17 février 1913, nul n'ignore le but de ses inspirateurs, Alfred Stieglitz et ses amis de la Secession Camera. Il s'agit de ruiner le mélange de provincialisme et de prétention qui caractérise alors la peinture américaine, en montrant tout ce que l'art européen a produit de plus audacieux. Les organisateurs, sous l'impulsion du critique Arthur Davies, obtiennent des prêts exceptionnels de la plupart des musées d'Europe. Le catalogue est somptueux : 1 112 titres, dont une bonne centaine de dessins et de sculptures. Une « mise en place » historique (Ingres, Delacroix, Courbet, Manet...) conduit à la découverte de la « trinité » fondatrice : Cézanne, Van Gogh, Gauguin. Postimpressionnistes, fauves et nabis sont largement représentés (Odilon Redon, Seurat, Matisse, Kandinsky), précédant les cubistes (dont curieusement les toiles de Picasso sont séparées) et les derniers venus, Picabia, dont sont exposées deux toiles « orphiques » (Danse à la source et surtout Procession à Séville), et Marcel Duchamp. Le scandale est énorme : au bout de quelques jours, 300 000 visiteurs, pour la plupart exaspérés, qui menacent de détruire le Nu descendant un escalier de Duchamp, qu'un critique rebaptise « Explosion dans une fabrique de tuiles », et qu'un caricaturiste redessine sous le titre : « L'Homme obscène à l'heure de la ruée dans le métro. » Dans un article, l'ex-président des États-Unis, le bouillant Theodore Roosevelt, « exécute » l'Armory Show au nom de « l'art ». Au bout d'un mois, l'exposition se transporta à Philadelphie, puis à Boston (où elle fut accueillie avec indifférence). La fièvre tombée, on put constater que d'avisés collectionneurs avaient acheté près de 250 peintures, dont plusieurs formeront, trente ou quarante ans après, les noyaux des musées d'art contemporain américains. Devant le succès, Walter Pach, un ami de Duchamp, invitera celui-ci à s'installer à New York alors que la guerre vient d'éclater. De cet événement date non seulement la célébrité de Duchamp (et, à certains égards, celle de Picabia), mais un « choc en retour » sur l'Europe, qui a marqué tout le cours de l'art (et du commerce de l'art) à notre époque.

— Gérard LEGRAND

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Pour citer cet article

Gérard LEGRAND. ARMORY SHOW, exposition d'art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART (Aspects culturels) - Le marché de l'art

    • Écrit par Raymonde MOULIN, Alain QUEMIN
    • 6 249 mots
    • 2 médias
    ...reconnaissance de l'art contemporain en France. Durant les années 1980, d'autres foires importantes ont vu le jour à Chicago, Madrid, Bruxelles et Londres. À la fin des années 1990, une foire comme l'Armory Show de New York a attiré l'attention des amateurs et la foire de Miami s'est annoncée comme...
  • COLLECTIONNISME

    • Écrit par Olivier BONFAIT
    • 11 945 mots
    • 23 médias
    ...auprès de marchands ou par commande directe (Bouguereau, J. Breton), ils se tournent vers les maîtres anciens (I. Stewart Gardner, H. Frick, A. Mellon). Le choc causé par l'exposition de l'Armory Show à New York (1913) suscite la passion de certains collectionneurs pour l'art vivant : W. Arensberg,...
  • DAVIS STUART (1894-1964)

    • Écrit par Universalis
    • 464 mots

    Peintre américain né le 7 décembre 1894 à Philadelphie (Pennsylvanie), mort le 24 juin 1964 à New York.

    Stuart Davis grandit dans un milieu artistique. Son père, artiste graphique et directeur artistique d'un journal de Philadelphie, travaille avec William Glackens, George Luks, John Sloan et...

  • DUCHAMP MARCEL (1887-1968)

    • Écrit par Alain JOUFFROY
    • 3 873 mots
    • 1 média
    Son Nu descendant un escalier ayant suscité un scandale à l'Armory Show de New York en 1913, où quatre de ses toiles sont exposées en même temps que quelques tableaux de Picabia, et cette exposition ayant voyagé ensuite à Chicago et à Boston, ce tableau devient le symbole de la révolution de l'art...

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