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INSTINCT

Le mécanisme de déclenchement

Il s'agissait donc de dégager les caractères propres de l'action instinctive, en montrant les relations entre les aspects appétitifs et les aspects consommatoires des comportements. Cette mise au point fut effectuée dans une étude importante de Lorenz (1935). Consacrée au problème du « compagnon » dans la vie des oiseaux, elle établissait que les relations sociales entre les membres d'une espèce sont gouvernées par la perception de stimuli spécifiques émis par les congénères et susceptibles d'être perçus sélectivement. En d'autres termes, les stimuli-signes émis par un individu sont des déclencheurs sociaux facilement compris par les représentants de la même espèce, ce qui suppose que ces derniers sont spécialement équipés pour les percevoir. Aux stimuli déclenchants correspondent des mécanismes de réception ; leur convenance réciproque résulte de l'évolution phylétique du groupe considéré et repose, pour cette raison, sur une base génétique invariable. Le déclencheur présenté par l'animal émetteur vient donc activer chez l'animal récepteur ce que Lorenz a appelé, en utilisant le vocabulaire de von Uexküll, un « mécanisme inné de déclenchement » (angeborene auslösende Schema). Depuis la publication de The Study of Instinct, l'expression anglaise innate releasing mechanism s'est rapidement imposée et son abréviation, I.R.M. (en français M.I.D.), est passée dans le vocabulaire courant de l'éthologie. Le mérite de la contribution de Lorenz fut de préciser la notion de tendance, de substituer à la conception vague d'impulsion interne celle d'une structure organisée capable de produire une action manifeste bien définie, de faire intervenir une configuration perceptive caractérisée, elle aussi, par une organisation propre. La structure génétique du comportement (Erbkoordination) se manifeste donc sous l'influence des Gestalten particulières qui peuplent normalement l'environnement naturel de l'espèce.

Tout en soulignant le caractère configurationnel des déclencheurs, Lorenz a clairement marqué son indépendance à l'égard de la psychologie de la Forme, à laquelle il a notamment reproché ses réminiscences vitalistes ainsi que son incapacité de proposer des principes explicatifs. Toutefois, la Gestaltpsychologie, et l'éthologie comparative ont toujours, l'une et l'autre, défendu une conception de la conduite, particulièrement de l'activité perceptive, dans laquelle l'accent était mis sur le rôle des capacités innées de l'organisme. Si les lois de l'organisation perceptive sont fort semblables chez l'animal et chez l'homme, la perception d'une forme, chez ce dernier, peut avoir des conséquences exécutoires extrêmement variables, alors qu'elle n'entraîne jamais, chez l'animal, qu'un seul type de réponse (dans la mesure où on limite l'analyse aux réactions innées, car l'apprentissage discriminatif peut établir des réactions très diverses selon les formes zoologiques). Cependant, lorsqu'on présente à des sujets humains des configurations suffisamment prégnantes, sans qu'aucun apprentissage systématique soit préalablement intervenu, on obtient, dans la plupart des cas, des réponses verbales dont le contenu est très uniforme. A. Michotte l'a fort bien montré par ses travaux sur la causalité perceptive (1946), et il a même vu, dans cette constance caractéristique des réponses à l'égard d'un système de stimulation invariable, le fondement méthodologique de l'étude expérimentale des structures perceptives. Il serait hasardeux de pousser plus loin la comparaison, car un abîme sépare une réponse verbale d'une réponse instinctive. Les stimuli déclencheurs diffèrent d'ailleurs des Gestalten[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

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Organisation du comportement selon Tinbergen - crédits : Encyclopædia Universalis France

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