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INVASIONS GRANDES

La troisième vague (VIe-VIIe siècle)

La mise en place des peuples de la deuxième vague n'avait été, en quelque sorte, qu'une liquidation et une régularisation des séquelles des invasions brutales de la première. Aucune nouvelle impulsion n'était venue des foyers traditionnels de l'expansion barbare : la Scandinavie ou la steppe eurasiatique. Vers le milieu du vie siècle celle-ci recommença à s'agiter. Comme, à l'autre bout de l'Europe, la reconquête de Justinien avait créé un vide en Italie, un nouveau mouvement d'ensemble se trouva amorcé. Mais il se déclencha dans un ordre inverse de celui du ve siècle : ce fut d'abord l'irruption des Lombards en Italie ; puis, sur leurs traces, celle des Avars dans le bassin du moyen Danube ; et enfin, tout à fait à l'arrière-plan, l'entrée en Europe des Bulgares et des Khazares. L'ultime conséquence de ces invasions sera l'irruption des Slaves dans la péninsule des Balkans, mais celle-ci sera étudiée ailleurs, avec l'ensemble des migrations slaves.

Les Lombards

Peut-être originaires de Scandinavie, les Lombards sont mentionnés pour la première fois au début de notre ère sur le cours inférieur de l'Elbe. Puis, au iie siècle, ils se déplacent vers le sud : on les rencontre en 167 sur le Danube moyen ; après quoi il n'en est plus question pendant près de trois siècles. C'est seulement en 489 qu'ils se décident à entrer dans un ancien territoire romain, d'ailleurs évacué depuis longtemps, que les textes nomment Rugiland, du nom d'un occupant germanique antérieur, le peuple des Ruges (sans doute vers la Basse-Autriche). Ils y font une nouvelle station assez prolongée. Leur élan n'avait rien de précipité. Au début du vie siècle, ils sont encore tout près de là, en Pannonie (Hongrie actuelle), où ils deviennent des cavaliers semi-nomades et commencent à compter sur le plan politique, jouant un jeu complexe entre les Francs, les Ostrogots et l'Empire d'Orient, au service duquel s'engagent de nombreux chefs. C'est alors qu'ils adoptent l'arianisme. Un foedus avec Justinien est conclu peu après 540 ; en conséquence, les Lombards coopèrent à l'anéantissement des Ostrogots en Italie. Mais, du coup, ils découvrent la richesse et la faiblesse de ce pays.

Italie, VI<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Italie, VIe siècle

Le roi Alboin (vers 560-572) sut exploiter cette découverte. Inquiété sur ses arrières par la progression d'un nouveau peuple de la steppe, les Avars, il joua le tout pour le tout : en 568, il céda la Pannonie aux Avars, avec droit d'y revenir en cas d'échec, et lança son peuple, augmenté de nombreux aventuriers issus de toutes les tribus qui depuis un siècle avaient hanté ces régions, à la conquête de l'Italie. Une avant-garde militaire couvrit la migration civile. En mai 568, les défenses romaines du Frioul furent enfoncées et les Lombards se répandirent à travers la Vénétie. Les habitants de celle-ci se réfugièrent au milieu des lagunes côtières : c'est l'origine lointaine de la ville de Venise. En 569, Alboin occupait la plaine du Pô et Milan ; il se considéra désormais comme le maître de l'Italie.

En fait, la conquête était loin d'être achevée. Un grand nombre de places fortes et presque tous les ports restaient aux mains de l'Empire d'Orient. Il fallut des générations pour les réduire : les Lombards n'entrèrent qu'en 640 environ à Gênes, en 752 à Ravenne, et Rome leur échappa toujours, ainsi que les îles et l'extrême Sud. Ils ne purent donc s'établir qu'à l'intérieur : c'est le début du morcellement politique de l'Italie qui a duré jusqu'au xixe siècle ; et leur domination fut toujours inquiète, menacée par les Byzantins que servait leur maîtrise totale de la mer.

Pour l'Italie du Nord, la conquête[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Caen

Classification

Pour citer cet article

Lucien MUSSET. INVASIONS GRANDES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Grandes Invasions, IV<sup>e</sup>-V<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grandes Invasions, IVe-Ve siècle

300 à 400. Christianisme - crédits : Encyclopædia Universalis France

300 à 400. Christianisme

400 à 500. Royaumes barbares - crédits : Encyclopædia Universalis France

400 à 500. Royaumes barbares

Autres références

  • DÉBUT DES GRANDES MIGRATIONS

    • Écrit par Patrick PÉRIN
    • 201 mots

    Dès le iiie siècle avant notre ère, il y eut de multiples mouvements de peuples germaniques à partir de l'Europe du Nord, mais qui ne menacèrent pas directement le monde romain, sinon par des raids sans lendemain, notamment au milieu du iiie siècle de notre ère. L'année 375 marque...

  • EMPIRE ROMAIN ET BARBARES AU IVe SIÈCLE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Xavier LAPRAY
    • 259 mots

    325 Réforme de l'armée par Constantin qui institue une armée de manœuvre et une armée de frontière.

    351 Bataille de Mursa, la plus sanglante du ive siècle, durant la guerre civile entre l'empereur Constance II et l'usurpateur Magnence.

    357 Victoire de l'armée romaine sur les...

  • AFGHANISTAN

    • Écrit par Daniel BALLAND, Gilles DORRONSORO, Universalis, Mir Mohammad Sediq FARHANG, Pierre GENTELLE, Sayed Qassem RESHTIA, Olivier ROY, Francine TISSOT
    • 37 316 mots
    • 19 médias
    ...civilisé, décrit par les historiens classiques. Ces tribus ont joué un rôle souvent déterminant dans la destinée des grandes puissances de l'Antiquité, en Europe aussi bien qu'en Asie, et en Extrême-Orient. Car, habitant des régions peu fertiles, ils se mettaient de temps en temps en mouvement, poussés par...
  • ANDRINOPLE BATAILLE D' (378)

    • Écrit par Xavier LAPRAY
    • 239 mots

    La bataille d'Andrinople (Edirne, Turquie actuelle) constitue pour les Romains le plus grave désastre militaire du ive siècle. Les Goths, chassés du nord du Danube par les Huns, demandent en 376 asile à l'Empire. Mal accueillis en Thrace par les commandants régionaux, ils finissent par...

  • ANGLO-SAXON ART

    • Écrit par Patrick PÉRIN
    • 5 131 mots
    • 4 médias
    Dès le iiie siècle, alors que la romanisation progressait, les Britanno-Romains durent faire face à diverses menaces extérieures. Au nord, les Pictes multiplièrent les raids contre le « mur d'Hadrien », à l'arrière duquel ils suscitèrent des troubles. À l'ouest, le littoral subit les incursions des...
  • ANTIQUITÉ - L'Antiquité tardive

    • Écrit par Noël DUVAL
    • 4 261 mots
    • 3 médias
    Les invasions barbares ont apporté à leur tour quelques modifications au paysage antique : si le roi ostrogoth a pris la suite des empereurs à Ravenne, et le roi vandale, celle du proconsul de Carthage, d'autres souverains ont créé de nouvelles capitales : Toulouse, et surtout Tolède pour...
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Voir aussi