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GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) Du Moyen Âge à la période contemporaine

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La Renaissance : élargissement des horizons, maintien des traditions, stagnation de la réflexion théorique

À la Renaissance, volonté humaniste de restaurer les belles-lettres et volonté bourgeoise de préparer les rédacteurs pour les administrations royale ou pontificale, raniment la tradition italienne d'une grammaire à but pratique (ars dictandi), appuyée sur la rhétorique et fondée sur l'usage des classiques latins. Idéal que symbolisent les Elegantiae (1444) de Laurent Valla et qui tue le latin vivant des universitaires, théologiens et logiciens. Celui des humanistes, résurrection artificielle d'une langue morte, demande un long apprentissage, objet des débats pédagogiques à venir. Il s'enseigne d'abord sans souci de théorie (grammaires de Guarino Veronese, 1418, de Perotti, 1461) ; on met ensuite l'accent sur la syntaxe, mais, finalement, on attaque les grammaires médiévales et, avec Érasme, les modes de signifier (Percival) : victoire de la « littérature » sur la dialectique (Durkheim). On n'étudie plus le signifié grammatical, au mieux on fonde sur le signifiant (sous l'influence de Varron [ ?], Ramus oppose mots avec/sans nombre = nom, verbe/mot indéclinable) des classifications dichotomiques et préstructuralistes (Chevalier).

Éveil des nations, développement des littératures et des traductions en vulgaire, désir de prouver que sa langue a, comme la latine, des règles, font naître les grammaires des vernaculaires ; celles du Moyen Âge : Donatz provençal, ou, vers 1400, Donat françois, lié à l'enseignement du français en Angleterre, s'expliquaient par le statut international ou officiel de ces langues, et l'excellente description de la phonologie de l'islandais au xiie siècle (First Grammatical Treatise, Haugen éd., Longman, Londres, 1972), par les nécessités de la graphie. Pierre Hélie avait seulement conçu la possibilité d'une grammaire universelle du français (Fredborg). L'italien de Dante, Pétrarque, Boccace mérite les premières grammaires humanistes d'une langue moderne (Alberti, Regole della lingua fiorentina, vers 1450 : Percival). Allemand et anglais attendent la leur jusqu'en 1573 (Laurentius Albertus, Albert Ölinger) et 1586 (Bullokar), mais la grammaire espagnole de Nebrija (1492), les françaises de Palsgrave (1530) en anglais et de Meigret (1550) en graphie phonétique témoignent déjà d'un haut niveau dû en grande partie aux grammaires latines (ou, pour Palsgrave, à celle, grecque, de Gaza, 1495 : Percival) auxquelles elles empruntent leur cadre théorique. Dubois s'inspire même (Isagôgê, 1531) de leur contenu, rapprochant le plus possible les formes françaises de leurs étymons latins, influençant même Rabelais (Huchon). Meigret et Ramus refusent le tour c'est moi, c'est lui, inacceptable pour la syntaxe latine (Chevalier). Les débats théoriques portent naturellement sur le latin grammaticalisé depuis des siècles, alors que le français pose encore des problèmes de description (pour l'article, par exemple, cf. Chevalier, passim).

Face aux grammaires d'usage, J. C. Scaliger maintient non plus sur quelques exemples inventés, mais sur les textes classiques, les grands principes modistes : pour cet aristotélicien, le langage, invention d'une humanité primitive, trahit sa pauvreté devant la richesse de la Création, mais aussi sa rationalité imparfaite, quoique perfectible, qui, bien perçue, en facilite l'apprentissage. Encore faut-il distinguer, avec les modistes, le signifié grammatical du lexical : nom et verbe, par exemple, s'opposent, comme dans l'univers permanence et changement, mais en termes non de signification, mais de consignification : blancheur, année signifient un accident, une durée, mais sous le mode du permanent (De causis linguae latinae, 1540). Par lui (et Thomas d'Erfurt),[...]

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Pour citer cet article

Jean-Claude CHEVALIER, Encyclopædia Universalis et Jean STÉFANINI. GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) - Du Moyen Âge à la période contemporaine [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Langue

    • Écrit par
    • 9 385 mots
    • 3 médias
    ...c'est-à-dire qu'il en fût tiré un corps de règles, une claire description d'un usage devenu coercitif. La tradition impute l'initiative de la constitution d'une grammaire au calife ‘Alī, qui l'aurait ordonnée pour défendre précisément la pureté linguistique du texte sacré contre les risques de corruption que lui...
  • ARISTOPHANE DE BYZANCE (257 av. J.-C.?-? 180 av. J.-C.)

    • Écrit par
    • 192 mots

    Directeur de la bibliothèque d'Alexandrie vers ~ 195, Aristophane de Byzance publia une version d'Homère, la Théogonie d'Hésiode, Alcée, Pindare, Euripide, Aristophane et peut-être Anacréon. Un grand nombre des « arguments » qui figurent au début des manuscrits de comédies et...

  • BEAUZÉE NICOLAS (1717-1789)

    • Écrit par
    • 278 mots

    Né à Verdun, Beauzée s'attache d'abord aux sciences et aux mathématiques avant de s'intéresser à la grammaire. Lorsque Dumarsais meurt en 1756, Beauzée lui succède à la rédaction des articles de grammaire de l'Encyclopédie. Il publie en 1767 sa Grammaire générale ou...

  • CORAN (AL-QURĀN)

    • Écrit par et
    • 13 315 mots
    • 1 média
    ...qui faisait de la langue arabe en général, et du texte coranique en particulier, l'insurpassable expression de la transcendance elle-même. Commentaires grammaticaux et recherches philologiques n'ont donc pas été, dans l'Islam des origines et jusque dans le monde islamique contemporain, des disciplines...
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