BACHELARD GASTON (1884-1962)
- Article mis en ligne le
- Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
Réception et postérité
Quant à l'impact de son œuvre, il est immense et difficile à évaluer. L'épistémologie bachelardienne a d’abord donné naissance à un style spécifiquement français de travaux sur l'histoire des sciences, qui sont marqués par les noms de Georges Canguilhem, Alexandre Koyré, Louis Althusser, Michel Foucault ou François Dagognet. Bachelard sert souvent de référence majeure pour définir un certain type d’épistémologie française, héritière sans doute d’un rationalisme spéculatif du concept, parfois teinté d’un idéalisme plutôt germanique (Hegel), même s’il a fait une large place à la matériologie et à la technologie expérimentale. Cette épistémologie se voit concurrencée aujourd’hui par les travaux issus du cercle de Vienne, de la philosophie analytique anglo-saxonne, mais aussi par des approches plus sociologiques et relativistes qui mettent l’accent sur la construction économique et politique des sciences. Il reste que Bachelard demeure essentiel pour orienter et légitimer une pédagogie de l’esprit scientifique, qui se trouve toujours confrontée aux relations complexes entre l’esprit concret et l’esprit abstrait, entre le formalisme et le pragmatisme.
Quant au Bachelard poéticien, il a servi de miroir agrandissant aux artistes de nombreux arts (des arts plastiques à l’architecture et à la danse) qui ont reconnu dans ses analyses des vérités intimes sur leur propre imagination créatrice. Il a laissé son empreinte sur des critiques littéraires et d’arts plastiques, français et étrangers. Par ailleurs il sert de référence autant à des approches quasi formalistes et structuralistes, mises en œuvre au début, qu'à une tradition psycho-critique (de Jean-Pierre Richard à Michel Collot), pour laquelle les œuvres langagières -poétiques plus que narratives- doivent leur profondeur à des structures symboliques immanentes, ouvrant, dans la création comme la réception, à une expérience existentielle, à une intériorisation qui ravive les images les plus anciennes et archétypiques.
Enfin, il ne faut pas négliger que le bachelardisme resurgit au début du xxie siècle, dans bien des approches phénoménologiques, non quantitatives, de l’espace, chez des géographes ou des architectes, sensibles à son approche vécue et symbolique des formes et matières ; de même il rejoint souvent, aux côtés de Heidegger et d’Aldo Leopold, les tenants d’une critique écologique du monde de la domination et de l’exploitation technique et scientifique au profit d’un respect de la nature, inséparable de son imaginaire. La poétique matérielle est un inducteur d'intensification ontologique pour le sujet. Elle participe à l'« esprit des lieux », à cette subjectivation de l'espace qui en fait en même temps une dilatation, une matérialisation du Moi. Par là, elle devient une partenaire d’un réenchantement du monde.
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Écrit par
- Jean-Jacques WUNENBURGER : professeur émérite de philosophie à l'université Jean-Moulin, Lyon
Classification
Pour citer cet article
Jean-Jacques WUNENBURGER. BACHELARD GASTON (1884-1962) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )
Article mis en ligne le
Média
Gaston Bachelard
Éditions Corti, 1984
Autres références
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LA POÉTIQUE DE LA RÊVERIE, Gaston Bachelard - Fiche de lecture
- Écrit par François TRÉMOLIÈRES
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L'œuvre de Gaston Bachelard (1884-1962) apparaît double, et bien des commentateurs ont interrogé cette duplicité. Philosophe et historien des sciences, il mène au nom du « concept » une guerre sans merci à « l'imagination » et n'a de cesse de marquer (par exemple dans La...
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