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ESPACE-TEMPS

Espace et temps absolus

Dans l'Antiquité, la notion d'espace absolu est liée à la conception hiérarchique d'un Cosmos. La plupart des cosmologies des Anciens supposent l'existence d'un Univers tridimensionnel fini, avec la Terre pour centre. L'espace est alors formé par un ensemble de sphères homocentriques correspondant à chacun des astres errants ; il est fermé par la sphère des fixes. Le mouvement circulaire des astres est naturel et n'a point à être expliqué. Tous les mouvements apparents peuvent être décrits en multipliant le nombre des rouages circulaires constitués par les épicycles et par les déférents. Dans ce cosmos de Ptolémée on associe implicitement un temps absolu à l'espace fini, c'est-à-dire un temps identique en tous les points du cosmos.

L'écroulement du Cosmos antique sous influence des idées coperniciennes (De revolutionibus orbium coelestium, 1543) marque une régression de la notion d'espace absolu, plus dans l'esprit que dans la lettre : le centre du monde devient le Soleil et le géocentrisme perd de l'importance. Néanmoins, l'Univers reste fini (sauf pour Giordano Bruno) ; mais on devine que ce premier pas permettra d'arracher à l'observateur terrestre ses prérogatives.

Effectivement, la révolution copernicienne conduit à la relativité de Galilée : pour celui-ci, les lois physiques régissant un phénomène ne sont pas troublées par le mouvement du système considéré. Les lois du mouvement d'un mobile donné sont les mêmes pour tous les observateurs, qu'ils soient ou non eux-mêmes en mouvement. Ces observateurs ne sont plus privilégiés : ils deviennent équivalents.

Néanmoins, on peut penser à cette époque que toute équivalence des observateurs requiert encore la notion d'espace absolu pour en garantir la validité et en préciser l'extension.

En effet, des observateurs équivalents sont des observateurs libres, pour lesquels le principe d'inertie et la loi fondamentale de la dynamique sont rigoureusement valables. Or, s'il est aisé de définir les uns par rapport aux autres des mouvements libres (un mouvement relatif rectiligne et uniforme), il est plus difficile de définir un premier observateur libre. Si l'on constaste, par exemple, qu'une bille roulant sur une table ne décrit pas une droite d'un mouvement uniforme (c'est-à-dire qu'elle ne satisfait pas au principe d'inertie), on peut penser indifféremment ou bien qu'elle est soumise à des forces inconnues, ou bien que son mouvement est rapporté à un système de référence mal choisi.

C'est une telle difficulté que Newton pense éviter en droit, sinon en fait, en faisant intervenir les notions de temps, d'espace et de mouvement absolus :

« Le temps absolu vrai et mathématique, sans relation à rien d'extérieur, coule uniformément et s'appelle durée ;

« l'espace absolu, sans relation aux choses extérieures, demeure toujours similaire et immobile ;

« le mouvement absolu est défini par le déplacement d'un corps d'un lieu absolu à un autre lieu absolu. »

Pour Newton, l'absolu se distingue ici du relatif comme le mathématique du vulgaire. En pratique, l'expérience ne conduit qu'à des notions approchées, mais une rigueur de plus en plus grande permet d'acquérir une idée de plus en plus exacte du mouvement absolu. Finalement, temps et espace absolus se présentent comme des notions asymptotiques : l'espace absolu est celui où le principe d'inertie est rigoureusement valable, la loi fondamentale de la dynamique strictement vérifiée. Il est, selon Euler, « le garant de la validité du principe d'inertie ».

Dès lors, cet absolu permet de fonder une véritable relativité restreinte : tous les systèmes en mouvement rectiligne et uniforme par rapport à l'espace absolu sont[...]

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Écrit par

  • : maître assistant au laboratoire de physique théorique, université de Nice
  • : professeur à la faculté des sciences de l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis, Jean-Pierre PROVOST et Marie-Antoinette TONNELAT. ESPACE-TEMPS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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