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ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE

Équilibre et autoréalisation

À la différence de ce qui se passe en physique et en chimie, l'équilibre, en économie, concerne des entités non pas inertes mais, au contraire, conscientes et ayant un objectif précis (satisfaction ou profit maximal, par exemple). Pour prendre leur décision, ces entités (ménages, entreprises, etc.) vont donc se fonder sur l'information dont elles disposent et sur l'idée qu'elles se font de la situation de l'économie dans laquelle elles se trouvent (idée qui prend généralement la forme d'un modèle – plus ou moins élaboré – de cette économie). Le modèle qu'elles ont en tête va être un élément décisif de leurs choix – offre, demande, achat, vente, etc. –et avoir ainsi une influence sur le monde réel, objectif. À l'équilibre, les décisions prises par chacun se révèlent être correctes, les prévisions sur la base desquelles elles sont prises sont vérifiées. Or ce sont ces décisions qui, dans leur ensemble, se trouvent à l'origine de l'équilibre : on dit qu'il y a autoréalisation, puisque les actions faites sur la base de certaines croyances (ou prévisions) ont engendré la situation prévue, confirmant ainsi les croyances à l'origine de ces actions. Un exemple simple est donné par les « bulles » concernant les prix des actions. Si tous ou presque tous les investisseurs pensent (croient) que le prix d'une action va augmenter, alors la hausse aura effectivement lieu : si tous les investisseurs pensent que le prix d'une action va augmenter, ils agiront en effet conformément à leurs croyances en l'achetant, ce qui provoquera effectivement la hausse ; il y a autoréalisation, puisque le phénomène attendu est provoqué par ceux qui ont agi sur la base de cette attente.

L'autoréalisation est donc un élément essentiel de l'équilibre en économie. On peut même voir en elle un synonyme de l'équilibre : dans la mesure où on suppose qu'on est en présence d'individus conscients des interactions de leurs décisions, il n'y a équilibre que si leurs décisions sont prises à partir de croyances qui ne sont pas contredites par le résultat de ces décisions, prises dans leur ensemble.

Le rapport étroit entre équilibre et autoréalisation attire l'attention sur l'aspect essentiellement subjectif de l'équilibre – aspect souvent masqué par le recours à des métaphores empruntées à la physique (« mécanisme », « force », « tendance », etc.), qui donnent à penser qu'on est en présence d'un phénomène objectif, indépendant de toute croyance ou opinion. Ainsi, l'équilibre d'un modèle dans lequel tout le monde croit qu'un afflux de monnaie supplémentaire va se traduire par une hausse des prix (laquelle a effectivement lieu, chacun augmentant ses prix sur la base de cette croyance) sera radicalement différent de celui d'un modèle où tout le monde croit que cet afflux va se traduire par une hausse de la quantité produite (laquelle a effectivement lieu, chacun produisant plus sur la base de cette croyance). Les croyances des individus concernant le « vrai » modèle de l'économie dans laquelle ils se trouvent constituent donc un élément aussi essentiel de ce modèle, du point de vue de l'équilibre, que des caractéristiques objectives telles que les techniques disponibles, les goûts des consommateurs, la forme d'organisation des échanges, etc. Parmi les économistes célèbres, John Maynard Keynes a attiré tout particulièrement l'attention sur le caractère autoréalisateur de l'équilibre, notamment dans le chapitre xii de la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936).

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Bernard GUERRIEN. ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Équilibre partiel : représentation de l'équilibre - crédits : Encyclopædia Universalis France

Équilibre partiel : représentation de l'équilibre

Équilibre partiel (déplacement de l'équilibre) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Équilibre partiel (déplacement de l'équilibre)

Équilibre de Nash et multiplicité d'équilibres - crédits : Encyclopædia Universalis France

Équilibre de Nash et multiplicité d'équilibres

Autres références

  • ALLAIS MAURICE (1911-2010)

    • Écrit par et
    • 1 317 mots

    C'est un économiste français aussi brillant que peu consensuel qui s'est éteint le 9 octobre 2010 à Paris. Participant en 1947 à la première réunion de la très libérale Société du Mont-Pèlerin, partisan de l'Algérie française qui dénonçait le « génocide » commis à l'encontre...

  • ARROW KENNETH JOSEPH (1921-2017)

    • Écrit par
    • 1 242 mots
    ...truchement de son livre Value and Capital, qui paraît en 1939. Arrow tombe par hasard sur cet ouvrage et y découvre son nouveau sujet de réflexion : existe-t-il bel et bien un équilibre économique général et non pas seulement, comme le pensait Marshall, une série d'équilibres sur des marchés particuliers...
  • AUTRICHIENNE ÉCOLE, économie

    • Écrit par
    • 1 607 mots
    Pour les tenants de la tradition économique autrichienne, le marché doit être analysé comme un processus et non comme un résultat. « À l'équilibre, il n'y a pas d'échanges », écrit Menger. Ses disciples vont insister sur cet aspect central. L'idée qui fonde cette conception est liée à la fois au...
  • BOULDING KENNETH EWART (1910-1993)

    • Écrit par
    • 263 mots

    Né à Liverpool (Grande-Bretagne), étudiant à Oxford puis à Chicago, Kenneth E. Boulding sera assistant à l'université d'Édimbourg de 1934 à 1937, puis à Colgate (États-Unis) de 1937 à 1941. Professeur d'économie à Mcgill University (1946) puis à l'université de Michigan (1949-1968), il devient cette...

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