Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

AUTRICHIENNE ÉCOLE, économie

En 1871, la publication des Principles of Economics de Carl Menger inaugure ce qui va devenir un nouveau courant de la pensée économique : la tradition économique autrichienne. S'il est considéré, avec le Britannique Stanley Jevons et le Français Léon Walras, comme le co-inventeur du marginalisme, qui introduit le calcul à la marge pour déterminer le niveau optimal de la consommation ou de la production d'un agent économique, Carl Menger est avant tout le fondateur de l'école autrichienne.

Comme l'a montré William Jaffé en 1976 dans son article « Menger, Jevons, Walras De-Homogenized », il existe une grande différence entre la tradition néo-classique, initiée par Walras, et celle qui a été fondée par Menger. Cette différence, qui est devenue emblématique des penseurs autrichiens (surtout après Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek), peut être analysée à trois niveaux. Tout d'abord, les « Autrichiens » retiennent une définition particulière de l'individu, issue de ce qu'on appelle le subjectivisme. Cette définition se distingue de celle de Walras, car elle insiste sur le caractère singulier des individus. Ensuite, ils mettent en évidence une qualité particulière de certains individus, la qualité entrepreneuriale. Celle-ci ne se limite pas, comme chez Walras, à combiner des facteurs de production mais joue un rôle moteur dans l'évolution économique. Enfin, les Autrichiens insistent sur la nécessité d'analyser les phénomènes marchands comme des processus : l'attention est portée non sur des états d'équilibre mais sur des processus de marché.

Subjectivisme

Contrairement à Walras, qui suppose les individus homogènes selon leurs activités de production ou de consommation (hypothèse matérialisée par la notion d'agent représentatif), Menger affirme l'hétérogénéité fondamentale des agents économiques. Il montre que la valeur d'un bien est fonction non pas des caractéristiques objectives de ce bien mais de l'idée qu'un individu se fait de la satisfaction qu'il peut en tirer ou croit pouvoir en tirer. Les individus sont tous différents en termes de préférence et de choix. Ce sont des sujets hétérogènes qui doivent être étudiés comme tels. D'où la réticence des auteurs autrichiens à raisonner à partir de grandeurs agrégées. Celles-ci leur semblent impossibles à composer ou simplement dénuées de sens pour les individus.

Dans son ouvrage The Sensory Order (1952), Hayek tente de donner un fondement théorique solide au subjectivisme. Il y développe deux idées. Tout d'abord, les perceptions et donc les connaissances ne constituent pas le reflet du monde physique. Ensuite, étant donné que les individus ont des expériences passées différentes, leurs perceptions comme leurs connaissances sont spécifiques. Pour résumer la pensée de Hayek dans ce domaine, Bruce Caldwell écrit dans son article « Hayek and Socialism » (Journal of Economic Literature, 1997) : « Alors que nos esprits sont identiques, il y a une base physiologique à la notion de la dispersion des perceptions et des expériences, et finalement des connaissances. »

Cette conception de l'individu imprègne fortement l'analyse économique autrichienne. Le débat sur l'application du calcul socialiste à l'économie, qui opposa Mises et Hayek aux socialistes Otto Bauer et Oscar Lange, l'a parfaitement illustré. Pour les Autrichiens, ce n'est pas parce que le planificateur dispose des informations portant sur les prix et les quantités qu'il connaît ce que chacun des individus fait de ces informations. En supposant ces modes d'emploi identiques entre eux, le planificateur se trompe nécessairement.

Les analyses économiques contemporaines, comme celle de Ludwig M. Lachmann (The Market as an Economic Process, 1986), qui retiennent l'hypothèse subjectiviste,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de sciences économiques à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière

Classification

Pour citer cet article

Pierre GARROUSTE. AUTRICHIENNE ÉCOLE, économie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) - Marginalisme

    • Écrit par Jean-Sébastien LENFANT
    • 2 035 mots
    • 1 média
    Deuxième auteur fondateur, Carl Menger est aussi le père de ce qui est devenu latradition économique autrichienne. Pour autant, son œuvre donnera lieu très tôt à des conflits d'interprétation et à des orientations théoriques et politiques divergentes. La pensée de Menger inaugure deux thèmes majeurs...
  • HAYEK FRIEDRICH AUGUST VON (1899-1992)

    • Écrit par Philippe NEMO
    • 1 290 mots

    Prix Nobel d'économie en 1974, Friedrich von Hayek est beaucoup plus qu'un économiste : c'est un des grands maîtres de la philosophie sociale et politique du xxe siècle. Né à Vienne le 8 mai 1899, mort à Fribourg-en-Brisgau le 23 mars 1992, il a fait des études de ...

  • MENGER CARL (1840-1921)

    • Écrit par Guy CAIRE
    • 443 mots
    • 1 média

    Considéré avec Jevons et Walras comme l'un des fondateurs de l'école marginaliste, titulaire de la chaire d'économie politique à l'université de Vienne et membre du Sénat, Carl Menger a exercé sur la pensée économique une influence considérable qui s'est manifestée tant au point de vue doctrinal...

  • MISES LUDWIG VON (1881-1973)

    • Écrit par Guy CAIRE
    • 273 mots

    Économiste autrichien, professeur à l'université de Vienne (1913-1938), puis à l'université de New York (1945-1969), Ludwig von Mises appartient à la seconde école marginaliste de Vienne. Dans son œuvre, trois centres d'intérêt complémentaires peuvent être distingués. Tout d'abord, et en particulier...

  • Afficher les 7 références

Voir aussi