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ÉQUATIONS ALGÉBRIQUES

La théorie « générale » des équations

Grâce à l'école italienne, la théorie générale des équations algébriques se précise et ses problèmes principaux se dégagent. Sans suivre chronologiquement son développement historique, on peut s'efforcer d'en mettre en évidence les points importants. L'équation étant mise sous la forme P(x) = 0, l'importance du degré du polynôme P, ou degré de l'équation, apparaît d'abord ; en effet, l'équation n'a pas en général une seule racine, comme le voulaient les anciens algébristes, mais peut en avoir jusqu'à n, si n est son degré.

Si a est une racine, alors P(x) est divisible par x − a et l'on peut écrire :

Q étant un polynôme de degré n − 1.

Si l'équation admet exactement n racines, il est possible d'exprimer les coefficients du polynôme P(x) par des fonctions symétriques rationnelles entières des racines.

Exemple du second degré :

de racines a et b ; alors :

Exemple du troisième degré :

de racines a, b, c ;

Exemple du cinquième degré :

de racines a, b, c, d, e ;

Ces relations apparaissent déjà chez Viète, dans le seul cas où toutes les racines sont positives, mais c'est Harriot, en 1630, dans ses œuvres posthumes, et surtout Albert Girard, en 1629, qui leur donnent toute leur extension. Girard, d'autre part – et il sera suivi par Newton – exprime les sommes des puissances des racines en fonction des coefficients :

L'étude des fonctions symétriques des racines se développe considérablement au xviiie siècle avec Waring, au xixe avec Cauchy, etc.

Ces belles relations ne sont évidemment établies, chez Viète, que lorsque toutes les racines sont positives, et, pour tout algébriste, que si elles existent. Tout dépend du sens donné au mot « existence ». Pour Jean de Beaugrand par exemple, vers 1638, exister est synonyme d'« appartenir à l'ensemble R des réels ». Pour Girard, on peut admettre des « solutions impossibles » pour la « certitude de la règle générale et pour son utilité ». Pour Descartes, en 1637, « les racines ne sont pas toujours réelles, mais quelquefois seulement imaginaires, c'est-à-dire qu'on peut bien toujours en imaginer autant que j'ai dit en chaque équation, mais qu'il n'y a quelquefois aucune quantité qui corresponde à celle qu'on imagine ». Il semble bien que ce soit Peter Roth de Nuremberg qui ait, le premier, en 1608, énoncé cet aphorisme hardi : « Une équation a autant de racines qu'il y a d'unités dans son degré. » Cette conclusion est une conséquence des principes énoncés par Bombelli, sans leur être identique. Cet algébriste italien introduit √− 1, qu'il adjoint aux nombres réels, créant ainsi le corps C des nombres complexes. Il peut alors retrouver les racines réelles de l'équation cubique dans le cas dit « irréductible ». Roth, suivi par Girard et Descartes, puis par la grande majorité des mathématiciens, décide, très arbitrairement, l'existence d'êtres fictifs, n'appartenant pas à l'ensemble R des nombres réels (et dont on ignore s'ils appartiennent ou non à C), et étend à ces êtres les algorithmes classiques de calcul. Jusqu'en 1746, on maniera ainsi des êtres imaginaires, sans trop savoir quelle pourrait bien être leur structure. Cependant la conviction se répandait de plus en plus qu'ils étaient de la forme a + b √− 1. C'est ce que d'Alembert établit cette année-là, en s'appuyant sur le calcul infinitésimal et la géométrie analytique et en admettant le principe d'existence des n racines d'une équation de degré n. Daviet de Foncenex, Lagrange, Laplace améliorèrent cette démonstration, mais en se fondant toujours sur le même principe. Gauss, en 1799, qualifia de cercle vicieux cette démarche[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences

Classification

Pour citer cet article

Jean ITARD. ÉQUATIONS ALGÉBRIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABEL NIELS HENRIK (1802-1829)

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 1 304 mots

    À une époque où la Norvège était d'une extrême pauvreté par suite des guerres qui l'avaient ruinée, Niels Henrik Abel, second fils d'une famille de sept enfants, naquit le 5 août 1802 dans l'île de Finnøy, près de Stavanger. Dès sa quinzième année, il lut et assimila les travaux les plus difficiles d'Euler...

  • AL-KHWARIZMI

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 183 mots

    Résident de la maison de la Sagesse à Bagdad, le mathématicien Abu Ja'far Muhammad ibn Musa al-Khwarizmi a participé à la traduction de nombreux manuscrits scientifiques grecs. Son traité intitulé Hisab al-jabr w'al-muqabala est considéré comme le premier manuel d'algèbre...

  • ARITHMÉTIQUES (Diophante)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 188 mots

    Diophante d'Alexandrie, parfois appelé le « père de l'algèbre », est connu par son ouvrage les Arithmétiques, qui traite des solutions des équations algébriques. On ne sait pratiquement rien de sa vie et ses dates de naissance et de mort sont très controversées. Les Arithmétiques...

  • BÉZOUT ÉTIENNE (1739-1783)

    • Écrit par Jacques MEYER
    • 172 mots

    Le nom d'Étienne Bézout doit être associé à l'utilisation des déterminants dans la théorie des équations algébriques. Dans son mémoire à l'Académie (1764) et surtout dans son ouvrage Théorie générale des équations algébriques (1779), Bézout donne des règles pour résoudre...

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Voir aussi