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DURKHEIM (ÉCOLE DE)

La filiation durkheimienne

La pensée du véritable maître que fut Durkheim a rayonné bien au-delà de sa mort relativement prématurée, à 59 ans, en 1917. Jusqu'en 1940, ce qu'on a pu appeler l'« école durkheimienne » a régné sur la sociologie française. Encore en 1965, Jean Duvignaud pouvait écrire qu'il « n'existe pour ainsi dire pas de sociologue français qui ne se rattache de près ou de loin à Durkheim, même pour le critiquer ou s'opposer à son influence ». À des noms comme ceux de François Simiand, Marcel Granet, Célestin Bouglé, Paul Fauconnet, René Hertz, Maurice Halbwachs, Georges Davy, et évidemment Marcel Mauss, le plus connu d'entre eux, il n'est pas illégitime d'ajouter, à des degrés divers de fidélité, ceux de Georges Gurvitch, de Pierre Bourdieu, de Claude Lévi-Strauss, voire de Raymond Aron, qui pourtant ne ménagea pas ses critiques. Il est possible, quoique assez périlleux, de résumer les diverses caractéristiques de l'école durkheimienne, souvent confondue par les auteurs avec une école sociologique française unique.

En premier lieu, le projet scientifique d'origine positiviste reste de mise. Pour les durkheimiens, le social est une réalité spécifique, soumise à des lois propres, ou qui du moins repose sur des invariants dont chaque agencement particulier sert de fondement à une société donnée. Dans chaque société, les structures constituent un assemblage d'institutions qui contribuent toutes à déterminer le sort commun d'un nombre plus ou moins élevé d'individus. On en trouvera une illustration célèbre dans Les Structures élémentaires de la parenté (1949) de Lévi-Strauss, qui sont devenues l'une des références favorites de nombreux anthropologues de la tradition française.

En second lieu, les éléments théoriques développés par les sociologues de cette école se rapportent avant tout au niveau d'analyse macrosociologique, celui qui concerne les modes de fonctionnement du système institutionnel. C'est dans cette optique que Marcel Mauss (1872-1950) a rédigé son célèbre Essai sur le don (1925). Il y expose les principes de réciprocité dans les échanges humains qui sont restés incontestés dans les études d'anthropologie sociale et culturelle. Le don est une institution qui en appelle une autre, le contre-don. L'optique est celle de la manière dont don et contre-don sont institués, et se trouvent en conséquence instituants de modes de comportement spécifiques. Le niveau d'analyse microsociologique n'a guère été abordé par les durkheimiens. Toutefois, le Canadien Erving Goffman (1922-1982), inventeur de l'analyse dramaturgique, qui a assimilé les relations à des représentations théâtrales, s'est appuyé sur Durkheim pour élaborer sa théorie des « rites d'interaction » dans la vie quotidienne.

Enfin, l'un des concepts clés de l'école durkheimienne est celui de fonction, emprunté par le fondateur à la biologie telle qu'on la concevait à son époque. Pour Durkheim, la société est un tout organique, chacune de ses parties contribuant à la conservation des autres, tout comme chaque organe d'un corps vivant contribue aussi à la conservation des autres organes et au bon fonctionnement de l'ensemble. Une explication fonctionnelle rend compte de l'existence d'un phénomène social dans l'optique de son intervention dans le maintien d'un ordre social stable. Ainsi, les institutions religieuses servent à engendrer et maintenir la solidarité sociale. C'est surtout aux États-Unis, avec Talcott Parsons (1902-1979) et son entourage, que la notion de fonction trouvera son plein épanouissement.

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Claude JAVEAU. DURKHEIM (ÉCOLE DE) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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