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SIMIAND FRANÇOIS (1873-1935)

François Simiand est une figure centrale des sciences sociales françaises du début du xxe siècle. Brillant élève de l’École normale supérieure, reconnu par Henri Bergson comme l’« esprit le plus remarquable […] et le mieux doué à coup sûr pour la philosophie », il s’engage cependant auprès d’Émile Durkheim et participe à ses combats pour la promotion de la sociologie dans l’université, en particulier dans la revue L’Année sociologique où il assure la responsabilité de la rubrique de la sociologie économique dont il est l’un des fondateurs en France.

Pour une sociologie économique scientifique

Né le 18 avril 1873 à Gières (Isère), fils d’instituteur, agrégé de philosophie (1896) et docteur en droit (Le Salaire des ouvriers des mines de charbon en France. Contribution à la théorie économique du salaire, 1904, thèse remaniée en 1907), expert en statistiques, François Simiand veut appliquer à l’étude des phénomènes économiques les principes d’analyse des faits sociaux énoncés par Durkheim.

Polémiste redouté, Simiand s’efforce de développer les cadres d’une sociologie économique fondée sur une démarche scientifique constructiviste audacieuse (élaboration des protocoles de recherche, des nomenclatures et des catégories de référence, définition des domaines et thèmes à privilégier) nourrie par l’observation rigoureuse de régularités (prix, salaires, monnaie, etc.) expliquant des réalités économiques guidées par des dispositions psychologiques et des contraintes sociales, donc également historiques. Il dénonce à la fois les abstractions conceptuelles de l’économie politique classique et les insuffisances théoriques de l’historicisme (La Méthode positive en sciences économiques, Alcan, 1912). À l’argument de la « main invisible » et des ajustements spontanés de « l’offre et de la demande », au « scandale méthodologique » d’une théorie économique « sans faits », il oppose, dans le prolongement de la pensée durkheimienne, la variété des expériences et des actions des groupes sociaux, dont les intérêts divergent et trouvent leurs expressions économiques dans l’évolution des prix et des salaires. Aux excès empiriques de l’école historique allemande (« études de faits sans théories »), Simiand oppose la recherche de « cohérences » dans l’identification de critères de classification et la construction dans la durée de séries statistiques homogènes.

Critiques qu’il prolonge également à l’attention des géographes et des historiens, prônant une démarche expérimentale et empirique exigeante commune à la « science sociale ». Aux historiens, il adresse un réquisitoire particulièrement sévère (« Méthode historique et science sociale », Revue de synthèse historique, 1903) traquant les insuffisances et les contradictions méthodologiques d’« une histoire historisante », celle de Charles Seignobos notamment, sans cadre ni classification scientifiques rigoureux, assujettie aux « idoles » – politique, individuelle et chronologique – de la « tribu des historiens ».

L’histoire est donc un élément indispensable de l’analyse de la réalité économique inscrite dans une temporalité longue et des rythmes spécifiques, la succession de cycles qui impriment aux sociétés un mouvement de civilisation et de progrès. Pour Simiand, rationaliste et optimiste, les conditions du progrès économique résident dans les représentations sociales (et non pas individuelles) qui structurent les comportements et les actions conflictuelles de groupes sociaux dont les intérêts économiques s’opposent. À la différence du « primitivisme »  durkheimien (l’économie moderne est adossée à l’économie primitive) et du « technicisme » marxiste (le machinisme sépare l’ouvrier de son outil), Simiand est monétariste. Il explique la naissance du capitalisme, qu’il[...]

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