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GORDON DEXTER (1923-1990)

Situé quelque part entre Lester Young et John Coltrane, Dexter Gordon occupe une place assez mal définie dans l'évolution stylistique du jazz. Comme tous ceux qui assurent un passage, il annonce les avant-gardes de demain sans veritablement quitter les voies de la tradition. Mais quel tempérament ! Quelle présence ! Bertrand Tavernier pouvait-il, en 1986, faire un meilleur choix en lui confiant le rôle principal de son film Autour de minuit ?

Dexter Keith Gordon naît à Los Angeles le 27 février 1923 ; son père a été le médecin de Duke Ellington et de Lionel Hampton. Dès ses treize ans, il possède de très solides connaissances en théorie musicale et se révèle un clarinettiste prodige. À quinze ans, il se passionne pour le saxophone alto. Mais c'est au saxophone ténor qu'il décide, à dix-sept ans, de se consacrer. Il se choisit le plus pur des maîtres, Lester Young, dont il connaît tous les solos par cœur. Ses débuts, il les fait avec les Harlem Collegians.

Lionel Hampton remarque très vite cette forte personnalité et l'engage. De 1940 à 1943, Dexter Gordon fera partie de son orchestre en compagnie de musiciens de la stature d'Illinois Jacquet et de Marshall Royal. Il revient à Los Angeles en 1943 et travaille avec Lee Young et Jessie Price. En 1944, Louis Armstrong l'embauche pour six mois dans son big band. Cette même année, il entre dans la formation de Billy Eckstine. Il y montre toutes les facettes d'un talent maintenant parvenu à sa pleine maturité aux côtés de Charlie Parker, de Dizzy Gillespie, d'Art Blakey et de Sarah Vaughan. C'est de cette époque que date son premier solo enregistré, sur Bloowing the Blues Away (1944). Charlie Parker et Dizzy Gillespie l'appellent dans le sextette qu'ils forment à New York. De 1946 à 1949, Dexter Gordon fréquente beaucoup les studios. Les disques se multiplient avec des partenaires qui ne sont autres que Dizzy Gillespie, Fats Navarro, Tadd Dameron, Charlie Parker, Howard McGhee, Red Norvo, Jay Jay Johnson ou Helen Humes. Au concert comme au disque, il redonne une nouvelle jeunesse à ces chases, folles courses poursuites où, faisant assaut d'invention et de virtuosité, deux grands solistes se défient. Ses partenaires d'élection dans ce genre périlleux, donc peu fréquenté, sont Wardell Gray et Teddy Edwards. Après 1949, son activité se réduit brutalement sous l'influence de la drogue, qui lui vaut, de 1953 à 1955, un séjour au pénitencier de Chino. Sa carrière n'est pourtant pas parvenue à son terme. Il écrit en 1959 la musique de la pièce The Connection et la joue lui-même en public. Dexter Gordon enregistre alors The Resurgence of Dexter Gordon ainsi que Go !, albums qui rencontrent un très vif succès. Il se fixe au Danemark en 1962 et joue à Londres et Copenhague. Après un séjour à New York (1965), il s'établit en Europe, où il forme de jeunes musiciens de jazz. En 1976, son retour triomphal au Village Vanguard relance la mode du be bop. Jusqu'à sa mort, le 25 avril 1990, à Philadelphie, il promènera sa sonorité ample et délicate ainsi que son sens du spectacle entre les cabarets américains et les festivals de la vieille Europe.

De Lester Young, il a la nonchalance ; de Coleman Hawkins, la virilité. Il lui appartient en propre cependant de réaliser ce subtil cocktail de sensualité, d'élégance et de désinvolture qui est son inimitable signature. Un sens aigu du swing ne l'empêche pas d'être l'un des maîtres les plus émouvants de la ballade. Dans des solos toujours très fermement construits éclate une imagination constamment en éveil. Sonny Rollins et John Coltrane ont reconnu leur dette envers ce remarquable musicien. Il est des causes qui se jugent au génie de leurs avocats.

— Pierre BRETON

Discographie sélective

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Pierre BRETON. GORDON DEXTER (1923-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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