ELLINGTON DUKE
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De 1927 à sa mort – le 24 mai 1974 –, Edward Kennedy, dit « Duke », Ellington, a été, avec Louis Armstrong, Charlie Parker et John Coltrane, un des créateurs les plus singuliers et les plus féconds de la musique afro-américaine. Il compte parmi les artistes du xxe siècle auxquels une critique exigeante ne peut refuser le génie. Source d'inspiration, aujourd'hui encore, pour d'innombrables jazzmen, son œuvre résiste au temps, aux modes et même, dans une large mesure, aux analyses. On ne cesse pas de redécouvrir cet univers, qui défie la description et décourage les entreprises réductrices. Bien que refermé sur lui-même (les dernières compositions le prouvent à l'envi), il échappe à la pétrification que trament malgré elles toute musicologie et toute inscription dans l'histoire. Par l'étendue, par la diversité de ses pouvoirs, la magie ellingtonienne demeure, comme tout ce qui compte, un inépuisable mystère.
L'Américain Duke Ellington (1899-1974), pianiste de jazz, compositeur, arrangeur et chef d'orchestre.
Crédits : MPI/ Archive Photos/ Getty Images
Un art du dialogue
Solistes, Armstrong mais surtout Parker et Coltrane ont frayé leur piste en solitaires. On les admire toujours pour avoir consommé la rupture avec la tradition qui les nourrissait, et nié, à un certain moment, le monde. Le prix de leur parole se fonde sur son unicité. Tout autant que le leur, sans doute, l'art ellingtonien peut revendiquer la nouveauté et l'originalité. Mais c'est un art qui ne peut se concevoir sans le monde et sans les autres, sans une acceptation fondamentale de l'antériorité et de l'altérité. Ellington est un novateur au sens le plus classique du terme : il n'a jamais vraiment contesté l'ordre des choses (pas plus qu'il n'a contesté le désordre institutionnalisé de la société libérale nord-américaine). C'est en les exposant à sa manière, et toujours pour quelqu'un (l'un ou l'autre des musiciens de son orchestre), c'est-à-dire dans une langue commune à deux hommes au moins, qu'il innove. Sa fameuse déclaration : « Mon instrument, ce n'est pas le piano, c'est l'orchestre », dévoile à quel point l'art ellingtonien participe de la demande : il est appel, déterminant chez autrui une vocation (au sens réaliste du terme) et suscitant une réponse qui, en retour, le façonne, le travaille, l'informe. Autrement dit, c'est une structure de dialogue qui s'instaure. Ellington pratique l'innutrition réciproque, de préférence avec ceux qui forment son orchestre, mais aussi avec tous les musiciens, tous les personnages qu'il rencontre ou croise en quelque point de la grande errance des artistes. On ne s'étonne plus, après cela, que sa musique, née dans des conditions géographiques, socio-économiques et culturelles précisément déterminées, ait une portée universelle, plus encore peut-être que le jazz lui-même, dont elle reste pourtant, d'évidence, une manifestation soumise.
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Écrit par :
- Alain GERBER : docteur en psychologie, membre du Collège de pataphysique et de l'Académie du jazz, romancier
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Pour citer l’article
Alain GERBER, « ELLINGTON DUKE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/duke-ellington/