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DÉLOS

Petite île des Cyclades (360 ha), longue de 5 kilomètres du nord au sud et large d'à peine plus d'un kilomètre, Délos est géographiquement une modeste dépendance de Rhénée, dont elle est séparée par un chenal facile à franchir. Masse de gneiss et de granit qui culmine au mont Cynthe (113 m), elle présente en été une aridité trompeuse : si les pluies y sont rares (300 mm par an, essentiellement en hiver), une nappe phréatique aisément accessible y permet le séjour humain et les cultures en terrasses. Le contraste entre son peuplement antique et sa solitude actuelle résulte en fait de deux phénomènes récents : l'abandon de l'agriculture traditionnelle dans les Cyclades et les fouilles, qui ont conduit à l'interdiction de toute construction sur l'île autre que celles liées aux activités archéologiques. Entamées en 1873, menées à grande échelle entre 1903 et 1914, poursuivies depuis lors d'une façon plus ponctuelle, mais aussi souvent plus minutieuse, les fouilles de l'École française d'Athènes ont dégagé jusqu'à présent environ un tiers du site antique, révélant l'un des plus importants sanctuaires d'Apollon du monde grec, mais aussi une ville d'époque hellénistique qui fut, entre 166 et 69 av. J.-C., une grande place de commerce de la Méditerranée orientale.

Le sanctuaire d'Apollon

Délos doit sa fortune antique au fait d'avoir été le théâtre d'un mythe majeur, que raconte l'Hymne homérique à Apollon, poème archaïque anonyme : Létô, engrossée par Zeus et de ce fait en butte à la vindicte d'Héra, son épouse, parvient à persuader Délos, île errante et désolée, de l'y laisser accoucher, ce qui lui procurera à jamais renommée et prospérité, car on y viendra de partout adorer Apollon ; en étreignant un palmier, qui sera désormais l'un des symboles des dieux jumeaux, elle y accouche d'Apollon et d'Artémis, tandis que l'île entière se couvre d'or... Le sanctuaire qui se développe au bord de la mer, autour du palmier sacré et de l'autel construit par Apollon enfant avec les cornes des chèvres chassées par sa sœur jumelle, devint en effet le premier du monde grec avec celui de Delphes, où Apollon, venu de Délos sur un bateau crétois, s'est approprié l'oracle de la Terre.

Comme on a pu l'observer dans d'autres sanctuaires majeurs (Olympie, Delphes), le culte d'Apollon s'est fixé sur des vestiges mycéniens (1400-1200 av. J.-C.), méconnus et réinterprétés par les Grecs de l'époque géométrique – ici, les restes modestes d'un village, que les fouilles ont retrouvé sous divers édifices du sanctuaire. C'est ainsi qu'une tombe mycénienne a été considérée comme celle des Vierges hyperboréennes Opis et Argè, ramenées par Apollon de son séjour annuel dans ce pays de cocagne situé au-delà du nord.

Terrasse des Lions, île de Délos, Grèce - crédits : Anastasios71/ Shutterstock

Terrasse des Lions, île de Délos, Grèce

Le sanctuaire acquiert un premier faciès monumental vers la fin du viie siècle, à l'initiative de Naxos, qui domine alors les Cyclades. On y saisit la mutation, décisive pour l'essor de l'art grec, que constitue la maîtrise par les Naxiens du travail du marbre, en sculpture comme en architecture. La plus ancienne statue de marbre connue est celle, de grandeur naturelle, que dédie à Artémis la Naxienne Nicandrè, vers 640. Alors aussi commence la série des statues masculines (couroï) en marbre de Naxos consacrées à Apollon. La statue colossale du dieu dressée par les Naxiens vers 600 av. J.-C. et dont ne subsistent que le torse, le ventre et l'énorme base, devait faire un effet prodigieux, avec ses sept à huit mètres de hauteur, dans un sanctuaire où ne se dressait presque aucun bâtiment, si ce n'est peut-être déjà celui que les inscriptions nommeront plus tard l'« oïcos des Naxiens », premier bâtiment grec[...]

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Écrit par

  • : ancien membre de l'École française d'Athènes, professeur émérite d'archéologie grecque à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Bernard HOLTZMANN. DÉLOS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Terrasse des Lions, île de Délos, Grèce - crédits : Anastasios71/ Shutterstock

Terrasse des Lions, île de Délos, Grèce

Maison de Cleopatra, Délos - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Maison de Cleopatra, Délos

Théâtre de Délos - crédits : G. Cozzi/ DeAgostini/ Getty Images

Théâtre de Délos

Autres références

  • APOLLON, mythologie grecque

    • Écrit par Robert DAVREU
    • 798 mots
    • 1 média

    Expression la plus haute et la plus achevée de ce que fut le génie grec, Apollon apparaît, avant même la période classique, comme un dieu proprement hellène. En lui, toute trace d'une origine asiatique, si sensible chez d'autres divinités, Dionysos notamment, a été estompée, et ce dès avant les...

  • BRONZES ANTIQUES

    • Écrit par Claude ROLLEY
    • 5 573 mots
    • 7 médias
    ...Ambelokipi, faubourg d'Athènes, mêle copies de statues classiques et figurines à thèmes bacchiques et alexandrins. En revanche, la dernière maison fouillée à Délos, détruite en 69 avant J.-C. comme toute l'île, a livré un lot de bronzes décoratifs, qui pourrait fournir un bon point de repère pour distinguer...
  • CALLICRATÈS (Ve s. av. J.-C.)

    • Écrit par Bernard HOLTZMANN
    • 1 063 mots
    • 3 médias

    Callicratès est un architecte athénien à qui revient, selon Plutarque (Vie de Périclès, XIII, 7), la construction du mur médian du système de remparts unissant Athènes au Pirée (les Longs Murs) et celle du Parthénon, en collaboration avec Ictinos. Des fragments d'inscriptions...

  • ÉCOLE FRANÇAISE D'ATHÈNES

    • Écrit par Olivier PICARD
    • 2 040 mots

    Fondée dans le grand élan de philhellénisme qui accompagna la libération de la Grèce du joug ottoman, « l'École française de perfectionnement pour l'étude de la langue, de l'histoire, des antiquités grecques » (ordonnance royale de 1846), le plus ancien établissement scientifique à l'étranger et le...

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Voir aussi