CÔTE D'IVOIRE

Nom officiel

République de Côte d'Ivoire (CI)

Chef de l'État

Alassane Ouattara (élu le 28 novembre 2010, proclamé le 5 mai 2011)

Chef du gouvernement

Patrick Achi (depuis le 8 mars 2021)

Capitale

Yamoussoukro

Langue officielle

Français

Unité monétaire

Franc CFA

Population (estim.) 27 139 000 (2021)
Superficie 322 462 km²

Le legs colonial

La crise ivoirienne de la fin du xx e siècle s'inscrit dans le cadre de la formation d'un régime et d'une économie politique mis en place par Houphouët-Boigny et qui, à bien des égards, se sont forgés dans la continuité directe de la mise en valeur coloniale.

Les stéréotypes ethniques coloniaux

En Côte d'Ivoire comme dans les autres pays africains, l'État colonial a joué un rôle crucial dans la formation des identités ethniques et la traduction de celle-ci dans l'espace – territorial et mental – du pouvoir. Les ethnologues coloniaux, dont Maurice Delafosse qui fut l'un des premiers à distinguer sur ce territoire les grandes familles linguistiques telles que les Agni, Dioula, Sénoufo, etc., enclenchèrent un processus de classement des groupes qui allait donner corps à des stéréotypes culturels dont on trouve encore des traces actuellement. Cette hiérarchisation reflétait les représentations que le colon se faisait des populations locales, mais aussi et surtout les alliances qu'il a dû nouer pour assurer la mise en valeur de la colonie. Lorsque celle-ci est fondée en 1893, les Français occupaient essentiellement la Basse-Côte (le littoral du sud-est du pays), dans la continuité des comptoirs établis à partir du xvi e siècle. Leurs regards se portaient alors vers la zone forestière de l'Ouest pour l'exploitation du bois, de l'huile de palme, de l'ivoire puis, à partir de la fin du xix e siècle, du café et du cacao, mais qui présentait l'inconvénient d'être occupée par des populations jugées « primitives » et rétives à la pénétration capitaliste. Pour résoudre ce dilemme, l'administration coloniale fit appel aux gens du Nord, notamment les Dioula, réputés pour leurs traditions commerciales, qui, au cours de la première moitié du xx e siècle, migrèrent en grand nombre vers le Sud. « Bref, au moment même où se constituait la Côte d'Ivoire en tant qu'entité géopolitique, la région qui était censée devenir le principal pôle de la mise en valeur coloniale, le Sud, fut l'objet à la fois d'une disqualification des autochtones et d'une valorisation de l'allogène du Nord » (Jean-Pierre Dozon, 1997). Très tôt donc se construisit au sein de la colonie une distinction entre des ensembles ethno-régionaux, fondée sur une hiérarchie fonctionnelle qui était établie en regard de comportements définis en fonction de la docilité et de la disponibilité de la main-d'œuvre pour la mise en valeur coloniale. Ainsi, plusieurs figures archétypiques se sont progressivement constituées avec, au sommet de la hiérarchie, les Agni du Sud-Est et certaines populations lagunaires qui furent les premiers interlocuteurs des Européens. Les Agni, en effet, bénéficiaient d'une considération certaine de la part de l'administration coloniale qui voyaient dans leurs royaumes (Indénié, Sanwi) d'utiles relais de pouvoir. Leur attitude favorable à l'implantation de l'agriculture de rente en fit des alliés privilégiés des autorités coloniales aux débuts de la colonisation. Cette situation changea, à partir des années 1930-1940, avec l'influence grandissante des Baoulé et au fur et à mesure que le monde agni se repliait sur ses « traditions » aristocratiques.

Les nordistes occupaient une position singulière dans les représentations coloniales du « bon sauvage » : « bons musulmans », « bons commerçants » (pour les Dioula), et « bons travailleurs » (pour les Sénoufo), disposés à migrer pour aller travailler dans les plantations et dans les chantiers du Sud, ils étaient plutôt bien considérés dans l'imaginaire colonial. Cantonnés dans des rôles secondaires de forces d'appoint dans un système où les clivages se structuraient plutôt sur le mode Est/Ouest, occupant une position excentrée dans le dispositif[...]

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Écrit par

  • Richard BANÉGAS : professeur de science politique au Centre d'études des relations internationales de la Fondation nationale des sciences politiques, Sciences Po
  • Jean-Fabien STECK : maître de conférences en géographie à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Richard BANÉGAS, Jean-Fabien STECK, « CÔTE D'IVOIRE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

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Autres références

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