Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CONCEPT

Genèse et évolution des concepts

La plupart de nos concepts sont construits par l'esprit à partir de l'expérience sensible. Le mécanisme de cette construction constitue un problème important (auquel a tenté de répondre jadis la doctrine de l'abstraction et que l'épistémologie génétique de Jean Piaget a repris de nos jours sur une base scientifique). Mais en est-il ainsi de tous nos concepts ? Kant a soutenu, à partir d'une analyse de la connaissance scientifique (mathématiques et physique newtonienne), qu'il y a des concepts a priori, c'est-à-dire indépendants de toute expérience. Ces concepts ne nous fournissent pas un contenu de connaissance ; ils ne sont que des formes selon lesquelles la pensée peut se rapporter à un objet en général. C'est seulement par l'application des concepts purs au contenu fourni par la sensibilité que se constituent les objets de connaissance. La fonction des concepts a priori est d'unifier nos représentations. Comme ils exercent cette fonction par l'intermédiaire du jugement, on pourra établir la table complète des concepts a priori en examinant quelles sont les différentes « fonctions de l'unité dans les jugements ». S'appuyant sur la classification des jugements fournis par la logique traditionnelle, Kant établit la célèbre table des catégories, qui contient 12 concepts. Ce sont ces concepts qui, dans sa doctrine de la science, constituent l'armature a priori sur laquelle sont construits les principes fondamentaux de la physique newtonienne. C'est ainsi par une théorie de l'apriorité qu'il explique la puissance théorique de la science, son caractère universel et nécessaire, qui excède par principe ce que peut donner l'expérience.

Les « idées innées » de Descartes sont, elles aussi, indépendantes de l'expérience, mais elles ne sont pas de simples formes d'unification ; elles ont un contenu déterminé. Et, s'il en est ainsi, c'est qu'elles ont un caractère intuitif. Ce sont des intuitions intellectuelles ; et, en cela, les « idées » sont différentes des concepts, qui, précisément, n'ont pas ce caractère intuitif. L'idée est un mode de l'entendement mais elle contient une « réalité objective » par elle, la chose est « objectivement ou par représentation » présente dans l'entendement.

Le concept est généralement compris comme doué de stabilité. Quand on parle d'évolution des concepts, c'est au sens où l'esprit transforme ses concepts ou en crée de nouveaux. Mais la transformation affecte le concept de l'extérieur : elle se fait par ajout ou soustraction de certaines notes constitutives. Hegel a développé une théorie du concept qui donne à celui-ci un caractère essentiellement dynamique. Le concept est mouvement, il est perpétuelle transformation de lui-même par lui-même, en ce sens qu'il s'affecte de l'intérieur par lui-même de déterminations nouvelles. Non toutefois par simple ajout au contenu déjà posé, mais par développement dialectique de celui-ci. Le développement du concept produit l'idée, qui n'est autre que le concept entièrement réalisé (devenu réel) par son auto-développement même. L'idée est la réalité absolue, considérée dans la totalité systématiquement constituée de ses déterminations.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)

Classification

Pour citer cet article

Jean LADRIÈRE. CONCEPT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABSTRACTION

    • Écrit par Alain DELAUNAY
    • 906 mots

    Terme qui renvoie à tout au moins quatre significations, à la fois indépendantes les unes des autres et pourtant reliées par un jeu de correspondances profondes.

    Un sens premier du mot abstraction est le suivant : négliger toutes les circonstances environnant un acte, ne pas tenir compte...

  • ANTHROPOLOGIE COGNITIVE

    • Écrit par Arnaud HALLOY
    • 5 810 mots
    ...dans une situation déterminée et celles inférées grâce à nos dispositions ou « attentes intuitives », les cognitivistes proposent de distinguer entre « concept » et « schéma conceptuel » (ou « catégorie ontologique »). Alors que l’acquisition de nouveaux concepts dépend de l’expérience, variant par conséquent...
  • BACHELARD GASTON (1884-1962)

    • Écrit par Jean-Jacques WUNENBURGER
    • 3 478 mots
    • 1 média
    ...de l'infiniment petit (le monde atomique et subatomique). Comme son maître Léon Brunschvicg, il va privilégier, le mouvement de la raison par lequel concept et réel se rapprochent progressivement l'un de l'autre, tout en restant limités à une connaissance phénoménale et non élargie au monde en soi,...
  • BURIDAN JEAN (1300 env.-apr. 1358)

    • Écrit par Francis RUELLO
    • 454 mots

    Recteur de l'université de Paris en 1328 et en 1340, commentateur d'Aristote et logicien. L'enseignement en logique de Jean Buridan (Summulae logicae) dépend de celui de Pierre d'Espagne et de celui d'Ockham. S'il reçoit du premier la distinction entre la « signification » d'un nom...

  • Afficher les 44 références

Voir aussi