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MONTEVERDI CLAUDIO (1567-1643)

Une œuvre prodigieuse

La musique religieuse

Dans sa musique religieuse, Monteverdi tient compte des exigences de la liturgie ; il reprend le style traditionnel et le nouveau style, mettant l'accent sur le côté dramatique et subjectif, oscillant entre tradition et modernité.

Les Sacrae cantiunculae, en latin – forme encouragée par la Contre-Réforme –, composés en 1582, s'insèrent dans la liturgie et sont écrits à trois voix ; ils reposent sur des textes en prose (Évangiles, livre de l'Ecclésiaste, psaumes) ; la déclamation en est soignée (notamment l'accentuation des syllabes). Monteverdi utilise l'écriture en imitation et des motifs brefs ; ces pages n'échappent cependant pas à une certaine monotonie. Avec les Madrigali spirituali (en italien, à quatre voix), elles appartiennent aux œuvres de jeunesse.

Les Vespro della Beata Vergine ont été composées à Mantoue, en 1610, et publiées à Venise avec deux magnificats et la messe In illo tempore (d'après le motet de Nicolas Gombert). De nombreuses compositions sont dédiées à Marie, qui occupe une place importante dans l'hagiographie vénitienne. Cette œuvre frappe par la multiplicité des styles (psalmodie grégorienne, cantus firmus, thèmes grégoriens, style responsorial, mélismatique) et des moyens (huit voix, double chœur, mais aussi a voce sola, ou dialogue). Le Magnificat est un « concerto en miniature ». Les anciens tons d'église sont utilisés dans les psaumes, à côté du concerto soliste ou de l'écriture uniquement instrumentale dans la Sonata sopra Santa Maria.

Le recueil Selva morale e spirituale, dédié à Eleonora Gonzague, contient une Missa a 4 da capella (sans accompagnement, mais avec une basse instrumentale non chiffrée servant de soutien dans les passages à découvert), des motets, psaumes, hymnes en latin et en italien pour voix solo. D'autres œuvres ont été publiées après la mort de Monteverdi dont, en 1650, la Messa a quattro voci e Salmi (Beatus vir ; Nisi Dominus...) avec instruments et basse continue.

Monteverdi a mis en musique l'ordinaire de la messe, des psaumes en forme de motets, des magnificats, des antiennes et hymnes. Il a assimilé les divers styles a capella, recitativo et monodie, concertato (œuvres vénitiennes), à la manière de Palestrina (une messe de Selva morale). Tradition et modernité fusionnent. Selon Leo Schrade, Monteverdi « rend possible l'interprétation personnelle des textes religieux » et « montre que l'exégèse des textes est une expérience esthétique individuelle ».

Madrigaux et Scherzi musicali

En Italie, le madrigal est issu de la fusion du motet franco-flamand et de la frottola homorythmique et syllabique. Ces pages vocales, allant de trois à six voix au début, reposent sur un texte profane, galant, lyrique, érotique, correspondant au goût mondain. D'abord proche du motet de Johannes Ockeghem, de Jacques Arcadelt, de Giovanni Gabrieli, avec Monteverdi la forme s'éloigne progressivement du modèle. Ses quatre premiers livres se réclament de l'ancien contrepoint et de la prima prattica. À partir du cinquième, il applique les principes de la seconda prattica (style concertant avec basse continue). Après les Madrigali spirituali de 1583, le premier livre de madrigaux utilise une forme concise, de larges intervalles, des accords de quinte augmentée pour mettre en valeur les textes de Giulio Strozzi et du Tasse. Le second livre (1590), avec des paroles de Girolamo Casoni, Filippo Alberti, Pietro Bembo, subit un processus de simplification par rapport à l'ancien contrepoint. Le souci de raffinement, de subtilité pour traduire l'émotion des poèmes de Battista Guarini est très net dans le troisième livre (1592). Le quatrième (1603) reprend cette préoccupation déclamatoire pour traduire les plaintes, la passion, la douleur, les soupirs ; Leo Schrade y constate une « déclamation[...]

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Écrit par

  • : professeur d'analyse et de culture musicale à l'École nationale de musique de Montbéliard et au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines

Classification

Pour citer cet article

Denis MORRIER et Edith WEBER. MONTEVERDI CLAUDIO (1567-1643) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Claudio Monteverdi - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Claudio Monteverdi

Autres références

  • CORRESPONDANCE, PRÉFACES, ÉPîTRES DÉDICATOIRES (C. Monteverdi)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 958 mots

    Depuis le milieu des années 1980, la discographie et la musicologie montéverdiennes connaissent un véritable renouveau. Les mélomanes ont ainsi pu découvrir simultanément deux excellentes intégrales des opéras de Monteverdi, aux partis pris pourtant opposés, l'une réalisée par René Jacobs (chez Harmonia...

  • L'ORFEO (C. Monteverdi)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 1 088 mots
    • 1 média

    Chef-d'œuvre fondateur du répertoire lyrique occidental, L'Orfeo fut créé le 24 février 1607 au Palazzo Ducale de Mantoue, dans les appartements de la duchesse de Ferrare, sœur du duc de Mantoue, Vincenzo Gonzaga. L'Accademia degli Invaghiti formait le public de la première représentation....

  • ORFEO (C. Monteverdi)

    • Écrit par Christian MERLIN
    • 234 mots
    • 1 média

    L'Orfeo de Claudio Monteverdi, créé au palais ducal de Mantoue le 24 février 1607, est considéré comme le premier chef-d'œuvre universel de l'histoire de l'opéra. Le compositeur, qui était alors au service de Vincenzo Gonzague, duc de Mantoue, réalise dans cette fàvola...

  • BEL CANTO

    • Écrit par Jean CABOURG
    • 2 752 mots
    • 5 médias
    ...années 1620, attise le goût pour le démonstratif, les scénographies somptueuses du Bernin offrant un magistral contrepoint aux efflorescences vocales. Monteverdi lui-même, influencé à ses débuts par l'éthique florentine, comme en témoigne notamment son Orfeo de 1607, inscrira son Retour d'Ulysse...
  • CAVALLI PIER FRANCESCO (1602-1676)

    • Écrit par Denis MORRIER
    • 1 710 mots
    Claudio Monteverdi (1567-1643) avait été nommé maestro della Capella en 1613 : dès son arrivée, Pier Francesco peut donc travailler sous sa direction. Adulte, il deviendra l'un de ses plus proches collaborateurs, et il témoignera longtemps après la mort de son maître de toute l'estime qu'il avait...
  • CONTREPOINT

    • Écrit par Henry BARRAUD
    • 4 643 mots
    Peut-être faut-il voir dans Monteverdi le point d'aboutissement de cette longue évolution. Une partie de son œuvre, les Madrigaux, appartient encore à un style contrapuntique fortement étayé par une structure harmonique. Une autre partie nous initie à une forme nouvelle : la mélodie accompagnée,...
  • FIGURALISME

    • Écrit par Antoine GARRIGUES
    • 1 324 mots
    ...mots, des images, des situations et des symboles se développe celle des passions, au début du xviie siècle. Puisant aux sources de la pensée antique, Claudio Monteverdi (1567-1643) s'était fait l'ambassadeur de ce mouvement en rappelant, dans la Préface de son Huitième Livre de madrigaux...
  • Afficher les 18 références

Voir aussi