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CAMPIN ROBERT ou MAÎTRE DE FLÉMALLE (1380 env.-1444)

<it>La Madone à l'écran d'osier</it>, R. Campin - crédits :  Bridgeman Images

La Madone à l'écran d'osier, R. Campin

Peintre tournaisien, Robert Campin est, avec Hubert et Jan van Eyck, un des points de départ de la peinture des Pays-Bas qui, détachée du style gothique international, va devenir un art local – surtout en ce qui concerne Campin – et indépendant. En effet, après la défaite d'Azincourt en 1415, après la mort du duc de Berry et le retour de Philippe le Bon en Flandre, les peintres flamands, qui avaient été attirés par les cours parisiennes ou celles des ducs de Bourgogne, vont rester dans leur pays et y trouver le patronage d'une société riche et cosmopolite, bourgeoise et ecclésiastique autant que noble.

Une difficile identification

L'identification de Campin, qui a donné lieu à de vives controverses, fut un des problèmes les plus passionnants posés par l'histoire de l'art. L'existence de l'artiste était surtout connue par des documents : il ne semble pas être né à Tournai, dont il n'est citoyen qu'en 1410, deux ans après avoir été signalé dans la ville comme maître peintre. Il y tient un atelier considérable et a notamment comme « apprentis » les peintres Jacques Daret et Rogier van der Weyden, de 1427 à 1432. Il eut une vie mouvementée (en 1423, par exemple, il joue un rôle politique dans une révolte d'artisans contre les patriciens), mais semble avoir toujours joui d'un grand prestige en tant qu'artiste.

Campin a peint occasionnellement des statues et des écus, comme cela se faisait beaucoup à l'époque, mais il fut surtout peintre de panneaux ; il est avec les Van Eyck, dont il n'atteint cependant pas la perfection technique, l'un des premiers utilisateurs de la peinture à l'huile comme moyen esthétique pour traduire la lumière, sans diminuer pour autant l'intensité de tons. De son abondante production, il ne reste que quelques originaux, des retables et des portraits, et autant de copies peintes ou dessinées d'après des compositions perdues. Les tableaux dont on attribue actuellement, avec certitude, l'exécution ou la conception à Campin, ont d'abord été attachés au nom de Rogier van der Weyden, son élève, comme œuvres de jeunesse ; mais on s'est vite rendu compte de la différence fondamentale des factures et de l'esprit, en dépit de la parenté iconographique. On les crut d'un suiveur de van der Weyden, puis on s'aperçut du caractère archaïque qu'ils présentaient par rapport à l'art de Van der Weyden, et on les groupa sous le nom de Maître de Flémalle (le plus remarquable de ses tableaux ayant été peint pour l'abbaye de Flémalle). Ce sont des similitudes de style entre un retable de Daret et certaines œuvres du Maître de Flémalle, comme Le Mariage de la Vierge (Prado), fragment d'un diptyque, La Mise au tombeau, ou Triptyque du comte Seilern (1406-1410, coll. Seilern, Londres) et la Nativité (1420-1425 environ, musée des Beaux-Arts, Dijon), qui ont permis d'identifier le Maître de Flémalle avec le maître de Jacques Daret, Robert Campin.

Les premières œuvres de Campin, parmi lesquelles La Mise au tombeau et Le Mariage de la Vierge déjà citées, montrent clairement la dette de ce dernier envers le style gothique international : le souci de rendre l'expression psychologique, notamment dans La Mise au tombeau, par ses attitudes pathétiques (d'un pathétique très extériorisé chez Campin, alors qu'il sera au contraire ennobli et tout intérieur chez Rogier, rappelant l'héritage giottesque et siennois transmis par la miniature et l'art de cour parisien – Jacquemart de Hesdin et le Parement de Narbonne, 1375-1380) ; mais le réalisme sans concession des types physiques est bien caractéristique de l'art flamand et renvoie plutôt à Jean Malouel, à Henri Bellechose et à tous les artistes locaux du « réalisme pré-eyckien », en même temps que se fait jour, déjà,[...]

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Pour citer cet article

Françoise HEILBRUN. CAMPIN ROBERT ou MAÎTRE DE FLÉMALLE (1380 env.-1444) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>La Madone à l'écran d'osier</it>, R. Campin - crédits :  Bridgeman Images

La Madone à l'écran d'osier, R. Campin

<it>Saint Joseph</it>, panneau droit du triptyque de Mérode, R. Campin - crédits :  Bridgeman Images

Saint Joseph, panneau droit du triptyque de Mérode, R. Campin

<it>Annonciation</it>, R. Campin - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Annonciation, R. Campin

Autres références

  • LE MAÎTRE DE FLÉMALLE et ROGIER VAN DER WEYDEN (expositions)

    • Écrit par Christian HECK
    • 1 092 mots

    L'organisation, la même année, de deux expositions majeures consacrées à l'art des primitifs flamands, l'une Le Maître de Flémalle et Rogier Van der Weyden au Städel Museum de Francfort (21 novembre 2008-22 février 2009) reprise par la suite à la Gemäldegalerie de Berlin (20...

  • GOTHIQUE ART

    • Écrit par Alain ERLANDE-BRANDENBURG
    • 14 896 mots
    • 27 médias
    Le grand initiateur est le Maître de Flemalle, souvent identifié avec Robert Campin (1378 ou 1379-1444), à Tournai ; ses œuvres marquent une rupture avec le gothique international par leurs recherches de perspective, la réalité des paysages ou des intérieurs reproduits, par le dessin des personnages,...
  • LOCHNER STEPHAN (1410 env.-1451)

    • Écrit par Pierre VAISSE
    • 569 mots

    Peintre allemand né à Meersburg, Stephan Lochner s'établit à Cologne en 1442 au plus tard, date à laquelle il achète une maison dans la ville. Il est membre du conseil de la Corporation des peintres en 1447 et 1450. Pendant la décennie où sa présence est attestée à Cologne, il fut sans...

  • NÉERLANDAISE ET FLAMANDE PEINTURE

    • Écrit par Lyckle DE VRIES
    • 10 188 mots
    • 18 médias
    ...Limbourg, par exemple, se sentait libre de remplir une composition de caractère surtout décoratif d'une quantité de détails réalistes. Chez un artiste comme Robert Campin, le projet lui-même est tiré de la réalité qu'il observe quotidiennement. C'est là un revirement capital qui n'eût pas été possible dans...
  • STYLE, ARTISTE ET SOCIÉTÉ, Meyer Schapiro - Fiche de lecture

    • Écrit par François-René MARTIN
    • 1 301 mots
    ...Schapiro réduit à peu de choses la démonstration du Viennois, mais tout en admettant la possibilité d'une interprétation psychanalytique des œuvres d'art. C'est moins à la théorie psychanalytique elle-même qu'à l'attention qu'elle porte à la symbolique sexuelle que l'on peut rattacher l'étude sur le symbolisme...

Voir aussi