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BRITTEN BENJAMIN (1913-1976)

Les refuges

Dans toutes ces œuvres, même dans la païenne histoire de Tarquin et de Lucrèce, la forme chrétienne de l'aspiration au salut transparaît en filigrane. Elle deviendra dominante dans les trois « opéras d'église », chantés par des moines déguisés, car, comme au Moyen Âge et dans le nō japonais, les rôles féminins seront confiés à des hommes. Dans La Rivière aux courlis, une femme, dont la voix est celle d'un ténor aigu, cherche par le monde son enfant introuvable, ne trouve que son tombeau. Les héros de tous ces drames sans solution, car la damnation est éternelle, chercheront consolation au pied de la croix, dans l'humilité du péché reconnu. Socrate, au xxe siècle, ne boit plus la ciguë, il s'immole devant l'ami de Jean, qu'il a choisi pour sauveur.

Britten croyait en une musique de circonstance, et c'est dans des occasions bien déterminées qu'il écrit de nombreuses œuvres, parmi lesquelles sa Cantata academica pour le cinq centième anniversaire de l'université de Bâle, sa Cantata misericordium (1963) pour le centenaire de la Croix-Rouge et Voices for Today, motet composé pour le vingtième anniversaire des Nations unies. Il a exposé son esthétique musicale dans un discours prononcé aux États-Unis en 1964, lorsqu'il reçut le Aspen Award : « Je tiens compte des circonstances humaines de la musique, de son environnement et de ses conventions : ainsi pour le théâtre, j'essaie d'écrire une musique efficace dramatiquement. Et puis la meilleure musique qu'on puisse écouter dans une grande église gothique, c'est la polyphonie qui fut écrite pour ce type d'architecture et calculée en fonction de sa résonance : telle fut mon approche pour le War Requiem. Je crois en la musique de circonstance. Presque chaque chose que j'ai composée l'a été en vue d'une certaine occasion, habituellement pour des exécutants bien définis et toujours pour des êtres humains... » Gloriana, spectacle de circonstance, opéra d'apparat, le War Requiem, né de la guerre et de la résurrection de tout un peuple, ce sont les gages que Britten, par-delà deux siècles, offrira à Haendel, couché pour toujours dans l'abbaye de Westminster. Mais les Variations sur un thème de Purcell ont double signification. Le musicien inspiré, qui, après trois siècles cette fois, aura fait resurgir l'opéra anglais, la langue anglaise chantée, y rend hommage à Purcell, avec qui le genre semblait disparu pour toujours ; mais c'est pour initier des collégiens à la magie des timbres de l'orchestre que Britten, le fondateur de l'English Opera Group, compose les Variations. Ce « groupe », né avec Le Viol de Lucrèce, avait réduit l'orchestre à un ensemble de solistes ; c'était le chariot de Thespis lyrique, avec ses décors pliants, s'en allant par les villes et les campagnes, les œuvres réduites à l'essentiel, les dépenses aussi.

En 1948, Britten, Pears et leurs amis fondent le festival d'Aldeburgh pour y mettre en valeur l'English Opera Group aussi bien que leurs éminents amis musiciens : William Primrose, Yehudi Menuhin, Sviatoslav Richter, Julian Bream, Dietrich Fischer-Dieskau, Zoltán Kodály... En 1961 commence une collaboration artistique très fructueuse entre Britten et Mstislav Rostropovitch. La Sonate pour violoncelle créée au festival d'Aldeburgh 1961 est suivie en 1963 par la Cello Symphony, et trois suites pour violoncelle. En 1965, il compose le cycle de mélodies The Poet's Echo sur des poèmes de Pouchkine, pour la femme de Rostropovitch, Galina Vichnievskaia. Passionné par les diverses langues humaines, Britten joindra à ce cycle russe des mélodies en anglais, en français, en italien et en allemand. Bien qu'il accepte parfois d'autres commandes, la composition de musique pour le festival d'Aldeburgh sera l'activité[...]

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Écrit par

  • : critique musical
  • : critique des revues Opéra, Avant-Scène, réalisateur de l'exposition Benjamin Britten aux Opéras

Classification

Pour citer cet article

Antoine GOLÉA et Charles PITT. BRITTEN BENJAMIN (1913-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Benjamin Britten et Peter Pears - crédits : Gerti Deutsch/ Picture Post/ Hulton Archive/ Getty Images

Benjamin Britten et Peter Pears

Peter Pears et Benjamin Britten - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Peter Pears et Benjamin Britten

Alfred Deller - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Deller

Autres références

  • PETER GRIMES (B. Britten)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 335 mots

    Lorsque Peter Grimes de Benjamin Britten est créé avec un succès éclatant au Sadler's Wells Theatre de Londres le 7 juin 1945, sous la direction de Reginald Goodall, avec, dans les deux rôles principaux, Peter Pears (Peter Grimes) et Joan Cross (Ellen Orford), c'est un triomphe personnel...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Musique

    • Écrit par Universalis, Jacques MICHON
    • 6 879 mots
    • 8 médias
    Benjamin Britten (1913-1976) demeure sans conteste la grande figure musicale anglaise du xxe siècle, faisant preuve, d'une partition à l'autre, d'une exceptionnelle créativité. Auteur de nombreuses œuvres de musique de chambre (trois quatuors à cordes, trois suites pour violoncelle, plusieurs pièces...
  • BAKER JANET (1933- )

    • Écrit par Universalis
    • 324 mots

    Son phrasé, son expressivité, sa présence scénique et l'homogénéité exceptionnelle de sa voix ont fait de la mezzo-soprano anglaise Janet Baker une des plus grandes interprètes de son temps. Son répertoire, extrêmement vaste, s'étend de la musique de l'âge baroque à Richard...

  • BERKELEY LENNOX (1903-1989)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 478 mots

    « Compositeur anglais appartenant à la même génération que Walton et Tippett, [Lennox Berkeley] ne s'inscrit pas de manière évidente dans les traditions nationales représentées par ces derniers ou, auparavant, par Elgar et Vaughan Williams. C'est en partie en raison de son ascendance française et de...

  • FERRIER KATHLEEN (1912-1953)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 1 774 mots
    • 1 média
    ...mai 1943, elle chante à l'abbaye de Westminster le Messie de Haendel aux côtés du ténor Peter Pears, interprète de prédilection et compagnon de Benjamin Britten, qui assiste au concert. Conquis, le compositeur n'hésitera pas à confier à Kathleen Ferrier l'écrasant rôle-titre de son opéra ...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi