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BRITTEN BENJAMIN (1913-1976)

« Le chant d'un homme seul »

Britten, le musicien, a la nostalgie permanente de la poésie, même lorsqu'il se penche, comme en marge de ses hantises, avec Albert Herring (1947), sur l'histoire du Rosier de Mme Husson de Maupassant, ou bien sur le vieil Opéra des gueux de John Gay et John Christopher Pepusch, et, bien entendu, lorsqu'il compose, pour des collégiens encore, Faisons un opéra (1949) et L'Arche de Noé (1957). Et lorsque son secret est au centre d'une œuvre, chaque fois un grand exemple poétique s'y trouve lié : pour Peter Grimes, le livret de Montagu Slater est extrait d'un vaste poème, datant de 1810, de George Crabbe ; pour Le Viol de Lucrèce, Roland Duncan transcrira la pièce d'André Obey ; pour Billy Budd, Edward Morgan Forster et Eric Crozier adapteront le roman de Herman Melville ; pour Le Tour d'écrou et pour Owen Wingrave, l'inspirateur de Myfanwy Piper et du musicien sera Henry James, le génial précurseur de Proust, de James Joyce, d'Arthur Schnitzler et de Freud ; pour Mort à Venise enfin, la nouvelle de Thomas Mann. La poésie, toujours, débouche sur la sonde des âmes, par la voie de la musique.

Né à la musique au moment où Stravinski et Schönberg, ce dernier surtout, la révolutionnent, Britten va obstinément son propre chemin. Obstinément ? Non, à la réflexion ; plutôt avec un parfait naturel. Il aime Debussy, il aime Moussorgski, il aime le chant italien ; il leur restera fidèle. Il aime la musique ancienne, et il lui rendra maintes fois hommage. Il aime la richesse inépuisable des modes du Moyen Âge, du chant des troubadours, du chant grégorien. Il aime le chant fruité des instruments d'autrefois. Lorsqu'il ira chercher son inspiration dans Shakespeare, ce sera dans Le Songe d'une nuit d'été, et sa musique sera celle de l'époque élisabéthaine, si douce et si limpide parmi les horreurs du temps. De la façon la plus simple et la plus directe, il dira ses angoisses, calmera ses démons. Il ne reniera jamais ceux qu'il considère comme ses exemples et ses maîtres, mais ne les imitera jamais non plus, s'en approchera peut-être trop ; jusqu'au danger du pastiche, dans les trois opéras d'église ; mais c'est là peu de chose, au regard d'une œuvre qui se lie aux plus hautes traditions avec les signes permanents de la plus profonde originalité.

— Antoine GOLÉA

— Charles PITT

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Écrit par

  • : critique musical
  • : critique des revues Opéra, Avant-Scène, réalisateur de l'exposition Benjamin Britten aux Opéras

Classification

Pour citer cet article

Antoine GOLÉA et Charles PITT. BRITTEN BENJAMIN (1913-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Benjamin Britten et Peter Pears - crédits : Gerti Deutsch/ Picture Post/ Hulton Archive/ Getty Images

Benjamin Britten et Peter Pears

Peter Pears et Benjamin Britten - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Peter Pears et Benjamin Britten

Alfred Deller - crédits : Erich Auerbach/ Hulton Archive/ Getty Images

Alfred Deller

Autres références

  • PETER GRIMES (B. Britten)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 335 mots

    Lorsque Peter Grimes de Benjamin Britten est créé avec un succès éclatant au Sadler's Wells Theatre de Londres le 7 juin 1945, sous la direction de Reginald Goodall, avec, dans les deux rôles principaux, Peter Pears (Peter Grimes) et Joan Cross (Ellen Orford), c'est un triomphe personnel...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Musique

    • Écrit par Universalis, Jacques MICHON
    • 6 879 mots
    • 8 médias
    Benjamin Britten (1913-1976) demeure sans conteste la grande figure musicale anglaise du xxe siècle, faisant preuve, d'une partition à l'autre, d'une exceptionnelle créativité. Auteur de nombreuses œuvres de musique de chambre (trois quatuors à cordes, trois suites pour violoncelle, plusieurs pièces...
  • BAKER JANET (1933- )

    • Écrit par Universalis
    • 324 mots

    Son phrasé, son expressivité, sa présence scénique et l'homogénéité exceptionnelle de sa voix ont fait de la mezzo-soprano anglaise Janet Baker une des plus grandes interprètes de son temps. Son répertoire, extrêmement vaste, s'étend de la musique de l'âge baroque à Richard...

  • BERKELEY LENNOX (1903-1989)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 1 478 mots

    « Compositeur anglais appartenant à la même génération que Walton et Tippett, [Lennox Berkeley] ne s'inscrit pas de manière évidente dans les traditions nationales représentées par ces derniers ou, auparavant, par Elgar et Vaughan Williams. C'est en partie en raison de son ascendance française et de...

  • FERRIER KATHLEEN (1912-1953)

    • Écrit par Pierre BRETON
    • 1 774 mots
    • 1 média
    ...mai 1943, elle chante à l'abbaye de Westminster le Messie de Haendel aux côtés du ténor Peter Pears, interprète de prédilection et compagnon de Benjamin Britten, qui assiste au concert. Conquis, le compositeur n'hésitera pas à confier à Kathleen Ferrier l'écrasant rôle-titre de son opéra ...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi