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FERRIER KATHLEEN (1912-1953)

La maladie ou un accident brisent parfois des parcours musicaux d'exception. Plus brève encore que celle de Dinu Lipatti (1917-1950) et de Ginette Neveu (1919-1949), la carrière de la contralto britannique Kathleen Ferrier – foudroyée à l'âge de quarante et un ans – n'aura duré qu'une petite dizaine d'années. Mais, comme eux, elle a atteint d'emblée une maîtrise, une pureté de style et une intensité émotionnelle inouïes dans des interprétations habitées qui sont entrées dans la légende. Pour Yves Bonnefoy, la voix de Kathleen Ferrier était « le lieu spirituel d'une initiation à la dimension temporelle » : « Je célèbre la voix mêlée de couleur grise / Qui hésite aux lointains du chant qui s'est perdu / Comme si au-delà de toute forme pure / Tremblât un autre chant et le seul absolu » (Y. Bonnefoy, À la voix de Kathleen Ferrier, in Hier régnant désert, 1958).

« Have mercy, lord, on me »

Kathleen Mary Ferrier naît le 22 avril 1912 à Higher Walton, un village situé près de Preston (Lancashire, Angleterre), dans une famille modeste – son père est maître d'école – mais férue de musique (sa sœur aînée, Winifred, écrira la première biographie d'importance de la grande chanteuse). À l'âge de quatorze ans, Kathleen doit quitter l'école et travailler à la Poste pour aider financièrement ses parents, sans pour autant abandonner l'étude du piano, qu'elle avait commencée avant l'âge de cinq ans, et dans lequel elle excellait : en 1931, elle obtient le diplôme de Licentiate de la Royal Academy of Music de Londres. Mais elle a toujours aimé chanter, et c'est peu après son mariage, en 1935, qu'elle découvre véritablement ses possibilités vocales. 1937 est une année décisive : elle participe à un concours de musique à Carlisle, où elle remporte le premier prix de piano, mais aussi, et surtout, le premier prix de chant, ce qui la décide à embrasser la carrière de chanteuse. À partir de 1939, elle travaille sa voix avec John Ernest Hutchinson, chef d'orchestre et professeur de chant.

Le grand chef d'orchestre Malcolm Sargent l'auditionne ; enthousiasmé, il recommande Kathleen Ferrier, qui s'est établie à Londres en 1942, à la prestigieuse agence de concert Ibbs and Tillett. Elle prend alors des leçons avec le baryton écossais Roy Henderson, professeur à la Royal Academy of Music de la capitale, qui l'initie aux lieder de Schubert, de Schuman et de Brahms.

Kathleen Ferrier participe à l'effort de guerre en donnant des récitals dans les usines et les casernes, dans le cadre des tournées de « soutien moral » organisées par le Council for the Encouragement of Music ans the Arts (C.E.M.A., « Conseil pour l'encouragement de la musique et des arts ») ; son répertoire s'est étendu, avec la Passion selon saint Matthieu et la Messe en si mineur de Bach, la Rhapsodie pour voix d'alto, chœur d'hommes et orchestre de Brahms, l'oratorioThe Dream of Gerontius d'Edward Elgar (dans lequel elle interprète l'Ange), les Kindertotenlieder et Das Lied von der Erde de Mahler, qui deviendra une de ses interprétations emblématiques. Elle sillonne ainsi le Royaume-Uni, et établit sa notoriété. C'est à cette époque qu'elle fait la connaissance des pianistes Gerald Moore et Phyllis Spurr, qui deviendront ses fidèles accompagnateurs, ainsi que du chef d'orchestre John Barbirolli, qui deviendra l'un de ses plus proches amis et soutiens. En mai 1943, elle chante à l'abbaye de Westminster le Messie de Haendel aux côtés du ténor Peter Pears, interprète de prédilection et compagnon de Benjamin Britten, qui assiste au concert. Conquis, le compositeur n'hésitera pas à confier à Kathleen Ferrier l'écrasant rôle-titre de son opéra The Rape of Lucretia, qu'elle crée[...]

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Pour citer cet article

Pierre BRETON. FERRIER KATHLEEN (1912-1953) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Kathleen Ferrier et Bruno Walter - crédits :  Time Life Pictures/ Pix Inc./ The LIFE Picture Collection/ Getty Images

Kathleen Ferrier et Bruno Walter

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