Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ATOMISME

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

L'atomisme à l'époque moderne

Avec l'émergence du mécanisme dans le premier tiers du xviie siècle, la conception corpusculaire de la réalité, héritée de l'atomisme antique, va trouver une nouvelle actualité scientifique. Sous-jacente aux apparences sensibles, la réalité physique se présente comme une série variable de combinaisons entre des éléments matériels. Le scientifique qui maîtrise les lois qui régissent cette combinatoire n'aura aucun mal à passer du simple au complexe, et réciproquement.

Le principal théoricien de l'atomisme au xviie siècle est Pierre Gassendi (1592-1655). Épicure, qu'il a longuement étudié, lui fournit un modèle épistémologique, qui lui évite également de tomber dans les pièges d'un rationalisme dogmatique et d'un scepticisme ravageur. En tant qu'hypothèse explicative, compatible avec la conception chrétienne d'un Dieu créateur, l'atomisme rend parfaitement compte des qualités sensibles dont nous avons l'expérience, tout en fournissant un modèle satisfaisant pour l'organisation des données du monde observable.

À la même époque, l'invention du microscope permet de vérifier expérimentalement l'existence d'« atomes » qui jusque-là, restaient des entités purement théoriques. Le débat se déplace alors sur un autre terrain : celui de la nature et de l'identification des particules élémentaires dont le conglomérat façonne la réalité empirique.

À partir du xixe siècle, la théorie atomique devient la chasse gardée des « sciences dures ». Dans le champ philosophique, l'atomisme va connaître un nouveau printemps grâce à certains représentants de la philosophie analytique. C'est le courant de l'atomisme logique, illustré par Bertrand Russell (1872-1970) et le « premier » Wittgenstein (1889-1951).

Bertrand Russell - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Bertrand Russell

Ludwig Wittgenstein - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Ludwig Wittgenstein

L' analyse logique est au langage naturel ce que le microscope est à l'œil. Une phrase aussi simple que « L'actuel roi de France est chauve » s'avère à l'analyse hautement complexe. L'analyse résolutive cherche à cerner des propositions « atomiques », dont la forme permet de cerner la structure des faits correspondants. Toute proposition complexe est une fonction de vérité des propositions nucléaires, qui nomment des objets et décrivent des états de choses. Cette thèse extensionnaliste engage une certaine vision du rapport entre le langage et la réalité. La proposition atomique fonctionne ici comme image du monde, langage et monde (compris comme « tout ce qui est le cas ») ne cessant de renvoyer l'un à l'autre. Malgré un certain air de famille avec l'ancien atomisme, l'atomisme logique, loin de fonder l'éthique, en fait une grandeur transcendantale, qu'il est impossible d'exprimer dans un langage rigoureux.

— Jean GREISCH

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en philosophie, professeur émérite de la faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris, titulaire de la chaire "Romano Guardini" à l'université Humboldt de Berlin (2009-2012)

Classification

Pour citer cet article

Jean GREISCH. ATOMISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Épicure - Athènes - crédits : Courtesy of the Soprintendenza alle Antichita della Campania, Naples

Épicure - Athènes

Lucrèce - crédits : Spencer Arnold/ Hulton Archive/ Getty Images

Lucrèce

Bertrand Russell - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Bertrand Russell

Autres références

  • ABŪ L-HUDHAYL AL-‘ALLĀF (752-842)

    • Écrit par
    • 792 mots

    Premier grand penseur de la théologie mu‘tazilite, disciple indirect de Wāṣil b. ‘Atā', Abū l-Hudhayl al-‘Allāf est né à Baṣra et mort à Sāmarā. S'étant initié à la philosophie, il s'oppose vivement aux « physiciens » matérialistes, la dahriyya, qui...

  • ÂGE DE LA TERRE

    • Écrit par
    • 5 143 mots
    • 5 médias
    ...il lui attribua comme auteur un démiurge ayant ordonné la khôra, un « réceptacle » qui fut peu après considéré comme une matière informe. En dépit de leurs désaccords fondamentaux, les atomistes et les stoïciens partagèrent l’idée que le monde passait continuellement par des cycles de formation...
  • ANAXAGORE (env. 500-428 av. J.-C.)

    • Écrit par et
    • 1 859 mots
    • 1 média

    Anaxagore est sans doute le plus « moderne » des philosophes archaïques. Né à Clazomènes vers 500 avant J.-C., il vint se fixer à Athènes, où il introduisit la philosophie, et appartint au cercle éclairé qui entourait Périclès. Condamné pour impiété parce qu'il avait soutenu une ...

  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...poètes autant que de savants, la philosophie dite atomistique de deux ioniens, Leucippe (env. 500-420) et Démocrite (env. 460-390), paraît plus sobre ; elle s'efforce d'expliquer la constitution du monde à partir des éléments les plus simples qui se puissent concevoir, les atomes : les atomes...
  • Afficher les 25 références