Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ABŪ L-HUDHAYL AL-‘ALLĀF (752-842)

Premier grand penseur de la théologie mu‘tazilite, disciple indirect de Wāṣil b. ‘Atā', Abū l-Hudhayl al-‘Allāf est né à Baṣra et mort à Sāmarā. S'étant initié à la philosophie, il s'oppose vivement aux « physiciens » matérialistes, la dahriyya, qui soutiennent l'éternité du monde, défendant dans les polémiques les grands principes de l'École. Des doctrines de Platon et d'Aristote sur l'acte, le mouvement et la puissance, il tire l'étrange conséquence qu'une fois réalisés tous les objets du pouvoir divin (ce qui a lieu dans la Vie dernière après la fin du monde), Dieu n'a plus de pouvoir à exercer et qu'il cesse d'être tout-puissant.

L'hérésiographe ‘Abd al-Qāhir al-Baghdādī souligne le rapport qui rattache cette idée à la critique de la dahriyya : « Les physiciens matérialistes disent aux monothéistes : s'il est possible qu'après tout mouvement il se produise un autre mouvement, et cela sans qu'il y en ait jamais un dernier [allusion au nombre infini des mouvements que les élus du Paradis feront dans l'éternité], et qu'après tout événement il y ait un autre événement, et cela sans fin, pourquoi ne serait-il pas vrai de dire qu'il n'existe aucun mouvement qui ne soit précédé d'un autre mouvement, aucun événement qui ne soit précédé d'un événement, et que cela ne part pas d'un état primordial avant lequel il n'y aurait rien ? Abū l-Hudhayl répond que, de même que les événements ont un commencement avant lequel il n'y a pas d'événement, de même ils ont un terme après lequel il n'y a plus d'événement. C'est pourquoi il a professé l'épuisement des possibilités du pouvoir divin. »

Aucun théologien musulman n'a repris cette doctrine. Une autre conséquence en est que, dans l'autre vie, tout est arrêté et déterminé : les hommes n'ont plus d'obligations dont ils aient à répondre ; sinon, il devrait y avoir une troisième vie, où ils seraient récompensés ou punis. Abū l-Hudhayl pense que, sans avoir la vraie foi et la vraie connaissance de Dieu, on peut lui obéir en beaucoup de choses, car, dit-il, « si l'homme qui ne connaît pas Dieu négligeait tous ses commandements, il faudrait qu'il s'adonne à tout ce qu'il interdit ».

En ce qui concerne les Attributs, Abū l-Hudhayl ne dit pas, par exemple, que Dieu connaît par son essence et non par une science, mais qu'il connaît par une science qui est son essence. Shahrastānī compare ces expressions à celles des chrétiens qui parlent de personnes de la Trinité, ou aux modes (aḥwāl) d'Abū Hāshim. Abū l-Hudhayl distingue la Parole de Dieu qui a besoin d'un réceptacle (maḥall), et celle qui n'en a pas besoin. La première est la Parole créatrice : Kun (Sois !) ; la seconde comprend la Parole législatrice qui ordonne et interdit, ainsi que toutes les informations que Dieu donne dans son Livre. La Parole de Dieu est un accident. Il en est de même de sa Volonté, qui, elle, n'est jamais dans un réceptacle. Par elle, Dieu crée des successions d'accidents qui « descendent » dans les corps. Par cet intermédiaire, la liaison entre l'ordre de l'éternel et l'ordre du temporel est assurée.

En physique, cela conduit à une théorie de l'atome et à l'atomicité du temps. Abū l-Hudhayl soutient que le mouvement qui descend dans une partie d'un corps composé entraîne le mouvement de ce corps tout entier ; en revanche, une partie indivisible isolée ne peut recevoir de couleur. Dans la théorie de la connaissance, le penseur distingue la connaissance nécessaire (connaissance de Dieu et de la preuve qui engage à le connaître) et toutes les connaissances issues des sens et du raisonnement, qui sont acquises. Ainsi, une fois que[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Roger ARNALDEZ. ABŪ L-HUDHAYL AL-‘ALLĀF (752-842) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • NAẒẒĀM AL- (775-846)

    • Écrit par Roger ARNALDEZ
    • 321 mots

    Théologien mu‘tazilite. Disciple d'Abū l-Hudhayl al-‘Allāf, Naẓẓām est remarquable par l'étendue de ses connaissances en matières religieuses et philosophiques. Comme son maître, il combat les dualistes et les « physiciens » matérialistes (dahriyya). Reprenant une distinction...

Voir aussi