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ANTIOXYGÈNES

Le terme « antioxygène » désigne des substances qui, ajoutées à faible dose à des matières spontanément oxydables à l'air, sont capables d'empêcher l'action de l' oxygène libre, communément appelée autoxydation.

Du point de vue de la terminologie, on a successivement utilisé les termes «  inhibiteurs », « antioxydants », puis « antioxygènes ». Le premier de ces mots a le défaut d'être vague ; le second est impropre et inexact, car les substances antioxygènes n'ont pas d'action retardatrice sur les oxydants chimiques tels que l'acide chromique, le permanganate de potassium, etc.

Les antioxygènes agissent par « catalyse négative », en ralentissant la vitesse de réaction. En toute rigueur, le terme catalyse est impropre ici, puisque les antioxygènes sont détruits par l'oxygène de façon irréversible. Il est aussi essentiel de bien distinguer leur mode d'action des autres effets protecteurs vis-à-vis de l'oxygène, notamment des procédés visant à éviter le contact direct de la matière oxydable avec l'oxygène (isolement par une couche imperméable, vernis par exemple, ou bien raréfaction de l'oxygène au voisinage du corps oxydable). Le terme « antioxygène » doit donc être strictement réservé aux agents protecteurs qui agissent par diminution de l'activité de l'oxygène sans l'écarter ou le raréfier.

Les antioxygènes permettent la protection des substances oxydables contre les méfaits de l'oxygène. Aussi ont-ils reçu, peu après les premiers travaux de Charles Moureu et Charles-Robert Dufraisse en 1917, d'importantes applications industrielles : on les utilise dans des secteurs très variés, comme la lutte contre le vieillissement du caoutchouc, le gommage des carburants, le cognement des moteurs à combustion interne, le rancissement des corps gras. Bien qu'ils ne constituent pas nécessairement des inhibiteurs de polymérisation, ils sont parfois utilisés pour la stabilisation de divers monomères.

Historique

L' évolution de nos connaissances sur la protection contre l'action de l'oxygène atmosphérique peut se diviser en trois périodes.

Il y eut tout d'abord une période empirique (avant la découverte de l'oxygène) pendant laquelle on a cherché à se défendre contre les méfaits de l'air, sans même connaître le vrai responsable, l'oxygène. Certains procédés utilisés depuis l'Antiquité avaient pour résultat de mettre les matières périssables à l'abri de l'oxydation, d'une manière plus ou moins efficace. On avait recours, entre autres, à des préparations végétales reconnues aujourd'hui pour être riches en phénols, aux macérations tannantes, à l'enfumage, etc.

Au cours de la deuxième période, les notions se précisent peu à peu. La première observation scientifique remonte à 1797 : Claude Berthollet a constaté que des traces de produits sulfurés empêchaient l'oxyluminescence du phosphore. En 1843, Deschamps a montré que le benjoin supprimait le rancissement des graisses. En 1856, Eugène Chevreul a signalé que la vitesse de dessication des huiles dépendait de la nature du bois sur lequel on les étalait : on a reconnu depuis que le retard à la dessication augmente lorsque la teneur des bois en phénols s'élève. En 1848, Rump a préservé le chloroforme de l'action de l'air par addition de traces d'alcool : cette méthode de stabilisation est encore utilisée. Il faudrait également mentionner la protection du caoutchouc, signalée pour la première fois en 1908 par Wilhelm Ostwald, ainsi que celle de nombreuses autres substances. On s'est en général borné, au cours de cette période, à noter, sans en expliquer la raison, que la présence d'impuretés favorables améliorait la tenue des matières altérables.

Michel-Eugène Chevreul - crédits : Bettman/ Getty Images

Michel-Eugène Chevreul

Wilhelm Ostwald - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wilhelm Ostwald

La troisième période[...]

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Écrit par

  • : docteur ès sciences, professeur à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris

Classification

Pour citer cet article

Robert PANICO. ANTIOXYGÈNES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Michel-Eugène Chevreul - crédits : Bettman/ Getty Images

Michel-Eugène Chevreul

Wilhelm Ostwald - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wilhelm Ostwald

Autres références

  • ANILINE

    • Écrit par Alain TRINQUIER
    • 1 375 mots
    • 2 médias
    ...plastiques utilise les résines obtenues par condensation de l'aniline et du formol. L'industrie du caoutchouc emploie des dérivés de l'aniline, soit comme antioxygènes, destinés à préserver la gomme du vieillissement par oxydation : phényl-β-naphtylamine (d) obtenue par condensation avec le β-naphtol ; soit...
  • ÉLASTOMÈRES ou CAOUTCHOUCS

    • Écrit par Christian HUETZ DE LEMPS, Françoise KATZANEVAS
    • 7 896 mots
    • 9 médias
    – Les agents de protection. Ils sont destinés à protéger l'élastomère, dont les chaînes macromoléculaires sont plus ou moins sensibles, contre l'oxygène et l'ozone principalement. Ces produits sont généralement des dérivés aminés ou phénoliques.
  • HYDROQUINONE

    • Écrit par Dina SURDIN
    • 172 mots

    Benzène-1,4-diol ou paradiphénol C6H4 (OH)2.

    Masse moléculaire : 110,11 g

    Masse spécifique : 1,358 g/cm3

    Point de fusion : 170,5 0C

    Point d'ébullition : 286,2 0C.

    Composé dimorphe : cristallise en prismes hexagonaux incolores après recristallisation dans l'eau, ou en feuilles monocliniques....

  • OXYGÈNE

    • Écrit par Robert CREUSE, René NOTO
    • 6 248 mots
    • 13 médias
    Certains composés, dits antioxygènes (Moureu et Dufraisse), agissent comme des inhibiteurs, tel l'hydroquinone. On les utilise pour bloquer le vieillissement du caoutchouc, des graisses et, dans les moteurs à explosion, pour éviter le cognement.

Voir aussi