Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

AMÉRINDIENS Amérique du Nord

Le choc colonial

Les étrangers à la peau claire, au visage velu, qui débarquèrent au xvie siècle, furent reçus sans hostilité ni peur. Les Indiens allèrent vers eux, chargés de présents, les invitant dans leurs villages, dans l'esprit de partage et d'échanges culturels qui existaient entre les tribus. Ils ne les prirent pas pour des dieux, n'ayant jamais divinisé quoi que ce soit, et ne durent juger que de l'infériorité morale et culturelle de ces individus agressifs, inadaptés au milieu, vivant à leurs crochets, fermés à toute communication ; ils n'en laissaient rien paraître, les recevant comme porteurs d'une culture particulière.

Ils furent d'emblée collectivement et globalement classés comme Indiens ou sauvages, et niés, contre toute évidence, comme « non-culture », comme humanité bestiale et dévoyée. Ils eurent affaire à toutes sortes d'hommes civilisés : derniers féodaux, marchands, entrepreneurs, prolétaires, petits paysans, catholiques, protestants, libres penseurs, monarchistes, républicains de toutes tendances, bien-pensants et aventuriers, révoltés, Espagnols, Anglais, Hollandais, Russes..., des hommes d'origines et de fortunes diverses, de convictions différentes, d'intérêts souvent opposés, mais tous identiques dans leur nature de colons, leur incapacité à reconnaître le fait indien. Les Indiens n'existaient pas pour les nations européennes, et les transactions et traités furent conclus à propos de territoires que les Européens s'étaient déjà arrogés par droit de découverte, et répartis entre eux.

La traite et le désastre démographique

Dès le début du xvie siècle, des relations commerciales s'ouvrent sur les côtes canadiennes à la suite du contact entre pêcheurs de morue et indigènes de la côte. La traite des fourrures devint rapidement indépendante et d'importance supérieure à la pêche, donnant naissance, dès la fin du siècle, à des compagnies qui cherchaient à s'assurer le monopole. La demande s'accrût, le castor s'épuisa sur la côte littorale, la traite se déplaça alors vers l'intérieur. Français et Hollandais installèrent des comptoirs et entrepôts, sur le Saint-Laurent (1608) et l'Hudson (1614). Les Anglais succédèrent aux Hollandais, et une compétition active s'engagea amenant au xviiie siècle les Français à pénétrer dans les plaines canadiennes. À cette époque d'autres fronts commerciaux existaient dans le sud des États-Unis où des trafiquants anglais achetaient peaux de cerfs et esclaves et dont l'expansion fut stoppée par l'installation des Français en Louisiane (1699). De la Louisiane au Canada en remontant les affluents du Mississippi, les Français remontèrent vers l'ouest. Dans les Plaines, un commerce s'était développé entre les Apaches et les Espagnols installés alors au Nouveau-Mexique depuis 1598 : contre chevaux et marchandises, les Apaches fournissaient peaux de bisons et esclaves, terrorisant les tribus sans défense de l'est des Plaines ; celles-ci accueillirent les Français qui leur fournirent des armes (les Espagnols n'en fournirent jamais aux Indiens), vers le milieu du xviiie siècle. Les Russes poursuivant leur expansion depuis la Sibérie s'étendirent en Alaska où ils établirent des postes de traite sur la côte sud. Au xixe siècle, leur commerce s'étendit sur la côte ouest, remonta vers l'intérieur, le long des cours d'eau sur la côte pacifique de la Colombie britannique, du sud de l'Alaska à l'État de Washington. Avec l'épuisement des loutres de mer au xixe siècle, les Indiens durent se transformer en trafiquants auprès des Indiens de l'intérieur. À l'intérieur, après l'élimination des Français, deux compagnies anglaises rivales se formèrent ; les postes se multiplièrent dans l'Ouest canadien entre[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur adjointe, département d'anthropologie, université de Montréal
  • : maître de conférences à l'université de Paris-VII (U.F. d'anthropologie-ethnologie)
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Marie-Pierre BOUSQUET, Universalis et Roger RENAUD. AMÉRINDIENS - Amérique du Nord [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

États-Unis, XIX<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

États-Unis, XIXe siècle

Reddition de Geronimo - crédits : Education Images/ Universal Images Group/ Getty Images

Reddition de Geronimo

Leçons d'agriculture - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Leçons d'agriculture

Autres références

  • ALLEN PAULA GUNN (1939-2008)

    • Écrit par Universalis
    • 566 mots

    Poétesse, romancière et essayiste américaine, Paula Gunn Allen mêle dans son œuvre les influences du féminisme et de ses racines amérindiennes.

    Paula Gunn Allen, née Paula Marie Francis le 24 octobre 1939 à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, est la fille d'un Américain d'origine libanaise et d'une...

  • AMAZONIE

    • Écrit par Martine DROULERS
    • 3 273 mots
    • 6 médias
    Les populations amazoniennes sont-elles à même de sauvegarder leur milieu ? Les Amérindiens sylvicoles, largement décimés depuis la colonisation, totalisent à peine un million de personnes (estimations des années 2000) pour quelques centaines de peuples culturellement différenciés. Ces groupes, restés...
  • AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie

    • Écrit par Jacqueline BEAUJEU-GARNIER, Danièle LAVALLÉE, Catherine LEFORT
    • 18 105 mots
    • 9 médias
    ...maintes hésitations, reconnaître le statut d'homme (bulle du pape Paul III en 1537), se fondent donc sur la Bible et les textes des auteurs grecs et latins. C'est ainsi que les « Indiens » d'Amérique sont tour à tour considérés comme descendants des Assyriens, des Phéniciens, des Égyptiens, des Hébreux, des...
  • AMÉRIQUE (Histoire) - Amérique espagnole

    • Écrit par Jean-Pierre BERTHE
    • 21 855 mots
    • 13 médias
    ...main-d'œuvre, car les colons entendent bien ne pas travailler de leurs mains les terres et les mines. Étrangers aux conceptions européennes du travail, les Indiens, par ailleurs pressurés et exploités, fuient les entreprises espagnoles. Le gouverneur organise bientôt le travail forcé en concédant aux colons...
  • Afficher les 32 références

Voir aussi