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ÂME

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Éclipse et retour des doctrines sur l'âme à la période hellénistique et romaine

Après la mort d'Alexandre le Grand (323 av. J.-C.), le monde hellénique se trouva plongé dans un bouleversement sans précédent : on passait sans transition de la petite cité grecque à la totalité de la « terre habitée » ; l'homme, défini par Aristote comme « le vivant qui habite une cité », devenait subitement « œcuménique », citoyen du monde et solidaire de l'univers, partout chez lui et infiniment libre, c'est-à-dire aussi bien partout seul et réduit à soi. À la recherche de sa situation cosmique, l'homme de ce temps est le plus souvent un agnostique et un sceptique. Quant à l'intelligentsia, elle s'abandonne aux consolations du mysticisme astrologique. De toute façon, c'est le déclin du rationalisme.

Le stoïcisme fut essentiellement la philosophie d'un homme placé dans un monde considérablement agrandi : philosophie du cosmos (κόσμος) conçu comme un gigantesque vivant, philosophie de la « sympathie » ou des harmonies préétablies et des correspondances secrètes entre les parties du monde. En référence à ce monde, l'homme perdu en son intérieur cherche à se situer en lui et se définit comme un « microcosme », réduction du monde immense, dont les membres correspondent aux différentes parties de l'univers. L'idée d'une « âme du monde », qui dans la philosophie platonicienne exprimait le finalisme du système, est reprise dans le stoïcisme, mais détachée de sa justification dialectique et appuyée seulement sur une analogie biologique empruntée aux Présocratiques. Parallèlement l'âme de l'homme n'est plus qu'une étincelle de vie cosmique, un feu de l'intelligence cosmique, « un fragment détaché du Dieu cosmique » (Épictète), qui retourne au grand Tout à la fin de chaque période ramenant la conflagration universelle.

Quant à Épicure, pour libérer le sage de la crainte de la mort, il le persuade que corps et âme sont un agencement provisoire d'atomes, les uns plus épais, les autres plus subtils, qui se défait naturellement à la mort, mettant fin à un destin qui n'a aucun droit à l'immortalité. C'est la négation pure et simple de la nature spirituelle et de l'immortalité de l'âme.

Dans le même temps, ceux qui dans la tradition platonicienne continuaient à croire à la survie de l'âme, commençaient à l'envoyer après la mort, non plus sous terre chez Hadès, mais dans les étoiles au sein du ciel. Les découvertes astronomiques et une meilleure connaissance du ciel permettent de donner de la consistance à cette croyance. On explique maintenant que les âmes descendent et remontent, et l'on s'interroge sur les raisons de la descente et le choix de vie. On rapporte également à la traversée par les âmes au cours de leur descente des sept sphères planétaires les caractéristiques qu'elles présentent : elles empruntent en passant aux planètes des qualités ou des vices qu'elles leur rendent au retour.

Au début de l'ère chrétienne, se produit un retour à l'étude des grands auteurs, Platon et Aristote. Alors se constitue le schéma d'un traité scolaire de l'âme, qui deviendra un élément constant de tout système philosophique. Il comporte quatre parties :

– nature, puissances et activités de l'âme ;

– origine, temps et mode de l'incarnation ;

– sort de l'âme incarnée ;

– eschatologie.

Dans ce cadre se coulent les traités que nous trouvons dans les Hermetica, chez Aetius ou Jamblique, comme aussi chez Tertullien.

Dans le néo-platonisme, l'âme est l'une des trois hypostases divines (Un, Intellect, Âme : Plotin, Ennéade, v, 1) et, de ce fait, elle est de nouveau conçue comme immatérielle et éternelle. Toute son ascèse[...]

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Pour citer cet article

Pierre CLAIR et Henri Dominique SAFFREY. ÂME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par
    • 12 228 mots
    ...hyperbolique. Il est caractéristique que, sous l'exposant du soupçon, dans Les Passions de l'âme (1649), Descartes confonde passions et affects. Dans le cadre du célèbre dualisme entre âme et corps, Descartes y définit en effet les passions comme « les perceptions » qui « se rapportent à l'âme...
  • ALCHIMIE

    • Écrit par et
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    Mais la force même (quel que soit le nom qu'on lui donne) de cette opération n'a pu s'en dégager que parce qu'elle était déjà engagée dans son sujet matériel, réel, qui, nécessairement, ressentait un désir d'interpénétration entre ses propres qualités et les natures élémentaires primordiales. C'est du...
  • ALEXANDRE D'APHRODISE (fin IIe-déb. IIIe s.)

    • Écrit par
    • 395 mots

    Philosophe péripatéticien grec, Alexandre d'Aphrodise, qui vécut sous le règne de Septime Sévère (193-211), commenta une très grande partie de l'œuvre d'Aristote. Plusieurs de ses commentaires sont perdus, notamment ceux qui concernent les Catégories, le Traité de l'interprétation...

  • ANIMISME

    • Écrit par et
    • 4 102 mots
    Depuis la Seconde Guerre mondiale environ, le concept d'animisme est abandonné par les anthropologues. Relayées, en effet, par des discussions sur d'autres concepts (notamment ceux de « magie » ou de « sacré », avec E. Durkheim et B. Malinowski), les théories de Tylor et de Frazer n'ont pas résisté...
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